Chapitre 40

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— C'est une blague? Je te préviens, je reste pas trois jours coincée dans cette grotte, même s'il y a un chat, fais- je tout en caressant Tapis, le maître de ce lieu. Il s'étend sur le plus de surface possible, et ose protester quand on le frôle. Monsieur estime que le canapé bleu lui appartient, et nous griffe dès qu'on s'en approche. Cependant, c'est un animal féru de caresses, qui ronronne dès qu'on passe la main sur son dos d'ébène. Il se frotte si souvent contre nos jambes, que celles ci sont recouvertes de poils noirs. A plusieurs reprises, j'ai failli tomber car Tapis se mettais sur mon chemin.

Gwendoline hausse les épaules, l'air contrit:

— Je suis désolée, mais on a vraiment pas le choix... Allez, c'est juste trois petits jours! On va pouvoir se reposer!

— Super, trois jours allongée comme une larve. En plus, l'eau de la douche est froide, maugrée je tout en farfouillant dans mon sac pour trouver ma tablette. Des habits sagement pliés tombent sur le sol, et Tapis s'empresse d'y apporter son odeur. En grognant, je pousse le chat et prend les vêtements désormais froissés pour les poser en hauteur, là où le félin n'ira pas les dénicher. 

Puis, la tablette à la main, je m'affale sur un canapé. L'appareil électronique vibre quand je le l'allume. Je repère une fissure, sur le coin gauche de l'écran. Puis, je fais défiler les profils des candidats éliminés et en compétition. Mes amies sont toujours là, ainsi que Kate (malheureusement) et Matthias (je ne peux m'empêcher de sourire). 

Une fois ma vérification — qui consistait à m'assurer que Maya, Sasha, Matthias et Déva étaient toujours là — terminée, je pose la tablette à côté de moi, et ferme les yeux. Si je dors, peut être que les trois jours passeront plus vite. 

Je suis réveillée par une force qui appuie sur mon ventre, par à-coups. Une pression sur la gauche, puis sur la droite, ainsi de suite. Dérangée, j'ouvre un oeil et découvre Tapis, en train de s'installer sur mon ventre. Tout en ronronnant, l'animal met et retire ses pattes de mon abdomen, sans considération pour mon accord. Je le caresse, et l'attrape pour le rapprocher de moi. Désormais allongé sur ma poitrine, le chat se frotte contre mon visage. Je referme les yeux, réchauffée par ce petit corps contre le mien. 

Je me réveille, avec une seule idée en tête: sortir d'ici. Peut importe Gwendoline, je dois juste partir, loin. De toute façon, s'il y avait un quelconque danger, elle m'aurait avertie. Mais je me rappelle de son regard alarmé tandis qu'elle m'ordonnait de ne pas sortir, de la lueur de terreur dans ses yeux qui m'a effrayée. Et efface ce souvenir de ma mémoire. Non, impossible, j'ai dû rêver. Je suis trop sur mes gardes en ce moment, complètement paranoïaque. Il faut que je me détende, que je décompresse. Voilà, sentir l'air frais sur ma peau me revigorera. J'étouffe, dans cette salle trop étroite pour un être humain.

Sans réfléchir, j'enfile sans un bruit ma veste, et fourre à toute vitesse mes habits dans mon sac, ainsi que ma tablette. La pièce est plongée dans l'obscurité, je dois faire attention aux endroits où mes pieds se posent, sous peine de réveiller Gwendoline, qui m'interdira de partir à coup sûr. 

Mes bagages terminés, je vais sur la pointe des pieds jusqu'à la porte. Ma main se dirige vers la poignée, sans réussir à la toucher. Une barrière mentale reste ancrée en moi, m'avertit d'un danger, me sonne de ne pas y aller, de ne pas franchir cette porte. Mais la partir qui veut partir est la plus forte, alors j'abaisse la poignée, et ouvre la porte.

Je m'éclipse sans un bruit, reparcourt le corridor plongée dans le noir et arrive enfin dans le grand hall. Je peux voir les étoiles à travers les immenses vitres. Pas de nuages dans le ciel, tout est calme. Une nuit d'été. Plus loin, la pleine lune illumine l'endroit, resplendit. 

Je reste quelques minutes figée, les doigts crispés sur la bandoulière de mon sacs, la bouche grande ouverte. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression de découvrir le satellite de la Terre et les étoiles pour la première fois. Une sorte de révélation. 

Puis, le rêve prend fin et je cours discrètement jusqu'à la porte en bois qui mène aux escaliers. Je l'ouvre à la volée, sans prendre de précautions, et gravit les marches deux par deux. Une énergie soudaine me vient, je peux parcourir le monde entier, je vais gagner ce jeu, parce que je peux le faire!

Mon exaltation prend fin lorsque la fatigue revient. Ma jambe me brûle, je dois m'arrêter afin de reprendre mon souffle et ma tête tourne. Je suis allée trop vite, et me rends compte e mon erreur quand je lève la tête et voit tout ce qui me reste à parcourir. Ce que j'ai déjà monté n'est rien comparé à ce qui m'attend.  

Je décide de faire une pause, pour recharger mes batteries. Je sort des gâteaux du sac, et le mange assise sur les marches humides et sales. Autour de moi, uniquement le noir. Je sors ma tablette pour me faire de la lumière, et en profite pour éclairer les escaliers. Je constate avec consternation que je ne vois même pas le bout. A cet instant prévis, j'ai envie de pleurer. Pourquoi ai je quitté la salle, j'y étais en sécurité, avec Tapis et Gwendoline. Je me maudis, moi et mon stupide égo. Je pensais être plus forte que ça, ne pas avoir besoin d'une protection, mais en fait si. Des fois, il vaut mieux rester en sécurité que de faire la maligne. Mais bon, je suppose que je m'en mordrai les doigts plus tard, alors autant ne pas y penser maintenant, pensai je tout en croquant dans un sablé. 

Puis, je me lève et me remets en marche. J'avance laborieusement, tout est difficile, chaque pas est un supplice pour ma jambe valide. Je ne sais pas combien de temps je mets pour arriver en haut, mais, quand j'ouvre la porte, c'est déjà l'aube, le ciel est strié de rose. 


Gwendoline

Je me réveille, les cheveux en bataille, les yeux bouffis par le sommeil. La pièce est plongée dans le noir: je me rappelle avoir éteint toutes les bougies hier. Sans les rallumer, je me dirige vers la douche. L'eau glacée me fait un choc, et me réveille. Ainsi, toute trace de brume a complètement disparu de mon cerveau quand je retourne dans la salle. 

Je remarque tout de suite que quelque chose cloche. Un je-ne-sais-quoi, une alarme qui fait que tout mes sens sont en éveil. 

Puis, mes yeux se posent sur le canapé où elle était. Vide.

Cette constatation à sur moi l'effet d'un bombe. Je sens une sueur glacée couler le long de ma colonne vertébrale. Des frissons parcourent mon corps, tantôt d'angoisse, tantôt d'horreur. Elle est partie. Aussitôt, je regrette. J'aurai dû lui dire, j'aurai dû la prévenir. L'avertir que la souffrance de rester enfermée ici trois jours n'était rien en comparaison de la souffrance qu'elle ressentirait si elle se faisait attraper par les bêtes. Mais maintenant c'est trop tard, et je regrette de toute mon âme.

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