― Chapitre 5.

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Du fond de l'immense dédale de Winterfell, quelque part, hurlait un loup. Son cri lugubre flottait sur le château comme un pavillon de deuil. Au-dehors, la neige s'engouffrait par les poternes en tourbillonnant, la cour n'était que tapage et chaos mais, dedans, l'épaisseur des murailles entretenait chaleur et quiétude.

Trop de quiétude, au gré de Serena. Lady Stark et elle-même se trouvaient au chevet de Bran. Catelyn n'en avait pas bougé depuis deux jours, depuis que Bran était tombé des remparts de Winterfell. Disait-on qu'elle n'avait pas fermé l'œil depuis sa chute.

En montant les escaliers d'un pas lent, Jon s'efforçait de ne pas penser qu'il le faisait peut-être pour la dernière fois. Fantôme, à ses côtés, ne faisait pas le moindre bruit. Sur le palier, la peur le pétrifia un bon moment. La truffe de Fantôme au creux de sa paume lui rendit courage et, se redressant, il entra. Jon n'avait plus de temps devant lui, maintenant.

La peur de parler et la peur d'approcher le clouèrent longtemps sur le seuil. Par la fenêtre ouverte entrait un hurlement de loup, Fantôme dressa les oreilles, c'était Iris.

Les yeux de Catelyn tombèrent sur Jon. Elle semblait d'abord ne pas le reconnaître, puis cilla enfin. "Que viens-tu faire ici, toi ?" demanda-t-elle d'une voix bizarrement neutre et indifférente.

"Je venais voir Bran et Serena. Leur dire au revoir," déclara-t-il en se tournant vers sa grande sœur, assise aux côtés de l'enfant inconscient. 

Serena se leva finalement et, avec autant de douceur que la dernière fois, prit Snow dans ses bras, déposa sa tête contre son épaule et, d'une main fébrile, exerça quelques caresses dans son dos.

"N'oublie pas ce que je t'ai dit, mon frère." 

Catelyn observait la scène, demeurant imperturbable, même si vexé à l'idée que sa première fille considère ce bâtard comme son frère.

"Je ne t'oublierai jamais, Serena."

"Hé bien, voilà qui est fait. Maintenant, vas-t'en." Catelyn le détestait profondément.

Toute une partie de l'être de Jon n'aspirait qu'à fuir, mais il savait qu'alors peut-être ne reverrait-il jamais Bran. En se séparant de sa sœur, les nerfs à vif, il avança d'un pas. Une lueur froide durcit les yeux de lady Stark.

"Je t'ai dit de partir, nous ne voulons pas de toi ici." 

Naguère, il aurait pris ses jambes à son cou. Naguère, il en aurait même pleuré. Désormais, il n'éprouvait plus que de la colère. 

"Mère, je comprends ta colère mais laisse-le. Tu ne l'empêcheras pas de le voir," déclara la voix dure de Serena.

Jon traversa la chambre et, non sans interposer le lit entre eux, se pencha sur Bran. Sa mère lui tenait une main. Le Bran de naguère était devenu méconnaissable. La chute l'avait en quelque sorte rétréci. Plus tenu qu'une feuille, il semblait à la merci du premier coup de vent. 

"Bran, pardonne-moi de ne pas être venue plus tôt. J'avais peur..." Il sentait les larmes dévaler ses joues, mais ne s'en souciait plus. "Ne meurs pas, je t'en conjure. Nous attendons tous ton réveil. Moi, Robb, Rickon, les filles, tout le monde. Il me faut partir, maintenant. Oncle Benjen attend. Je dois aller vers le nord, au Mur. Dès aujourd'hui, avant que l'hiver ne vienne." 

Essuyant ses larmes d'un revers de la main, Jon s'inclina un peu plus et déposa un baiser sur le front de Bran. Catelyn le dévisagea comme on dévisage un vulgaire inconnu. Serena ne fit que saisir la main de son frère et, d'un pas rapide, l'emmena avec lui.

Dehors, tout n'était que vacarme et chaos. À grands cris, on était en train de charger les chariots, de sortir des chevaux de l'écurie, d'en seller, d'en harnacher d'autres. Une neige fine s'était mise à tomber, la tumulte unanime attestait l'impatience d'en terminer.

𝐒𝐓𝐈𝐆𝐌𝐀𝐓𝐄𝐒 ࿐ 𝐒𝐀𝐍𝐃𝐎𝐑 𝐂𝐋𝐄𝐆𝐀𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant