― Chapitre 39.

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Les jours passèrent et un soir les surprit toujours en marche, cahin-caha, vers la Verfurque et les châteaux jumeaux de lord Frey. Nous y voici presque, songea Serena. Comme sa sœur, elle en était parfaitement consciente.

La perspective aurait dû les emballer, mais, au lieu de cela, elles avaient toutes deux les tripes affreusement nouées. Ils ne nous reconnaîtront peut-être pas.

L'étalon noir peinait à transporter derrière lui le chariot chargé de viandes fraîches sur lequel ils étaient tous les trois assis. Le Limier avait sans difficulté assommé un homme qu'ils avaient croisé sur la route et volé son chariot. C'était là leur butin, leur moyen de subsistance alors qu'ils se dirigeaient vers les Jumeaux.

Le château n'était toujours pas en vue quand, sous la rumeur grondeuse de la rivière et le clapotis forcené de la pluie sur leurs propres crânes, ils entendirent la musique, réduite à des lointains martèlements de tambours, à des sonneries cuivrées de cors, à des relents de musettes aigrelettes.

"On a raté la cérémonie des noces, mais d'après le boucan, ça banquette encore. Je serai bientôt débarrassé de vous."

Non pas, c'est moi qui serai débarrassé de vous, se dit Arya. Après avoir essentiellement couru au nord-ouest, la route obliquait tout à coup à l'ouest entre un verger de pommiers et un champ de blé noyé que rossait l'averse.

Dépassé le dernier arbre et franchi le revers d'une butte apparurent alors simultanément châteaux, rivière et camps. Il y avait là des centaines de chevaux et des milliers d'hommes qui pour la plupart grouillaient dans les parages des trois tentes à festin colossales dressées côte à côte face aux poternes, telles trois grandes salles de toile.

De cet endroit, la musique se percevait plus nettement. Le martèlement des tambours et les sonneries de cors ébranlaient l'atmosphère du campement.

Et comme les instrumentistes du château le plus proche jouaient un autre air que ceux du château de la rive opposée, les discordances qui en résultaient évoquaient moins en moins une chanson qu'une échauffourée.

Une haie de charrettes et de fourgons s'étirait sur tout le pourtour afin de constituer un rempart de bois rudimentaire en cas d'attaque. C'est là que des sentinelles leur imposèrent de faire halte.

La lanterne que charriait leur sergent déversait suffisamment de lumière sur son manteau pour qu'ils le virent rose pâle et tacheté de larmes sanglantes. "Du porc salé..., c'est pas de la bouffe qui va pour des noces de grand seigneur," déclara-t-il avec un souverain mépris.

"Et des pieds de cochon j'ai aussi, au vinaigre, ser." Il ne les avait pas encore tous dévorés, fort heureusement. 

"Pas pour le banquet, ça non plus. Le banquet est à moitié fini. Puis je suis un type du Nord, pas un de tes têtards de chevaliers du sud. Le château est fermé, faut pas déranger les gens de la haute." Mais lorsque le Limier se retourna, ses deux compagnes d'aventure n'était plus là.

Les deux sœurs avançaient prudemment entre les tentes des soldats, leurs mains serrées l'une dans l'autre.

Leur objectif était clair : retrouver leur frère et leur mère, coûte que coûte. Les bruits de la nuit les entouraient, mêlant les voix des hommes fatigués et le froissement des bannières agitées par le vent nocturne.

𝐒𝐓𝐈𝐆𝐌𝐀𝐓𝐄𝐒 ࿐ 𝐒𝐀𝐍𝐃𝐎𝐑 𝐂𝐋𝐄𝐆𝐀𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant