― Chapitre 8.

278 19 5
                                    

En franchissant à cheval les colossales portes de bronze du Donjon Rouge, Eddard Stark se sentait chagriné, fatigué, de méchante humeur et affamé.

Or il se trouvait encore en selle, rêvant d'un long bain bouillant, de volaille rôtie, de sommeil douillet, quand l'intendant du roi l'avertit que le Grand Mestre Pycelle avait convoqué en session d'urgence le Conseil restreint et comptait que la Main daignerait d'honorer celui-ci de sa présence dès qu'elle le jugerait à sa convenance.

La dernière semaine de route avait été misérable. Sansa pleurait à chaudes larmes toutes les nuits, accablait sa petite sœur de reproches et lui répétait que Lady était morte à la place de Nymeria. Arya ne se remettait pas davantage de la fin sinistre du garçon boucher.

Serena elle, ne disait rien. Elle avait beau avoir nettoyé son corps recouvert de sang, elle sentait encore l'odeur des louves mortes sur sa peau, ses mains et ses cheveux. Elle les voyait encore, gisant sur le sol.

Deux servantes l'aidèrent à regagner ses appartements et lui firent couler un bain, ce dont elle rêvait depuis longtemps. 

Serena demanda aux femmes de la laisser seule, ce qu'elles firent sans broncher, bien que surprise de ne pas avoir à lui brosser les cheveux ou bien lui nettoyer le dos. Une fois seule, elle se déshabille et jette indignement sa robe sur le côté.

En pénétrant dans l'eau chaude, l'étoffe d'émail étincelant et lisse, elle ne put s'empêcher de lâcher un soupir d'aise. L'onde parfumée vint jusqu'à ses narines. La moite vapeur attise tous ses sens, et son âme enchantée, alors qu'elle aventure un pied dans la mousse. Serena prit un gant de crin et frotta sa peau jusqu'à voir le satin de sa cuisse rougir.

Quand elle quitte la baignoire, elle passe aussitôt sur son corps luisant une serviette, s'attardant avec soin à chaque gouttelette. En relevant les yeux, elle tombe nez à nez avec son reflet dans un miroir. Elle ose se retourner et, à son plus grand désarroi, constate que ses cicatrices n'ont pas bougé.

Serena continue d'observer son reflet, seule elle et ses doutes, ses tourments, d'une mine à faire peur, des traits tirés, des cernes saillantes, le reflet de son désespoir. Tantôt belle, tantôt affreuse. 

Avec horreur, elle se détourne du miroir, tombe à genoux auprès de son lit, cache son visage dans ses mains et laisse tomber sa tête sur son lit.

"Dame Serena," commence une voix de l'autre côté de la porte. Elle reconnut automatiquement la voix de Septa Mordane. "Le dîner est prêt. Vos sœurs et votre père vous attendent pour manger."

Dans un long souffle, Serena se releva, ouvrit ses bagages et en sortit la première robe qui rencontra ses doigts. "Dame Serena ?" répéta-t-elle à travers la porte. 

"Dites-leur que je n'ai pas faim." Elle enfila son corset, puis la jolie robe qu'elle avait trouvé.

Une fois que la Septa fut éloigné, c'est les cheveux encore humides que Serena quitta ses appartements. Elle longea les longs couloirs du Donjon Rouge. L'ensemble de la forteresse constitue un labyrinthe de salles voutées, de ponts couverts et d'oubliettes.

Serena fut bien surprise de tomber nez à nez avec un visage familier, elle qui se pensait seule dans ses couloirs, chacun devait avoir regagné son appartement à l'heure actuelle. L'imposante carrure du Limier se tenait là, parcourant les couloirs de la même façon qu'elle. 

Ce soir-là, ses joues étaient roses. De là où elle était, Serena put renifler des relents d'alcool. Elle repensa à l'incident sur la route royale et, peureuse, baissa la tête, c'était bien lui qui avait tué l'enfant boucher, l'ami d'Arya.

"Désormais, vous avez peur de moi." Cette phrase sonnait comme un reproche. Auparavant, il avait apprécié ses regards curieux, sans aucune once de mépris. 

𝐒𝐓𝐈𝐆𝐌𝐀𝐓𝐄𝐒 ࿐ 𝐒𝐀𝐍𝐃𝐎𝐑 𝐂𝐋𝐄𝐆𝐀𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant