Chapitre 23

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Je pousse une longue respiration, avant de passer la bandoulière de mon sac sur mes épaules, et de reprendre mon chemin.

Je dois trouver un refuge avant la nuit; en effet, je sais que si je reste dehors après le couvre feu, je serai en danger. Et, honnêtement, je préfère rester dans un lit au chaud que dans une ville que je connais à peine de nuit.

C'est donc sans réfléchir que je m'engouffre dans un immeuble recouvert de graffitis colorés. La porte est lourde, et je dois peser de toutes mes forces contre elle pour arriver à entrer. 

Il y a un ascenseur, mais j'opte pour les escaliers, vu l'état de l'appareil: une vitre est brisé, est des scènes obscènes sont dessinées dans la cabine. De plus, plusieurs fissures sont présentes. Cet appartement ne me dit rien qui vaille, mais de toute façon, je n'ai plus le choix; la grande horloge de la cage d'escalier sonnera sept coups dans une minute. 

Je gravis donc quatre à quatre les marches de l'escalier pourri, où règne une étrange odeur, mélange de pourriture et de poussière. Je m'agrippe à la rampe, qui grince à chaque fois que je m'appuie un peu trop dessus.

Arrivée au premier étage, je fonce dans le premier appartement que je vois, qui se révèle être un studio, dans lequel se trouve un immense capharnaüm. Les chaises sont brisées, renversées, le canapé est éventré, laissant sortir des peluches blanches qui se sont manifestement répandues dans toute l'habitation, des objets sont tombés au sol, les vases sont brisés, et les fleurs qu'ils contenaient mortes et fripées. 

Je peux à peine poser un pied devant l'autre, alors je déblaye avant mon passage: munie d'un balai présent dans l'entrée, je me crée un chemin à travers ce fouillis. Une seule question me taraude: qu'est ce qu'il a bien pu se passer ici, pour que le studio soit dans un tel état?

Au bout d'efforts considérables, j'arrive enfin à poser un pied dans la salle de bain, encore plus petite que le reste du studio. 

On ne voit même plus le sol, tout est recouvert par la crasse, cette bouillie marron qui semble habiter cet appartement. Même si j'ai des chaussures, je n'ose pas entrer. L'odeur de pourriture est encore plus présente ici, comme si elle émanait de cette pièce, pour infester tout l'immeuble, rendant celui ci invivable. 

Les toilettes sont recouverts d'une immense toile d'araignée, et la bouillie marron les recouvre toutes entières. Pareil pour le lavabo, à peine reconnaissable tant il est sale. 

Je bats donc retraite vers l'entrée, espérant que celle ci ne s'est pas verrouillée. 

Tous mes espoirs s'effondrent quand j'abaisse la poignée de la porte — qui émet d'ailleurs un grincement terrifiant —, mais qu'elle ne s'ouvre pas. Je suis définitivement coincée dans ce studio de la mort jusqu'à demain huit heures.

Je m'écroule contre la porte, et éclate en sanglots. Toutes mes angoisses de la journée reviennent à vitesse grand V, et je ne peux rien y faire. 

Désespérée, je replie ma jambe bionique et ma jambe de chair contre moi, et enfouis ma tête dedans. Je retiens un hurlement de douleur quand mon nez frappe avec force contre la jambe de robot. Je me mors la lèvre pour annihiler la douleur, mais j'y vais si fort que celle ci s'ouvre et un flot de sang se mêle à mes larmes. Je ne suis plus maîtresse de moi même, mais seule dans un appartement crade. Et il n'y a plus Matthias pour me soutenir. Qui aurait cru qu'il me manquerait, ce garçon pot de colle qui ne sait pas s'y prendre avec les autres? Surtout pas moi. Et pourtant, son absence creuse un vide dans mon cœur, comme si on avait retiré une partie de moi même.

Les heures s'écoule. Mes larmes se sont taries, ainsi que le sang. A présent, une croute peu ragoutante recouvre une partie de ma lèvre. 

Je me lève mollement, consciente que je dois désinfecter celle ci.

Je bute contre quelques objets par terre, avant de me rappeler que la salle d bain est inutilisable, et de battre en retraite.

C'est donc sans faire exprès que ma tête passe devant un faisceau de lumière de lune. Momentanément aveuglée,  je mets mes mains devant mes yeux, et me détourne de la source de lumière.

Soudain un éclair de lucidité me frappe: les volets ne doivent ils pas être fermés? Je tourne la tête vers la fenêtre: la lue est juste en face, pleine, majestueuse. Elle éclaire toute la ville, lui conférant une ambiance mystique. Subjuguée, je m'approche lentement de la fenêtre, prenant garde à l'endroit où mes pieds se posent. Je ne peux détacher mes yeux de l'astre, comme si une force invisible m'en empêchait.

Enfin parvenue à la fenêtre, je m'appuie contre le rebord, et parcours les rues des yeux. Tout est silencieux. Pas un animal ne se promène, respectant ce lieu jadis si prisé, et qui était, il y a bien longtemps, une des plus grandes villes de France.

Regarder la lune m'apaise: celle ci me calme, comme une mère berçant son enfant, comme des parents câlinant leur progéniture. 

Inconsciemment, je finis par me recroqueviller au pied de la fenêtre et m'endormir. Morphée me prend sans hésiter dans ses bras, et je sombre dans un sommeil sans songes.

Je m'éveille, le rayon de l'astre du jour en plein dans la figure. Je réprime un grognement, avant de me lever d'un bond, parfaitement réveillée: je vais enfin pouvoir quitter cet appartement de malheur! Le pas léger, presque volant au dessus des déchets, j'attrape mon sac et ouvre la porte. 

La joie laisse vite place à la désillusion: la porte ne s'entrouvre qu'un peu, bloquée par un cadenas à code.

Soudain, la télé, enfouie sous des détritus s'allume. Je me précipite vers elle, plonge dans la mer de déchet et en sors l'écran. Je suis recouverte de crasse, mais tant pis.

— Chers candidats, chers candidates. Vous avez sans doute remarqué le cadenas accroché à votre porte, vous empêchant de sortir. Sachez qu'une équipe de technicien a crée un escape game cette nuit, spécialement pour vous! Pour certains, l'endormissement a été plus dur, mais cela ne nous a ralentis en rien. Pour aujourd'hui, vous n'avez qu'une seule consigne: tenter de vous échapper, par tous les moyens. Vous avez d'ailleurs également pu remarquer que votre appartement n'est pas la plus... accueillant. Encore un tour de magie de nos techniciens, que je remercie!!! Sur ce, je vous souhaite une excellente journée, et bonne chance! Ah, et j'oubliais! Si vous n'arrivez pas à vous échapper avant 19h00, vous écoperez d'une pénalité pour le moins conséquente...A vous de voir si vous vous battez où si vous abandonnez...

L'écran s'éteint, et je reste bêtement figée devant.

Bonjour, mademoiselle. Je suis Jade, votre assistante. Je pourrai vous donner seulement trois indices en tout, pour vous échapper de ce studio. Je dois tout d'abord vous indiquer où chercher en premier. J'espère que le jeu vous plaira!

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