Chapitre 21

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Ma première réaction et de toucher ma jambe. Malheureusement, celle ci semble bien en métal. J'ai perdu ma jambe de chair. Les larmes me montent aux yeux quand j'effectue ce constat. Puis vient la panique: ais- je été éliminée? Après tous mes efforts pour rester dans la compétition? Ca se finit comme ça? Dans une chambre d'hôpital?

Ma nausée me reprend d'un coup, et, sans réfléchir, je me penche sur le côté pour vomir. Mon dernier repas atterrit  sur la moquette couleur crème de ma chambre, transformé en une bouillie verte informe.

Je m'essuie la bouche du revers de ma manche, et réprime un haut- le- cœur.

Ma chambre est une petite pièce, délimitée par des murs parfaitement blancs, et un faux plafond  parsemé de tâches suspectes. Je compte ces dernières, pour faire passer le temps, qui semble s'étirer à l'infini.

Après avoir compté au total cinq cent quatre tâches sur le plafond, je baisse la tête et tente de m'endormir. Malheureusement, Morphée ne semble pas vouloir de moi, et je suis réduite à seulement fermer les yeux en attendant que quelqu'un se soucie de moi.

J'estime avoir passé deux heures dans la chambre, avant qu'un médecin en blouse blanche arrive. Il tient dans ses mains ce qui semble être une tablette, et pianote dessus à toute vitesse.

Quand il arrive à mon chevet, il lève les yeux de sa tablette et m'offre un sourire resplendissant. Ses dents sont tellement blanches qu'elles me semblent briller. Peut être que c'est lui qui joue dans les publicités de dentifrice.

— Alors, comment tu vas? s'enquiert il, tout en repoussant une mèche de ses cheveux noirs qui lui était tombée devant le visage.

— Ca va, à part que j'ai découvert que j'ai une jambe bionique et que ça fait deux heures que je suis réveillée. Je suis éliminée? répondis je, cassante.

Le médecin éclate de rire:

— Désolé, on a fait du mieux qu'on pouvait. On a du gérer un participant particulièrement... virulent. Et pour ta jambe, nous l'avons remplacée.

— C'est bien ce que j'ai vu, crachai je. Je veux juste savoir pourquoi vous me l'avez remplacée! Parce que ça fait un sacré choc, quand même!

Sans se départir de son sourire et de son calme, le médecin me répond:

— Ta jambe était gravement touchée. Nous devions l'amputer: si nous ne l'avions pas fait, ta jambe serait gravement infectée à l'heure qu'il est. Nous t'avons simplement sauvé la vie.

— Et donc, je suis éliminée?

— Non. Cela faisait partie du jeu; nous avons décider de vous donner un coup de pouce, pour que l'aventure dure plus longtemps! Nous allons te faire sortir dès que je l'aurais jugé nécessaire.

— C'est à dire?

— Je ne comprends pas ta demande, excuse moi.

— Je peux sortir, là?

— Non. Je dois te faire effectuer une série de tests, pour vérifier si tu as bien supporté l'amputation. 

— Bah qu'est ce que vous attendez alors? On y vas? demandai je en me redressant. 

Monsieur-le-médecin-aux-dents-parfaites me retient, toujours avec le sourire:

— Je dois d'abord t'interroger sur ton état de santé.

— Allez y, alors, grognai- je, agacée.

Je retombe lourdement contre mon oreiller, attendant les questions.


Après ce qui me semble être une éternité, le médecin se lève enfin de sa chaise, et me tends la main. 

Je dédaigne celle ci, pour me mettre debout toute seule. Il a cru que je ne savais plus marcher, ou quoi?

Quand je pose ma jambe bionique sur le sol, cela me fait un choc: elle est plus légère que ma jambe de chair, et je ne sens donc le contact du sol que sur un pied.

Monsieur-le-médecin-aux-dents-parfaites me tends des chaussures, que j'accepte à contrecœur. 

Nous traversons des couloirs qui se ressemblent tous: les mêmes murs blancs, la même moquette, le même faux plafond. Je suis assise dans un fauteuil roulant, car, selon mon médecin, "je suis incapable de marcher plus de trois mètres sans tomber". Il se trouve qu'il a raison, mais ça, jamais je ne l'avouerai.

Nous arrivons enfin dans une grande pièce, encombrée de machines en toutes sortes. 

Jean — mon médecin — me conduit vers un tapis roulant. 

Il tente de me lever de mon fauteuil roulant, mais je le repousse et me mets toute seule debout. En m'accrochant à une barre, je boite jusqu'au tapis.

Jean me branche des fils un peu partout sur le corps — des électrodes, m'explique il — , et se place derrière un panneau de commande. 

— Je vais mettre le tapis roulant en marche. Tout ce que je te demande, c'est de marcher. Tu peux te tenir à la barre devant toi, si tu le souhaites.

Peu assurée, je hoche simplement la tête, et me prépare.

Le tapis vas tout d'abord doucement, puis, au fur et à mesure, vas de plus en plus vite.

Je dois maintenant marcher rapidement, et je dois admettre que ce n'est pas de tout repos: ma jambe est trop légère, je la lève donc trop haut à chaque fois, ce qui me déséquilibre. De la sueur coule le long de mon dos. 

Les biip, biip, des machines me déconcentrent. Une migraine terrible m'étreint, et je vois trouble. Jean m'encourage, mais je sais que, bientôt, je vais devoir me lâcher.

— Je vais mettre la puissance maximale: vingt kilomètres heures. Tu vas devoir courir le plus vite possible. 

Je ne réponds pas; parler à Jean me demanderait trop d'efforts, or je dois garder mes forces pour ce dernier sprint.

Je vois du coin de l'œil le médecin tourner la molette. En un instant, je suis obligée d'agrandir mes foulées pour ne pas tomber. Tout mon corps proteste, pourtant je continue. Je me suis bien adaptée à la prothèse, maintenant. 

Jean arrête la machine, et je m'écroule dans le fauteuil roulant, pantelante. Le médecin prends soin de m'enlever mes électrodes, avant de faire ses pronostics:

— Tu t'es très vite adaptée à la prothèse! D'habitude, les patients mettent plus de temps que ça. De plus, tu es en bonne condition physique. Je pense que nous pourrons te relâcher avant ce soir!

— Quel jour sommes nous? 

— Mardi. Tu es restée endormie une journée.

— Quoi? dis je abasourdie. Est ce que des participants ont abandonnée?

— Il y a eu deux abandons, suite au nuage toxique d'hier.

— Et, à part moi, qui d'autre est passé par ici?

— Nous avons eu la visite de six autres participants. Je ne peux pas te révéler leurs noms, malheureusement.

— Où sommes nous?

— A Confluence! 

— Dans le grand bâtiment bizarre?

— Oui! Nous l'avons réaménagé! Allez, fini les questions, on doit faire d'autres tests avant que je puisse te laisser partir!




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