Chapitre 17

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Je me retourne lentement, la sueur perlant sur mon front. Je sais qu'on n'est pas sensés mourir, mais je sais aussi que les dégénérés courent les rues. Peut être est- ce juste une personne qui cherche à nous effrayer pour nous pousser à abandonner? Dans ce cas, elle peut toujours rêver: je n'ai pas fais tout ce chemin pour déclarer forfait à la première difficulté.

Le soleil en plein dans les yeux, je remarque d'abord juste une silhouette. Je mets ma main en visière. Je distingue déjà une chevelure rousse, puis un visage méprisant que je ne connais que trop bien.

— Oups, murmurai- je, paniquée. Kate à l'air d'être rancunière, mais je pense que sa vengeance sera bien pire qu'un simple avertissement.

— Alors alors, comme on se retrouve, Perle. Ca fait longtemps, hein, depuis ce vieux guichet tout pourri où tu m'a giflée? Crois moi, ou pas, tu me manquais! J'ai gardé une trace de ta main (en prononçant ces paroles, elle pointe sa joue droite), mais cela ne me suffisais pas, vois tu? Je pense qu'on pourrait... s'amuser un peu ensemble, pour que je te laisse un souvenir... dit- elle en sortant un pistolet de son sac. 

A côté de moi, je vois Matthias blêmir.

— Je suis désolée, chuchotai- je. Je pense qu'elle va te laisser partir. Kate! dis- je plus fort. Je sais que tu m'en veux, mais tu m'à l'air d'être honnête: Matthias, mon ami, n'à rien à voir dans cette histoire. Laisse le partir, et on pourra "s'amuser".

Kate éclate de rire. Derrière elle, le soleil lui confère une aura lugubre. 

— Tu rêves, ma belle! Si je peux en profiter pour éliminer quelqu'un d'autre, je le ferais!

Une question me taraude tout de même: pourquoi Kate s'est elle présentée? Elle m'avais pourtant dit vouloir rester là où elle était, que les Citygames étaient dangereux. Mystère. 

J'entends soudain un cliquetis: Kate vient d'enlever la sécurité de l'arme. J'ai maintenant les larmes qui me montent aux yeux. Alors je vais vraiment me prendre une balle? Tout ça parce que je l'ai giflé? Bon, peut être que c'était osé, mais d'un autre côté elle l'avait mérité... 

La brise, que je trouvais si douce il y a quelques instants, me fouette à présent le visage. Est- ce un simple produit de mon imagination, ou le vent a- t- il réellement augmenté en intensité? 

 Nous nous regardons en chiens de faïence, puis Kate sourit d'un air malsain. Elle lève son arme, et vise l'un d'entre nous. 

Je crois que mon cerveau a décroché au moment où j'ai entendu la détonation. Peut être pour me protéger, je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que la douleur a irradié dans ma jambe, bien présente, elle. J'ai entendu mon hurlement et celui de Matthias mêlés, j'ai senti du sang—mon sang—chaud et poisseux sur mes doigts. La dernière chose que j'ai vu avant de m'évanouir, c'est Kate me souriant tandis que Matthias lui hurle dessus.

Je me réveille, et la douleur revient, incendiaire. Je me demande si Matthias m'abandonné, et je panique: et si il m'avait laissé seule, avec une jambe blessée? 

C'est avec soulagement que je le vois revenir dans la chambre, avec des bandages dans la main. Il a le visage grave de celui qui se concentre.

— Tu te sens mieux?

— Bof, dis-je en haussant les épaules. Tu aurais du me laisser dans un appartement, je vais te ralentir.

— Pas grave. Je sais que j'aurais apprécié qu'on me prenne en charge, moi aussi, dit il en replaçant une mèche blonde derrière ses oreilles. Ses yeux marrons se plissent, tandis que je détaille son visage. Sa tête est encadrée par des cheveux raides blonds. Quelquefois, des cheveux s'échappent de sa coiffure, lui donnant l'air de venir de se réveiller. Il a également de beaux yeux marrons pétillants, et quelques discrètes tâches de rousseur sur son visage. 

Remarquant que je l'observe, il me sourit.

— Bon, pendant que tu dormait, j'ai enlevé la balle et nettoyé la blessure. Normalement, il ne devrait pas y avoir d'infection. 

— Merci, t'es vraiment sympa!

— C'est normal, tu sais. On va devoir rester plusieurs jours, ici, par contre. Tu n'es pas en état de marcher. 

Déçue, je penche la tête sur le côté.

 — Mais non, il faut juste me trouver une béquille et puis c'est tout!

Matthias secoue la tête: 

— C'est pas aussi simple que ça! La balle t'a atteinte jusqu'à l'os, tu ne peux pas marcher pour l'instant! J'irai à Fourvière! Tiens, dit il en me tendant une sorte de puce. Colle là sur ta tempe, c'est une puce haute technologie pour que tu puisses voir ce que je vois. Tu me guideras pendant le trajet. Tu seras mes yeux et mes oreilles, quoi! 

Je le regarde, dubitative:

— Je...c'est un bon plan...mais...ça risque d'être dangereux pour toi, non?

— Non, t'inquiète pas. Je serais discret, et puis je t'aurais avec moi, tu pourras regarder de partout! On ne peu pas rater cette occasion, on est si proches...

— C'est vrai. Tu pars quand? 

— Bientôt. Je pense que je vais y aller maintenant. On est dans la rue de l'Antiquaille. Prend la carte, et parle moi pour m'indiquer le chemin. 

Et c'est ainsi que je me retrouve seule. D'un coup, un paysage de rue qui ne cesse de bouger s'implante sur ma gauche. Je devine que c'est la vue de Matthias. Ce dernier avance rapidement, si bien qu'il se retrouve en un rien de temps devant l'entrée basse du jardin du Rosaire.

— Matthias, tu vois la petite route à ta gauche? Tu l'empruntes, et tu tournes encore à gauche. Parfait, c'est bien. Maintenant tu suis juste le chemin. 

Matthias s'enfonce peu à peu dans un sous- bois. On entend juste le bruit des feuilles qui s'agitent et les oiseaux qui chantent. Je remarque que Matthias avance de plus en plus lentement, alors je l'enjoint à s'asseoir dans une sorte de parc avec de la terre mélangée à du gravier en guise de sol.

Je sens Matthias s'affaler sur un banc couleur craie, et sa respiration se régule. Au bout d'un moment, il semble totalement remis.

— Matthias, tu peux y aller, non?

Il ne répond pas. Peut être que la puce est hors- service et qu'il ne m'entend plus? Pourtant, il hoche imperceptiblement la tête, comme pour me faire comprendre qu'il a entendu. Il y a quelque chose qui cloche. Pourquoi ne se lève-il pas? Soudain, je vois un fourré sur la droite de Matthias bouger. Il y a quelqu'un. Je sais que je ne risque rien, pourtant j'angoisse pour Matthias. Et si c'était Kate, qui nous aurait suivis? 

Une tête sort du buisson, suivie de deux jambes et de deux bras.

— Déva?

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