Chapitre 42

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J'entrouvre avec difficulté les yeux. Immédiatement, je suis frappée par la luminosité ambiante, qui me force à abaisser mes paupières. J'ai l'impression qu'on frappe mon violemment mon crâne à l'aide d'un marteau. Ces coups m'abrutissent, résonnent dans ma tête. La douleur est immense, et elle vient de tout mon corps. Mon avant bras droit irradie de douleur. J'essaie tant bien que mal de le bouger, mais il ne réagit pas. Je constate avec horreur qu'il est sans doute cassé. Seule ma jambe bionique ne me fait pas souffrir. Puis, peut être pour m'extirper de la douleur insupportable, je m'endors. Un grand noir m'envahit, mon corps s'engourdit. Je plonge dans un monde fait d'obscurité, où je flotte dans le vide sans pouvoir bouger.


Gwendoline

Je me précipite au chevet de Perle: il me semble que ses paupières se soient soulevées. Mais quand je me penche au dessus de sa tête, rien. Il n'y a que son souffle court et ses yeux qui s'agitent qui me prouvent qu'elle s'accroche à la vie. Un mince fil la retient, comme celui sur lequel le funambule marche, surplombant le vide. Mais je vois qu'elle se bat, j'en suis sûre. Elle est combative. 

Je l'ai installée sur un lit double, prenant le canapé du salon. A l'aide de coussins, j'ai surélevé sa tête, l'installant en position semi assise. J'ai immobilisé son bras au maximum, replié à quatre vingt dix degrés contre son thorax. Puis, comme me l'indiquait le manuel de secourisme placé dans la salle de bain, j'ai stoppé ses hémorragies en appuyant dessus avec des compresses, trouvées elles dans la trousse à pharmacie. J'ai également changé ses vêtements, souillés par le sang. La voir à moitié nue m'a gêné, comme si je violais son intimité. Mais je n'avais pas le choix. J'ai fait toutes ces opérations les mains protégées par des gants, afin de ne pas salir les plaies de Perle. Une fois les hémorragies stoppées, j'ai remis Perle sur le dos tant bien que mal, en priant pour que le flot de sang qui s'écoulait de son dos ne rejaillisse pas. Quant à son crâne, un bleu s'y étend, mais il faudra attendre qu'elle se réveille pour constater une commotion cérébrale ou non. 

En attendant que ma patiente reprenne conscience, j'ai pris une longue douche après avoir soigné et désinfecté mes propres blessures. Rien de grave, heureusement, quelques saignements et des migraines qui surviennent à peu près toutes les heures, mais c'est tout. 


Cela fait désormais deux jours que je veille mon alliée, et celle ci est toujours plongée dans un profond coma. Parfois, je pleure au dessus d'elle, et mes larmes mouillent sa couette. Pour des raisons hygiéniques, je change ses pansements toutes les deux heures, pour vérifier si ses plaises se referment ou s'infectent. Je n'ose pas encore la doucher, de peur de lui faire mal, alors, toutes les douze heures, je lui passe un gant sur le corps. Je la masse également, pour lui éviter l'hypertonie (la rigidité de son corps), et les raideurs.

Je sais que les comateux sont nourris par une sonde gastrique, mais je n'ai rien. Et je commence à désespérer: si Perle ne se réveille pas bientôt, elle va mourir de faim. Je ne peux même pas la faire boire, faute de la tuer. Si elle ne se réveille pas demain, elle risque de mourir de déshydratation dans les jours qui suivent. Mes journées se réduisent maintenant à soigner Perle, la laver, la débarrasser de ses déjections et à lui parler. J'espère qu'elle entend, d'où elle est. Je lui conte des vallées merveilleuses, du vert à perte de vue. La mer, les vagues qui s'échoue sur le sable et contre les rochées, l'eau à n'en plus finir. Les forêts, qui recouvrent des centaines de kilomètres, peuplées d'animaux sauvages, d'arbres fruitiers. Les déserts, les dunes de sable chaud, le soleil qui tape sur le crâne et donne des hallucinations qu'on nomme mirages, les oasis, paradis au milieu du rien. Les montagnes, aux sommets recouverts de neige éblouissantes, les falaises à escalader, les lacs froids où se baigner, les cascades, les rivières qui côtoient la pierre. Les tribus qui survivent, tant bien que mal, en s'entraidant, la liberté, n'avoir aucune barrière, aucune limite. Les animaux, qui se prennent d'amitié pour des humains. Tout ça, la nature sauvage au-delà de la ville polluée et grise, j'espère qu'elle l'entend. Pour la faire rêver, et lui donner la force de se réveiller. 

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