― Chapitre 19.

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Désormais seule dans ses appartements, Serena n'aspirait plus qu'à se fondre dans les ténèbres. Après avoir hermétiquement clos les courtines de son alcôve, elle dormit, s'éveilla en larmes, se rendormit.

Lorsque le sommeil se refusait, elle demeurait tapie dans ses couvertures à grelotter de chagrin. Ses servantes allaient, venaient, lui servaient des repas, mais la seule vue de la nourriture lui était insupportable. Les plats s'empilaient, intacts sur la table, devant la fenêtre et s'y avariaient jusqu'à ce que l'on s'avisât de les remporter.

Elle sombrait parfois dans un sommeil de plomb que venait troubler nul rêve et en émergeait plus fourbue que lorsque ses paupières s'étaient fermés.

Si elle rêvait, c'est Père qui hantait ses nuits. Elle voyait les manteaux d'or le plaquer sur la balustrade, elle voyait s'avancer ser Ilyn, elle le voyait dégainer Glace de son baudrier d'épaule et surtout, elle voyait le sang couler.

Je vais peut-être mourir aussi, se disait-elle parfois, sans que cette idée ne lui paraisse si effroyable que cela. Il lui suffirait de se jeter par la fenêtre pour mettre fin à ses tourments.

C'est un matin de printemps que, derrière la porte, la voix d'un garde s'éleva : "Vous ferez partie de l'audience du roi, cet après-midi. Veillez à prendre un bain et à revêtir une robe digne de Sa Majesté." 

Lorsqu'il fut parti, elle s'affaissa de nouveau sur les joncs et fixa le mur d'un œil vide jusqu'au moment où ses camérières osèrent se présenter à elle. "De l'eau pour mon bain, très chaude, s'il vous plaît. Et du parfum."

Une fois tout cela prêt, elle se glissa dans le bain en faisant attention à ce que personne ne puisse observer son dos. La chaleur du bain lui remémora Winterfell, et elle y puisa un regain d'énergie. 

Ses femmes récurèrent son corps, lavèrent ses cheveux et les brossèrent tant et si bien qu'ils finirent par retrouver leurs cascadantes boucles. Le moment venu de se parer, elle choisit une robe en soie rougeâtre.

Midi sonnait lorsque Meryn Trant apparu à sa porte. Il avait endossé son armure blanche.

"Sa Majesté m'a chargé de vous escorter à la salle du trône."

Elle répondit d'un ton mauvais : "Vous a-t-elle également chargé de me frapper si je refusais de venir ?"

Il lui dédia un regard intégralement dénué d'expression. "Refuseriez-vous de venir, madame ?"

La jeune femme se rappela le coup qu'il lui avait mis, la douleur qu'elle avait ressentie et, elle répondit d'une voix triste : "Non." Elle brûlait d'exploser, de lui rendre son coup. Mais terrifié, elle déclara simplement : "Je ferais ce qu'ordonne Sa Majesté."

"Comme moi," répliqua-t-il. 

"Oui..., mais vous n'êtes pas un authentique chevalier, ser Meryn." Pareille remarque eût fait s'esclaffer Sandor, pensa-t-elle. 

Le concerné l'observa, avec une forte envie de la violenter, mais se rappela les paroles du Limier. Il se résigna alors et continua de marcher paisiblement à ses côtés.

Elle trouva la tribune presque déserte et, luttant pour ravaler ses larmes, s'y tint. Sur son trône de fer, Joffrey dispensa ce qu'il se plaisait à baptiser justice. Neuf cas sur dix le barbant manifestement, il daignait s'en décharger sur son conseil et ne cessait de gigoter pendant que lord Baelish, le Grand Mestre Pycelle ou la reine les résolvaient. Mais lorsqu'il se mêlait de prendre une décision, personne, pas même sa mère, ne parvenait à l'en faire démordre.

Mais cela n'occupait pas l'esprit de Serena. Lorsqu'elle aperçut la silhouette de sa petite sœur dans la foule, elle accourut vers elle. Depuis quelque temps, les restrictions imposées par les autorités l'avaient tenue éloignée de sa petite sœur.

𝐒𝐓𝐈𝐆𝐌𝐀𝐓𝐄𝐒 ࿐ 𝐒𝐀𝐍𝐃𝐎𝐑 𝐂𝐋𝐄𝐆𝐀𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant