― Chapitre 86.

87 13 0
                                    

La neige tombait encore lorsqu'ils arrivèrent près de l'immense Mur. Ils avaient suivi la route royale, serpentés entre les collines enneigées et caillouteuses, avant d'arriver à Châteaunoir.

La citadelle, au nom évocateur mais à l'apparence décevante, se dressait devant eux, à la fois imposante et humble dans sa simplicité.

En effet, Châteaunoir n'a de forteresse que le nom : hormis lui-même, il est dépourvu de rempart ou de fossé, et même d'une simple palissade ou d'un remblai.

Il est constitué d'un grand nombre de tours et de bâtiments, de pierre ou de bois aux deux tiers en ruine, qui se dressent au pied du Mur. Ce dernier, tel un géant impassible, écrase de sa masse le château, étant trois fois plus haut que la plus haute de ses tours.

À leur arrivée, la cour était animée de quelques sauvageons et de visages familiers. Serena s'avança d'un pas décidé vers Beric et le prit un instant dans ses bras. Elle fit de même avec Thoros qui la salua d'un sourire complice, reconnaissant la jeune femme qui avait su trouver sa place dans leur bande hétéroclite.

Enfin, ses yeux se posèrent sur Sandor, dont le regard semblait hésitant. Il la fixait, ses yeux scrutant chaque détail de son visage, comme s'il cherchait à y trouver une réponse à une question qu'il n'avait jamais osé poser. Il l'observait comme si elle était la chose la plus belle qu'il avait jamais vu, et c'était le cas.

Un léger sourire étira ses lèvres alors qu'elle tentait de briser cette tension silencieuse. Pourtant, avant qu'ils ne puissent échanger le moindre mot, un homme imposant et à la crinière rousse hirsute fit irruption.

Jon prit l'initiative de faire les présentations. « Serena, voici Tormund, l'ancien bras droit de Mance Rayder. Tormund, voici ma grande sœur Serena Stark, héritière du Nord. »

Il inclina légèrement la tête, un sourire jovial étirant ses lèvres bardées de poils. « J'ai beaucoup entendu parler de vous. » Elle répondit avec un sourire chaleureux avant que son regard ne soit attiré par une boule de poil blanche.

C'était Fantôme, le loup albinos. La vue de l'animal blanc immaculé évoqua en Serena une cascade d'émotions qui l'envahirent en un instant. Lady et Iris avait été injustement exécutée. Vent Gris avait péri lors des Noces Pourpres. Nymeria avait été contrainte de fuir pour sauver sa vie. Été et Brousaille avaient disparu. Pourtant, là, devant elle, se tenait Fantôme.

Elle tendit la main pour le caresser, ses doigts effleurant la fourrure blanche. Les yeux rouges de l'animal la fixaient, comme s'il la reconnaissait.

« Voici Thoros de Myr, Beric Dondarrion et Sandor Clegane. Ils veulent aussi aller au-delà du Mur » déclara Jon d'une voix ferme, les présentant aux autres hommes.

Beric prit la parole d'une voix grave : « Nous ne voulons pas dépasser le Mur, nous y sommes obligés. Notre seigneur nous a dit que la grande guerre approche. »

Mais le bâtard du roi Robert intervient : « Ne leur faites pas confiance. Ne faites confiance à aucun d'entre eux. Ils sont la Fraternité. Et la dernière chose que leur Seigneur leur a dit de faire a été de me vendre à une sorcière rouge pour qu'elle me tue. »

« Thoros ? » appela Jorah en s'approchant, cherchant à percer le voile du temps qui avait transformé leurs visages.

Le prêtre rouge leva la tête, son regard croisant celui de Jorah. « Je t'ai à peine reconnu. »

Le visage de Thoros devient alors éclairé par un sourire. « Ser Jorah Mormont » répondit-il, reconnaissant malgré le temps écoulé depuis leur dernière rencontre.

Tormund se retourna soudain. « Tu es un putain de Mormont ? Comme le dernier Lord Commander ? » demanda-t-il, un éclair de méfiance dans ses yeux

« C'était mon père. » Tormund reprit de sa voix grondante : « Il nous chassait comme des animaux. » La rancœur transparaissant dans chacun de ses mots. « Vous avez rendu la pareille, si je me souviens bien. »

Beric intervient : « Nos raisons ne sont pas les vôtres. Il y a un objectif plus important et nous le servons ensemble, que nous le sachions ou non. Le Seigneur de la Lumière l'a ordonné. » Sur ces mots, il y eut un long silence.

C'est l'héritière du Nord qui rompit le silence tendu qui enveloppait la cour : « Peu importe, nous sommes tous du même côté. Nous respirons tous. »

Ils se dirigent vers l'intérieur et prirent place autour d'une table, éclairée seulement par la lueur vacillante d'une bougie posée au centre.

« Ce n'est pas votre travail de le dissuader d'avoir des idées stupides comme celle-là ? » lance Tormund d'un ton brusque, ses yeux scrutant Davos. « J'ai échoué dans ce travail ces derniers temps » admet-il sobrement.

Le sauvageon tourne son regard vers Jon, son désormais ami. « Combien y a-t-il de reines maintenant ? » demande-t-il, l'air perplexe.

« Deux. » Tormund laisse échapper un rire sarcastique. « Et vous devez convaincre celle qui chevauche ses dragons ou celle qui chevauche son frère ? »

Cette remarque suscite un sourire chez Gendry et Serena, qui échangent un regard complice. Jon, les yeux fixés sur la bougie au centre de la table, répond : « Les deux. »

« Je vais rester sur place. Je suis un handicap, comme vous le savez bien » déclare Davos d'une voix calme mais résolue. Les autres hochent de la tête en signe d'acquiescement.

Sandor, qui n'avait pas un ajouté un mot depuis le début, déclare d'un ton qui se veut ferme : « Oui, vous tiendrez compagnie à lady Serena. »

La concernée redresse légèrement la tête. « Je viens moi aussi. » Le regard de Sandor s'assombrit légèrement, exprimant silencieusement ses craintes et ses réserves. Mais Serena reste résolue, sa détermination ne vacille pas.

« Bien sûr qu'elle vient » intervient Beric, soutenant la décision de la jeune femme. « Je lui ai appris à manier l'épée. Elle vaut autant que toi dans cette mission. »

Pourtant, Sandor refuse de céder à la pression. Il sait pertinemment les dangers qui les attendent au-delà du Mur, et il ne peut tolérer l'idée de mettre Serena en danger.

Il a vu tant de batailles, tant de morts, et il ne peut supporter l'idée d'exposer Serena à ces mêmes horreurs.

« Laisse ça aux hommes qui savent ce qu'ils font » déclare-t-il d'une voix grave. Mais c'était les mots de trop pour Serena qui riposta aussitôt : « Dans peu de temps, je serai officiellement la reine du Nord. Je n'ai pas d'ordres à recevoir de toi. Quel est ton titre, rappelle le moi ? »

Habituellement imperturbable, il baisse la tête honteusement. Il avait espéré la protéger et pourtant elle ne l'avait jamais pris de haut de cette façon.

Peu de temps après, la Porte Noire s'ouvre dans un grincement sinistre, laissant passer les silhouettes des courageux aventuriers dans l'immensité glaciale du vrai nord. La tempête rugit, emportant des tourbillons de neige à travers la toundra, comme des spectres errants dans un monde oublié.

Ils se tiennent ensemble, revêtues de vêtements de sauvageons, leur souffle se mêlant à l'air glacial. Leurs visages sont marqués par la détermination, mais aussi par une touche d'appréhension face à l'incertitude de ce qui les attend au-delà du Mur.

Derrière eux, les sauvageons qui les accompagnent tirent un traîneau chargé d'équipement, leurs silhouettes se perdant dans la blancheur impitoyable du blizzard.

Jon échange un dernier regard avec ses compagnons, un dernier adieu à la sécurité relative de Châteaunoir. Aux côtés de Tormund, il se prépare à affronter l'inconnu.

Serena avance aux côtés de Beric, son cœur battant au rythme de l'aventure qui s'annonce, tandis que Sandor reste en retrait, son regard sombre perçant à travers le tourbillon de neige.

Ils avancent, bravant les bourrasques et les tempêtes, unis par un lien invisible tissé par le destin.

𝐒𝐓𝐈𝐆𝐌𝐀𝐓𝐄𝐒 ࿐ 𝐒𝐀𝐍𝐃𝐎𝐑 𝐂𝐋𝐄𝐆𝐀𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant