Quelques semaines plus tard, je peux enfin tenir quelques chose de lourd dans ma main sans que mon bras en souffre, bouger complètement celui ci, et faire des exercices compliqués avec. Je suis rétablie. Nous allons enfin pouvoir déménager, trouver un appartement plus grand.
Nos sacs sont chargés, quand nous quittons l'endroit où Gwendoline m'a sauvée. Sur le sol de la cage d'escalier, là où le combat à eu lieu, des traces de sang sont visibles. Mon amie propose de me cacher les yeux le temps de traverser la pièce, mais je refuse. Je tiens à voir de moi-même ce carnage. Je ne sais pas pourquoi, mais cela est d'une importance capitale pour moi, comme les gens qui veulent retourner où ils se sont fait torturer. Une sorte de deuil de la souffrance. Retourner dans le passé pour mieux avancer.
Des tâches de sang marbrent le sol blanc sale, un peu partout. Certaines sont petites, et d'autres, forment des flaques. Sans doute là où je saignais beaucoup. Puis, nous sortons enfin de ce bâtiment de malheur. Dans la rue, j'inspire une grande goulée d'air. J'étouffais, à l'intérieur, comme si ce qu'il s'était passé avait provoqué un manque d'oxygène. Des nuages fins strient le ciel, mais le soleil est découvert, plus brillant que jamais. Sa douce chaleur caresse ma peau, et réveille mes sens. Je suis agressé par les odeurs et les sons, moi qui n'ai pas eu beaucoup d'occasions d'entendre et de sentir des choses nouvelles, dans cet étroit appartement.
Puis, Gwendoline me rappelle à l'ordre en émettant une douce pression sur mon poignet. Son regard doux me signale qu'il est temps de partir. Alors je la suis, elle qui connaît désormais si bien ce quartier. Nous marchons doucement, même si je sens que je peux aller plus vite. Mon amie veut sans doute me ménager, mais ce n'est pas nécessaire. Je le lui fait comprendre, et la jeune fille accélère. Puis, pendant que nous trottons le long de beaux appartements, elle s'arrête. Je l'interroge du regard, et elle me fixe longuement, avant de tourner discrètement ses yeux vers une fenêtre, derrière elle. Je regarde furtivement, et j'ai le temps d'apercevoir une silhouette à travers les rideaux.
Gwendoline se met à remarcher comme si de rien n'était. D'abord interloquée, je m'apprête à lui agripper le bras pour lui crier de courir, puis je comprends son jeu; elle joue, elle montre qu'elle n'a rien vu, pour que l'autre ne se méfie pas. J'adopte la même attitude qu'elle, décontractée, tout en regardant quelquefois autour de moi, l'oeil méfiant.
Soudain, j'entend un claquement. Léger, mais qui résonne dans toute la rue. Je me fige, le sang de mes veines arrête de couler, d'un coup. Puis la terreur arrive, me submerge, et, sans réfléchir, je tire Gwendoline dans un appartement. Nous nous effondrons au sol de l'entrée, alors que des coups résonnent dans la rue. Des balles. Les yeux grands ouverts, Gwendoline me fixe, apeurée. Ses mèches partent dans tous les sens, et sous l'effet de l'adrénaline, sa respiration s'est accélérée. Mais nous ne pouvons pas rester éternellement devant une vitre. Si le tireur est malin, il va venir dans cet appartement, et nous fusiller. Je prends mon amie par la main, et cours dans les escaliers. Je me réfugie au premier étage: si l'autre se pointe, nous pourrons au moins sauter, avec une chance ténue de ne pas nous casser une jambe.
Arrivée au premier étage, je bifurque à gauche, et opte pour l'appartement le plus au fond, situé dans l'ombre. J'ouvre la porte, et la ferme immédiatement, mais doucement, pour ne pas attirer le tueur. Aussitôt, Gwendoline traîne un énorme buffet pour bloquer l'entrée Je l'aide à le pousser, et, ensemble, nous rendons toute entrée impossible.
Hors d'haleine, je m'affale sur le canapé. Mon amie me rejoint. Pendant plusieurs minutes, nous ne nous disons rien, guettant le moindre craquement de parquet, le moindre souffle qui prouverait qu'un concurrent nous a suivies. Mais rien ne se passe, alors Gwendoline engage la conversation:
— Bon, j'ai une question, quand même: comment tu as deviné qu'on allait se faire tirer dessus?
— Le premier claquement qu'on a entendu, c'était la sécurité de l'arme. J'ai tout de suite su que, si on ne bougeait pas rapidement, on était mortes. Et pour de bon.
— En tout cas, merci. Tu m'as sauvée la vie, me remercie Gwendoline, un faible sourire aux lèvres.
— Il fallait bien que je rembourse ma dette! ris-je.
Alors que nous rions en cœur, de coups résonnent contre la porte. Je me statufie. Le tireur est là, derrière la porte. Sans un bruit, Gwendoline et moi nous levons, empoignons nos sacs et regardons autour de nous, en quête d'une échappatoire.
Je croise le regard angoissé de mon alliée. Ses yeux ne reflètent plus le moindre amusement, mais la terreur de la proie qui se sait piégée. Je prends alors une décision radicale. Je me dirige vers la fenêtre d'un pas décidé. Gwendoline comprend tout de suite, et fait non de la tête, désapprobatrice. Elle me montre la hauteur du saut d'un air énervé. D'un regard, je lui fait comprendre que nous n'avons pas le choix. Derrière la porte, le tireur tambourine toujours. Le buffet tremble, et semble plus fragile que jamais. Mais c'est uniquement quand il se met à tirer sur la porte avec son arme que Gwendoline se réveille. La jeune fille enjambe le balcon, s'y pend. Seules ses mains la retiennent de tomber. Ses jointures sont blanches, si blanches qu'elles pourraient devenir transparentes.
Puis, elle se lâche. Je la vois étouffer un cri, sa main recouvre sa bouche, et une expression choquée se peint sur son visage. Heureusement, le sol n'était pas si loin, et elle s'en tire sans rien. Enfin, je suppose, vu qu'elle m'adresse un sourire et un pouce en l'air. J'expire. C'est à mon tour.
Mes jambes tremblent pendant que j'escalade la balustrade. Je m'accroche aux barreaux, et mes jambes pendent dans les vide. Le visage de mon amie est encourageant en dessous de moi, alors je lâche.
La chute semble durer des heures et une fraction de secondes en même temps. L'air fouette mon visage. On ne veut pas de moi, là-haut, alors in me ramène sans précautions au sol. J'ai l'impression que mon estomac et ms intestins remontent au bord de ma bouche. Je retiens également un cri. Les bras en avant, je tente de retomber sur les genoux, mais je m'affale sur le sol. La terre dure me prend dans ses bras, m'accueille. Une onde de douleur remonte dans tout mon corps, aigüe. Gwendoline m'aide à me relever, et, ensemble, nous nous mettons à courir, courir, pour fuir le plus loin possible de ce concurrent.
Je crois que je n'ai jamais couru aussi vite de ma vie. Mes poumons me brûlent, ma jambe est en feu, ma tête tourne. J'ai à peine le temps de regarder les paysages qui défilent devant mes yeux. Je suis trop concentrée à observer ce qui se trouve devant moi.
Quand nous nous arrêtons, je ne sais absolument pas où nous sommes. Une seule chose compte: nous éloigner le plus possible du danger. Je m'engouffre dans un bâtiment beige au toit en ardoise grise, et monte le plus rapidement dont je suis capable au dernier étage. Là, j'entre dans l'appartement qu'on voit le moins bien en arrivant des escaliers. Le souffle court, nous entrons et fermons à clé.
Mon ventre gargouille. Il est temps de me nourrir. Alors, accompagnée de Gwendoline, je fouille les placards, jusqu'à trouver des fruits pas trop périmés. Nous les prenons tous, et les mangeons — non, les dévorons, sur des chaises en bois inconfortables. Le dossier me rentre dans le dos d'une manière désagréable. Visiblement, mon amie en pense la même chose que moi, car elle aussi remue, afin de trouver une position confortable. Finalement, je m'assois de travers sur la chaise, de façon à ce que le dossier soit sur ma droite. Je m'y agrippe, et mange enfin tranquillement.
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Citygames
Science FictionImaginez vivre dans une société où tout est organisé hiérarchiquement. Imaginez vivre tout en bas de l'échelle de cette société. Imaginez que le gouvernement vous propose tout les ans un jeu pour vous sortir de la pauvreté si vous gagnez. Que ferez...