Chapitre 28

18 7 22
                                    

Une fois dehors, je prends de grandes inspirations pour respirer l'air pur. Le ciel est d'un bleu éclatant, sans aucun nuage, et il me semble que le soleil rayonne encore plus fort, comme pour me saluer. Seulement, il est presque dix neuf heures, et je me rends compte que le ciel bleu n'est plus si bleu, qu'il s'assombrit. Il est malheureusement temps pour moi de rentrer, et me reposer, même si je voudrais rester dehors le plus longtemps possible. 

Cette fois, je prends mon temps, pour être sûre de ne pas tomber sur un appartement sale, ou déjà occupé. Car je sais que de possibles adversaires sont dans les parages. Or, je ne veux pas me battre, mais juste me remettre de mes émotions. 

Cependant, avant d'entrer dans un immeuble, je sors l'appareil photo, et prends quelques clichés du soleil couchant. Je joue avec les perspectives, les ombres et la lumière. 

Une fois les photos prises, je range l'appareil photo dans mon sac, et emprunte un escalier qui mène à un luxueux immeuble épuré, que les pigeons semblent avoir épargné. Mais, une fois arrivée devant la porte, je doute. Ne suis je pas trop voyante? Après tout, cet immeuble est presque rayonnant, je ne suis peut être pas la première à être entré dedans.

Je rebrousse chemin, et opte pour un bâtiment plus discret, qui comporte trois étages. Il est plus sobre, mais aucune odeur particulière ne s'en dégage, sinon celle du lino et du bois, mêlées à celle de l'ancien. 

Les escaliers grincent sous mes pas. J'ai l'impression d'être un éléphant, alors je me fait colibri; légère, discrète, toute petite.

M'agrippant à la rambarde (et en récoltant quelques échardes au passage), je passe devant les deux premiers étages sans m'arrêter. Je suis consciente de me coincer, mais je veux être la plus inaccessible possible. 

Arrivée sur le palier en carrelage du troisième, je suis essoufflée. Monter les escaliers m'a presque épuisée, et une douleur cuisante se fait ressentir dans ma jambe de chair. L'autre, la nouvelle, ne ressent rien. Parfois, j'ai l'impression qu'elle me gratte, mais je sais que ce n'est pas possible. Je crois que ça a un nom, le syndrome du membre manquant, où quelque chose dans le genre... 

Malgré ma fatigue, je me force à marcher jusqu'à l'appartement le plus éloigné de l'escalier, celui dans l'ombre. 

Un tapis avec marqué "bienvenue!" en lettres majuscules m'accueille. Par reflexe — ou par respect pour les anciens propriétaires, je ne sais pas—, je m'essuie les pieds dessus. De la crasse s'y colle, et une odeur de pourriture que je connais trop bien commence à se disperser dans l'air. Alors, je déplace le tapis et le pose devant un autre appartement. Je n'ai pas envie de sentir cette odeur. 

L'appartement est plus grand que celui de l'escape game, mais reste modeste. Un meuble à chaussure occupe la moitié du couloir d'entrée. J'y dépose mes chaussures. 

A gauche de la porte, se trouve le coin télé: un canapé bleu qui semble confortable fait face à une grande télévision, posée sur un meuble en bois ancien. Sur une table basse, installée entre la télé et le canapé, des fleurs et des magazines sont disposés. Plus loin, une table avec des chaises, aussi en bois, sont entourés par une cuisine moderne, et, le plus important, propre. 

A droite, il y a seulement deux portes: une pour la salle de bain, et l'autre pour la chambre à coucher. 

Je pose mes affaires, par terre, et file à la salle de bain, pour me laver les mains. 

Je constate avec joie que l'eau coule. Chaude, en plus. Elle réchauffe mes mains, et les nettoie de toute la crasse qu'elles avaient accumulé. 

Profitant du miroir installé au dessus du lavabo, je détaille mon visage.

Mes yeux marrons sont fatigués, et mes traits tirés. Ma couette s'est défaite, et mes cheveux forment une seule masse salle et pleine de nœuds. De la saleté s'est accumulée sur mon visage.

Je me sens, et me rends compte que je pue la sueur et l'odeur nauséabonde du studio. Je retiens un haut le cœur. Il faut vraiment que je me douche, je vais pouvoir être suivie à la trace, sinon! Je ris, en imaginant perdre à cause de mon odeur. Ce serait stupide. Autant diminuer les risques de me faire repérer. 

La baignoire à ma droite est plutôt grande — elle occupe près de la moitié de la salle de bain —, et une vitre protège le reste de la pièce de l'eau qui pourrait se répandre sur le sol. Juste à côté, une panière pour les habits et posée contre le mur, décoré avec  des tableaux de la mer, et de plages paradisiaques que je ne verrai jamais.  

Sur le côté baignoire, pas de papier peint, mais des carreaux, blancs et bleus marine. 

Je me déshabille alors sans tarder, et constate les dégâts sur mes habits: ils puent. Je vais devoir les changer, emprunter des habits aux propriétaires de l'appartement. Pour l'instant, je dépose mes habits dans la panière, grimpe dans la douche et fait couler l'eau. Au début, elle est froide, mais elle se réchauffe petit à petit. J'active le pommeau accroché en haut, afin de ne pas avoir à le tenir. 

L'eau coule sur moi, me délivrant. Je suis tellement sale que le liquide qui tombe par terre est marron clair, mélange de crasse et d'eau. Cette dernière me réconforte, me réchauffe, me calme, et apaise mes angoisses. Je suis bien, et encore mieux lorsque je m'applique du shampooing sur les cheveux (qui en on grandement besoin) et du gel douche qui sent apparemment la mangue (c'est marqué sur la boîte) sur le corps. 

Enfin propre, et mes muscles comme déliés, je sors de la douche. De la buée s'est accumulée sur le miroir, et il fait très chaud. 

Une fois sèche, je cours vers la chambre, enveloppée de ma serviette.

Je trouve facilement un dressing, où des tonnes d'habits prennent la poussière. Mes yeux s'arrondissent en voyant la quantité de vêtements. Chez moi, je n'ai que quatre tenues, que je porte pendant trois jours. Pas question de les abimer au nettoyage, il faut économiser!

Je pioche des vêtements qui me semblent à ma taille: des sous vêtements, et un t-shirt avec un pantalon qui me paraît être souple. Je les enfile, et, miracle, les sous vêtements me vont. Par contre, le pantalon est un peu grand et le t-shirt aussi, mais ça fera l'affaire. 

Je fourre mes anciens habits dans la poubelle de la salle de bain, et, en fouillant les tiroirs, découvre un objet, qui, je le pensais, avait disparu: le sèche cheveux. 

Cet objet magique me réchauffe le crâne et sèche mes cheveux (d'où son nom). Je manque de pleurer de joie en constatant le résultat: mes cheveux brillent, sont propres, et, le plus important: ils sont secs!

Remplie de joie, je sors de la salle de bain pour dévaliser les placards de la cuisine, car la faim se fait sentir. Mon ventre gargouille, proteste, et exige que je le nourrisse. 

Alors, je sors plusieurs aliments que je connais et que je sais cuisiner: les pâtes, et les riz. Ce sont les bases de mon alimentation, car les choses les moins chères. Je me décide finalement pour les pâtes. 

Je sors une casserole, fait bouillir de l'eau, met les pâtes, et attend. Je manque de faire déborder la casserole, mais me rattrape à temps et évite la catastrophe de justesse.  

Je ris, légère. 

Quand mon repas est prêt, je m'installe sur le canapé, assiette en main, et couverture sur les genoux. 

Je savoure silencieusement les pâtes, mâchant longuement, pour que ce moment de plaisir dure le plus longtemps possible. 

C'est totalement repue et calme que je m'endors, rassénérée. Je suis dans un appartement propre, je suis propre, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Enfin, pour l'instant.

CitygamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant