Je me recroqueville et plaque mes mains contre mes oreilles, attendant les coups, qui ne viennent pas. Au lieu de ça, je vois une main se tendre vers moi. Quand je lève les yeux, étonnée, je vois une jeune fille me sourire de ses dents blanches, ses yeux sombres pétillants. Ses longs cheveux noirs et bouclés encadrent son visage rond, accueillant. Sa peau hâlée est parsemée de croûtes. Deux fossettes sont installées au coin de ses lèvres, et son nez en trompette la rend joviale, naïve, gentille. Je l'imagine rendant visite à son père malade, un sourire et un bouquet de fleurs pour cadeaux. Je l'imagine avec ses amies, les réconfortant et s'oubliant pour elles. Je l'imagine seule, triste, mais n'osant pas crier, de peur de déranger. Je l'imagine riant pour repousser les larmes, sourire pour affronter la vie.
— Hey! Ca va? T'as l'air toute angoissée! s'inquiète elle. Je suis surprise par le timbre de sa voix: il est chaud, doux inspire la confiance. C'est une mélodie qu'on a envie d'écouter toute la journée, sans interruption. Mais je me reprends, de peur qu'elle ne me prenne pour une folle:
— Oui, oui, bien sûr! C'est juste que tu m'as fait peur, à me suivre et à enfoncer la porte de la pièce dans laquelle j'étais!
— Ah, oui, excuse moi. Je voulais juste te prévenir qu'un gars s'est fait attaquer par derrière il n'y a pas longtemps, au même endroit que toi. J'avais peur que tu te fasses agresser, et du coup je t'ai suivie, s'explique t elle, tout en faisant de grands gestes avec ses mains, comme pour donner corps à ses propos.
Je frémis, consciente du danger que j'ai encouru pendant que je me promenais dans les rues de Lyon. Je sais que le risque zéro n'existe pas, mais jusque là, ça m'était passé au dessus de la tête. Je sors uniquement avec un couteau sur moi, et que vaut une simple arme blanche contre une pistolet ou une kalachnikov? En vérité, je suis fragile, comme un oiseau qui vient de naître. Ma coquille vient à peine de se fendiller, je suis encore naïve, pour moi, la vie est nouvelle, mes yeux peinent à s'adapter à toute cette grandeur.
Une question me taraude, fait des bond dans ma tête, la réponse s'amuse à m'échapper:
— Tu sais qui est l'agresseur?
— Non. Désolée, rajoute la fille en remarquant mon air paniqué. Mais si ça peut t'aider, je crois que c'est une fille.
Instantanément, je me pétrifie, et me liquéfie. J'ai l'impression que toute la sueur de mon corps coule de mes pores, flot répugnant. Je me crispe, mes dents se serrent. La raison en est simple. Je ne vois qu'une seule fille (bien que je ne les connaisse pas toutes) pour faire ça. La même qui m'a tiré dans la jambe. La même qui a fait que je me retrouve coincée dans une jambe bionique. La même que j'ai giflé, il me semble une éternité.
— C'est Kate, je murmure. Mais ce chuchotis est déjà trop fort à mon goût, comme s'il risque d'attirer la principale concernée, pour qu'elle me tire cette fois ci dans le cœur. Je n'ai pas oublié la douleur atroce, après la terreur, non. Je n'ai pas oublié ces nuits passées à cauchemarder d'elle, à me réveiller en sueur, pensant qu'elle se trouvait juste au dessus de moi, le pistolet collé contre ma poitrine. Je n'ai pas oublié les crises d'angoisses, qui m'empêchaient de respirer. Non, je n'ai rien oublié, et son seul nom m'emplit de terreur. Un véritable traumatisme, que je cache à moi-même, comme si, si je l'assume, je risque de le concrétiser.
La peur est un formidable carburant. Emplie d'adrénaline, je bondis, et m'enfuis à toute vitesse. Je dois rentrer chez moi au plus vite, m'enfermer dans mon appartement, respirer, et arrêter de penser.
La fille — je ne connais même pas son prénom — m'emboîte le pas, tout en lançant un "Hé, qu'est ce qu'il se passe?". Je ne lui répond pas, dévale les escaliers à toute vitesse et m'expose au soleil. Je fonce, mon couteau serré contre ma poitrine.
Je refais le chemin si vite que, en quelques minutes à peine, je suis devant la porte de mon appartement, dégoulinante de sueur, haletante, éreintée.
Je m'apprête à m'enfermer à double tour, quand des coups résonnent à la porte, accompagnés de supplications au timbre de voix que je reconnais. J'ouvre, et la fille de tout à l'heure me fait face, une main sur un genou, l'autre, prête à frapper contre la porte encore et encore.
— Ah, enfin! Tu peux m'héberger, s'il te plaît? Tu es partie d'un coup, j'ai eu peur!
Remarquant que je ne répond pas et continue de la dévisager, elle adopte un air suppliant:
— Je t'en prie! Je te jure, sur l'âme de mes ancêtres et de mon frère, que je ne te veux aucun mal! Regarde, mon frère, c'est lui! dit elle, tout en fouillant dans son sac. Elle finit par en sortir un papier jauni, usé, recouvert de tâches de café. Elle me brandit le dessin, qui est parfaitement exécuté. Je ne remarque aucun défaut. Celui qui l'a fait à du talent. Sur le papier, un petit garçon sourit, découvrant des dents manquantes. Il a environ six ans, et ses yeux me donnent la même impression que ceux de sa sœur.
Ma méfiance s'endort, son regard et son dessin me disent que je peux lui faire confiance. Alors, lentement, j'ouvre la porte, qui laissait jusque là seulement entrevoir mon visage.
Un grand sourire prend vie sur le visage de mon "invitée", et elle me tend sa main:
— Merci beaucoup! Moi, c'est Gwendoline! Et toi? fait elle en rentrant dans mon appartement. Oh mais c'est super grand! Tu as de la chance d'être tombée sur cet endroit. Moi, c'était un studio pourri. Il n'y avait même plus de papier peint sur le mur, ni d'électricité.
Sans répondre, je la conduis à la deuxième chambre:
— Tiens, installe toi là. Il y a une salle de bain, si tu veux te doucher, expliquai je sèchement.
Ne se formalisant pas le moins du monde de mon ton acerbe, Gwendoline dépose son sac sur le grand lit, et sautille gaiment jusqu'au dressing.
— Cool, je vais prendre une douche! m'annonce t elle.
— Euh, là c'est le dressing, pas la douche! la corrigeai je avant qu'elle n'abaisse la poignée dorée de la porte.
— Oh, oups! Merci!
Elle sort de la chambre, et disparaît de ma vision. Je soupire, me rend dans ma chambre et m'effondre sur le lit, dépitée. En plus de mon angoisse, je vais devoir supporter une concurrente complètement survoltée.
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Citygames
Science FictionImaginez vivre dans une société où tout est organisé hiérarchiquement. Imaginez vivre tout en bas de l'échelle de cette société. Imaginez que le gouvernement vous propose tout les ans un jeu pour vous sortir de la pauvreté si vous gagnez. Que ferez...