Radieuse, je fais un signe de la main à la mouche, espérant que ce moment passera à la télé. Pour rassurer ma mère, lui dire que tout va bien.
J'entends la caméra me suivre tandis que je me rends à l'évier.
Celui ci est, comme les toilettes, noir de crasse. Je retiens un haut-le-coeur, avant d'attraper ce que j'identifie comme un produit nettoyant, et d'enfiler mes gants.
Au fur et à mesure que la saleté se désintègre ( et que la taille du tas de crasse sur le plan de travail augmente), je distingue des lettres gravées dans l'acier inoxydable. Intriguée, je frotte plus fort, et, quand l'évier est parfaitement propre, j'y distingue un mot.
"Joyeux Hunger Games, et puisse le sort vous être favorable!"
Je n'y comprends plus rien. D'où sort cette phrase? Et quel et le rapport avec l'Escape Game? Désemparée, je cherche dans mes souvenirs, mais rien ne vient.
Au bout d'une heure passée à réfléchir, je commence à désespérer. Je ne réussirai pas à finir le jeu. Je vais perdre, et passer le restant de mes jours coincée dans un appartement misérable, au lieu de courir dans de grandes étendues vertes, libre. J'ai retourné l'appartement de fond en comble, mais il n'y a toujours rien. Pas la moindre chose qui fasse référence au mot gravé dans l'évier.
Alors, perdue, je me fais une place au milieu des déchets, et m'y assois en tailleur. Je chasse toutes les pensées néfastes de mon cerveau, et, comme ma mère me l'a appris, je me rappelle ce que je sais de moi.
Je suis Perle de Villeneuve, et j'ai dix sept ans.
Je vis dans la misère.
Mon père nous as abandonné, ma mère et moi.
Je veux sortir d'ici, voyager.
J'ai une meilleure amie, Maya.
Je suis solitaire, impatiente et courageuse.
Ces phrases résonnent en moi comme un coup de feu, me font l'effet d'une bombe. Elles me réveillent, me crie, dans une cacophonie incessante "Perle, lèves toi, bats toi". Alors je me lève. Et je me bats. Je retourne l'appartement, la sueur perlant au front, mais déterminée. Je ne suis plus cette fille faible de primaire, qui restait dans son coin à pleurer, attendant que les autres la prennent en pitié, et daignent s'intéresser à elle.
— Jade, quelle heure il est?
Il est exactement seize heures et trente quatre minutes!
Je ne réponds pas, trop occupée à retourner le studio de fond en comble. J'ai d'ailleurs noté quelque chose d'étrange; l'appartement ne comporte pas de chambre, comme s'il servait seulement à y vivre la journée, et non la nuit. Comme si cette absence faisait partie du jeu, en quelque sorte.
Soudain, mon pied bute contre une planche, posée au sol. Je grogne, et, dans ma colère, agrippe l'objet, pour le projeter le plus loin possible.
Et c'est avec effarement, que, quand la planche vole, malgré sa vitesse, je crois voir des écritures.
Je cours, saute, plane, vole jusqu'à la planche, la ramasse, et y lit une inscription écrite en majuscule.
Je sourit, soupire, et rit. Cette planche est mon salut! J'ai trouvé le cinquième indice!
Je déambule dans la salon, en poussant des cris de joie.
" Prends le marteau, et brise le mur de la cuisine. Le cinquième indice s'y trouve"
La déception remplace vite la joie, et le désespoir vole sans aucun scrupule la place de la détermination. Mon sourire s'efface, laissant apercevoir une mine triste, défaite.
Ce n'était donc qu'un indice, caché dans un fatras de détritus.
J'abats la planche sur le sol, où un marteau est posé.
J'attrape ce dernier, et, en y mettant toute ma rage, frappe le sol avec. Le carrelage se fissure, vole en éclats, ne fait pas le poids face à ma colère. C'est elle qui me guide, et m'aveugle, aussi.
Je fracasse le mur de la cuisine. Du plâtre recouvre mon visage, mais je n'y prête pas attention. Je vois seulement le marteau frapper le mur, entends les coups, sens mes muscles qui me brûlent.
Une fois mon travail achevé, je pose le marteau au sol, et reprends mon souffle. Je ne vois pas tout de suite la pièce qui se découvre à moi. Mais, quand je l'aperçois, je retiens un hoquet de surprise.
Une chambre se tient sous mes yeux. Elle est recouverte par la poussière, mais propre, dégagée de tout objet encombrant. Une fenêtre laisse passer la lumière, lui conférant une sorte d'aura, comme si elle était figée dans le temps, bloquée à une époque.
J'entre lentement, ne voulant perturber cette pièce.
Je touche du bout du doigt les meubles. Des photos y sont posées: un groupe de filles riant aux éclats, deux personnes dans ce qui semble être un cinéma, une famille, un couple...
Tous sourient, heureux. J'ai les larmes aux yeux. Toutes ces vies, insouciantes, qui ne savent pas ce qui va leur arriver. Car, j'en suis sûre, ces photos ont été prises avant la crise.
Manifestement, l'occupant de cette chambre était une occupante: sur tous les clichés, une personne y est tout le temps présente. C'est une jeune fille, d'une vingtaine d'années environ. Ses yeux bleus sourient au monde, et ses cheveux noirs rayonnent. J'identifie ses amies, ses parents et son petit copain. Elle est radieuse sur les photos. Ma gorge ses serre. Tant de souvenirs, enfermés dans une seule chambre. L'atmosphère est chargée, elle a un poids, ici.
Je parcours les rayonnages de l'immense bibliothèque du regard. Les livres eux aussi sont recouverts d'une fine pellicule de poussière, comme protégés. Je n'ose pas respirer trop fort, de peur de briser cet instant, comme si, au final, tout n'était qu'un mirage. C'est peut être ça, la vie, en fait. Un immense mirage.
Je m'assois sur le lit, troublée. Je laisse alors mes larmes couler. Je ne sais pas pourquoi je pleure. Peut être est-ce l'endroit, qui m'incite à relâcher toute ma pression. Ou les photos, qui m'on touché.
Les larmes ruissellent sur mes joues. De rivières, elles passent à torrents. J'ai l'impression de vider toute l'eau de mon corps, j'ai même peur de finir desséchée. Mais je ne peux plus m'arrêter. J'ai perdu le contrôle, je ne décide plus rien.
Quand je me calme, je réalise que je me sens mieux. J'ai nettoyé mon esprit, enlevé les charges qui me pesaient depuis ce qui me semble être une éternité. Je reste alors assise sur le lit, à regarder la lumière se déverser à travers le Velux. Je vois le ciel, bleu, et certains oiseaux passer. Alors je pense à mon arrière grand mère, qui allait là-haut. Qu'est ce qu'elle voyait? La Terre, majestueuse? Les étoiles, époustouflantes? Ou le vide de l'espace, effrayant?
Pensait elle à sa fille et à son mari, restés en bas? Avait elle peur?
J'aimerai tellement lui parler, lui demander de ce que ça fait de naître libre, de vivre libre, de choisir son métier parmi des centaines!
Je suis soudainement tirée de mes pensées par un éclat de lumière. Intriguée, je regarde d'où il vient.
C'est un livre, dont le titre est écrit en lettres brillantes. Je le sors de la bibliothèque, souffle dessus pour le dépoussiérer, et lis le titre.
"Hunger Games"
VOUS LISEZ
Citygames
Science FictionImaginez vivre dans une société où tout est organisé hiérarchiquement. Imaginez vivre tout en bas de l'échelle de cette société. Imaginez que le gouvernement vous propose tout les ans un jeu pour vous sortir de la pauvreté si vous gagnez. Que ferez...