― Chapitre 22.

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C'est l'après-midi même que la nouvelle Main du Roi vint rendre visite à l'aînée Stark dans ses appartements. Elle était assise sur son lit, perdue dans ses pensées, les yeux posés sur la rose rouge qu'elle gardait précieusement.

Lorsque la porte s'ouvrit doucement, Tyrion entra, affichant son air habituel détaché, un sourire en coin. "Lady Serena, c'est un plaisir de vous retrouver à Port-Réal. J'ose espérer que vous ayez encore souvenir de moi !"

"Le plaisir est partagé. Bien sûr, qui pourrait vous oublier ? Que puis-je faire pour vous ?" Elle ne put s'empêcher de repenser au dernier banquet à Winterfell, l'un de ces derniers moments partagés avec Jon. Les paroles de Tyrion résonnaient encore dans sa tête, une leçon sur la bâtardise.

"Eh bien, j'ai pensé que peut-être une promenade dans les jardins du Donjon pourrait éclaircir nos esprits. Vous n'êtes pas s'en savoir que j'ai passé plusieurs jours au Mur avec votre frère. Qu'en dites-vous ?" Elle ne pût s'empêcher de sourire en l'entendant désigner Jon de frère.

"Je suppose que c'est une idée charmante, allons-y." 

Ils quittèrent les appartements et se dirigèrent vers les jardins, où l'air frais et parfumé par les fleurs offrait un contraste agréable avec la tension du château, tandis que le petit homme avançait de sa démarche dodelinante à cause de ses jambes difformes.

"Vous savez, pour ce qui est de l'accident de votre petit frère Bran, je n'ai rien à voir avec ça. Avant même que votre mère ne m'attrape, j'avais rendu visite au reste de votre famille à Winterfell. J'ai découvert votre frère sorti du sommeil, bien que sans aucun souvenir de l'accident. Je lui ai offert les plans d'une selle adéquate pour un... infirme."

"Je le sais bien, lord Tyrion. Mon père m'informait de toutes ces histoires. Je vous remercie pour mon frère, nous étions tous si inquiet à son sujet. Bien qu'il ne puisse jamais plus escalader les murs de notre foyer, j'imagine que galoper le rendra heureux." Elle ne pût s'empêcher de sourire un instant en imaginant son petit frère crier de joie sur le dos de sa monture. 

"J'ai toujours eu un faible pour les infirmes, les bâtards et les choses brisées."

"Plus particulièrement un certain bâtard, n'est-ce pas ? Donnez-moi des nouvelles de lui, s'il vous plaît."

"Que dire ? Une fois à Châteaunoir, il faut avouer que Jon a été déçu de constater que la Garde n'est pas ce qu'il imaginait ! Comme vous pouvez l'imaginer, c'est un repaire de repris de justice, de fuyards et d'exclus de la société. Au maniement des armes, il a surpassé largement ses camarades. Il a alors décidé de les aider à devenir meilleur. Il a l'air de se plaire là-bas, bien que ce soit loin d'être l'endroit le plus agréable de Westeros."

"Ce n'est pas surprenant venant de lui." Malgré sa stature nettement plus petite, Tyrion ressentait le poids de la nouvelle qu'il devait partager.

Il rassembla le courage de lui annoncer la triste réalité : "Lady Serena, il y a quelque chose que je dois vous dire à propos de votre oncle, Benjen Stark."

Serena s'arrêta net, ses yeux reflétant l'incompréhension et la tristesse. "Est-il mort ?"

"Les dangers au-delà du Mur sont nombreux, et même les plus courageux peuvent succomber. Votre oncle était parti en patrouille au-delà du Mur pour environ un mois. La Garde a longtemps guetté son retour, en vain. Son cheval est revenu sans son cavalier, puis deux des Patrouilleurs qui l'accompagnaient ont été retrouvés morts. Nous prions tous pour son retour."

Cependant, Serena ne laissa entrevoir aucune émotion apparente. Aucune larme ne perla dans ses yeux, aucun tremblement dans sa voix. "Lady Serena, je m'attendais à ce que cette nouvelle vous touche plus profondément."

Elle répondit d'une voix maîtrisée : "Devrais-je pleurer, me débattre ? C'est ce que j'ai fait quand on a ôté la vie de mon père, et pourtant cela n'a rien changé. Lord Tyrion, j'apprécie votre sens de l'humour, votre ironie très affûtée et votre langue bien pendue. Le réconfort que vous avez offert à mes deux frères me prouve que vous êtes un homme bien. Je vous demande de veiller sur ma sœur Sansa. Le roi Joffrey ne cesse de nous tourmenter, de la tourmenter. Je vous supplie de faire de votre mieux pour rétablir la paix ici."

Elle se pencha vers le petit homme et chuchota. "Vous savez bien que votre neveu n'est pas le roi légitime, n'est-ce pas ?"

Il le savait depuis bien longtemps, il savait depuis son plus jeune âge que son frère et sa sœur entretiennent une relation incestueuse.

"Vous savez, il y a des choses à laquelle je ne peux m'interposer. Tout d'abord, la volonté de mon père. Jamais il n'accepta cette triste vérité et jamais il ne laissera le pouvoir lui échapper des mains. Quant à vous, lady Serena, vous êtes au courant de beaucoup plus de choses que je ne le pensais. Vous ne cessez de m'impressionner."

"J'ai toujours passé beaucoup de temps avec mon père, lord Tyrion, et peu étaient les histoires qu'ils ne me contaient pas."

Ils échangèrent un regard complice. "Mon ami Bronn et moi-même feront de notre mieux pour venir au secours de votre sœur, je vous le promets. Pour ce qui est du Trône, nous savons tous deux qu'il appartient véritablement à Stannis Baratheon. Et lui-même le sait, semblerait-il, puisque nos messagers nous ont affirmés qu'il approchait de la capitale à grands pas. Une guerre va avoir lieu dans les jours qui viennent, lady Serena. Stannis s'est forgé une réputation d'excellent stratège militaire. Il est en outre un fin connaisseur de la force militaire de chaque Maison des Sept Couronnes."

"Vous pensez que nous avons du soucis à nous faire, lord Tyrion ?" Les événements à venir pesaient lourdement sur ses épaules, et elle ne pouvait s'empêcher de penser au Limier. Il est fort et capable, mais la guerre est une bête capricieuse. Si Stannis Baratheon atteint ces terres, il sera en première ligne.

"Vous n'avez pas à vous inquiéter, nous avons nombre de ressources ici." 

Ce qu'aucun des deux ne savait encore, c'est que leur principale ressource serait le feu grégeois qui, par la suite, causerait tous les malheurs de la Stark.

𝐒𝐓𝐈𝐆𝐌𝐀𝐓𝐄𝐒 ࿐ 𝐒𝐀𝐍𝐃𝐎𝐑 𝐂𝐋𝐄𝐆𝐀𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant