― Chapitre 12.

269 20 0
                                    

Avec un grognement de douleur, Eddard Stark ouvrit les yeux. À travers les baies de la chambre de la Main filtrait la clarté lunaire. La douleur lancinante dans sa jambe blessée le rappela à la réalité brutale de sa condition.

"Combien... – combien de temps ?" Sur les draps enchevêtrés reposait sa jambe, dans un carcan de bandage. Un élancement pénible lui traversa le flanc.

"Six jours et sept nuits." Cette voix provenait de la bouche de la plus grand de ses filles, sans aucune surprise.

Serena lui approcha une coupe. "Buvez, père. Il faut que vous buviez de l'eau." Sa fille avait raison, ses lèvres étaient sèches et gercées comme du parchemin. Il avala une gorgée. L'eau lui parut d'une douceur de miel. 

Sa fille se tenait à ses côtés, ses traits familiers empreints d'une détermination farouche qui rappelait Eddard de façon frappante sa femme, Catelyn.

"Le roi a laissé des ordres," reprit la jeune femme, une fois la coupe complètement vide. "Il veut s'entretenir avec vous, semblerait-il. Quand me direz-vous ce qui se passe, Père ?"

Eddard grimaça : par où commencé ?

"Tout d'abord ma fille, raconte-moi ce qui s'est passé entre-temps." 

Malgré son impatience, elle expliqua : "Le Régicide a pris la fuite. Le bruit court qu'il est allé d'une seule traite rejoindre son père à Castral Roc. La capture de Tyrion Lannister par Mère défraie les conversations."

"Et quand est-il de tes sœurs ?" Malgré la douleur physique, il rassembla ses forces pour regarder profondément sa fille dans les yeux. 

"Tout comme moi, elles ont été à votre chevet chaque jour. Sansa se contente de prier, mais Arya... Elle n'a pas prononcé un mot. Une vraie petite louve."

Elle hésita. "Jory et les autres..." 

Le sourire de Ned disparut en repensant à ses camarades tués lâchement. "Ils reposeront à Winterfell, je peux te l'assurer." Eddard leva la main pour caresser doucement la joue de sa fille. "Il ne vous arrivera rien à vous trois. Je te le promets." Les paroles s'ancrèrent dans le cœur de Serena, lui insufflant une détermination nouvelle.

La porte de la chambre s'ouvrit soudainement. Avec une grimace de douleur, Ned se hissa sur ses oreillers. La visite du roi et de Cersei le prenait au dépourvu. Il la trouvait elle aussi de fâcheux augure. Serena s'éloigna de son père et prit place dans un coin de la pièce.

Robert avait pris le temps de s'habiller. Outre un pourpoint de velours noir brodé d'or au cerf couronné des Baratheon, il portait une jolie cape et un long manteau noir. Ses doigts étreignaient le goulot d'un flacon de vin, et sa figure enluminée trahissait qu'il avait déjà bu. Cersei Lannister le suivait, coiffée d'une tiare étincelante. 

"Sire. Veuillez m'excuser, je ne puis me lever."

"Savez-vous ce que votre femme a fait ?" 

Le blessé ne fût pas étonné, il reprit : "Ma femme n'a rien à se reprocher, elle a tout bonnement exécuté mes ordres."

Serena ne savait où se placer dans cette discussion. "Et de quel droit osez-vous porter la main sur mon sang ? Pour qui vous prenez-vous donc ?"

"Je suis la Main du Roi," répliqua-t-il d'un ton de courtoisie glaciale.

"Vous étiez sa Main," corrigea-t-elle en haussant le ton. 

"Bouclez-la tous les deux !" rugit le roi. "Elle libérera Tyrion et tu feras la paix avec Jaime" ordonna-t-il, ivre de colère. 

"Il a massacré mes hommes !"

"Lord Stark était saoul et sortait d'un bordel. Ses hommes ont attaqué Jaime." Bien sûr, chaque personne présente dans cette pièce savait que Cersei mentait, et mal, en plus de cela. 

"Jaime a pris la fuite. Laissez-moi le ramener devant la justice." Tout en parlant, il lorgnait la physionomie de la reine qui, toujours pâle, toujours impassible, ne broncha pas plus qu'un masque.

"Je te prenais pour un roi !" pesta Cersei en direction du roi. "Il a attaqué un de mes frères et enlevé l'autre. Je devrais porter l'armure, et toi la robe !" 

À ces mots, Robert, ne se tenant plus, répliqua sans préavis par une gifle formidable qui l'envoya, sans un cri, baller contre la table et manquer de s'écrouler au sol. 

Plus impavide et pâle que jamais, la reine se palpa délicatement la joue. Une rougeur la marquait déjà, qui promettait, sous peu, de s'élargir à tout le côté du visage.

Eddard, observateur silencieux, assistait à la scène avec une réserve stoïque, tandis que Serena, présente dans la pièce, ressentait une terreur indicible. Les souvenirs d'un comportement similaire de la part de son ex-mari, des gestes violents et des mots blessants, remontaient à la surface.

La tension dans la pièce était palpable, chargée d'électricité, alors que le silence pesait lourdement sur l'assemblée. Les regards échangés révélaient bien des choses : l'alcoolisme de Robert, le mépris de Cersei, la réserve d'Eddard et la terreur de Serena.

"Je l'arborerai avec honneur," promit-elle, non sans lui lancer un regard mauvais.

"Arbore en silence, ou je t'honorerai à nouveau." 

Sans piper mot, Cersei prit la porte qui se referma brusquement derrière elle. Empoignant le flacon d'alcool, Robert se versa une nouvelle coupe.

"Tu vois ce qu'elle me fait ? Ma tendre femme." Il s'installa dans un fauteuil et, tout en chambrant doucement son vin : "Je n'aurais pas dû le frapper."

Serena observait l'homme, effrayé par son comportement. Mais sa colère était retombée et dans son regard fixe se lisait comme une tristesse mêlée d'embarras. "Ce n'était pas... – ce n'était pas royal."

Finalement, le roi reprit : "Dis à ta femme de renvoyer cette chiure de lutin à Port-Réal. Elle s'est assez amusée, mets-y un terme. Envoie un corbeau, tu m'as entendu ?" 

Eddard acquiesça, bien que cette histoire ne lui plût pas. "Et quand est-il de Jaime Lannister ?"

Après avoir savouré une autre coupe de vin, le roi répondit, d'un air mauvais : "Je suis endetté jusqu'au cou auprès de son foutu père ! J'ignore ce qu'il y a entre toi et ces raclures de blondinets, je ne veux pas savoir. Tout ce qui compte, c'est que je ne peux pas régner si les Stark et les Lannister sont à couteaux tirés. C'en est assez."

Une fois cela dit, Robert se leva et extirpa d'une poche un petit objet qu'il jeta sur le lit pesant du blessé. Les doigts de Ned se refermèrent sur la broche, celle qui faisait de lui la Main du Roi. Apparemment il n'avait plus le choix. 

"On reparlera après la chasse. Tuer me change les idées. À toi le trône pendant mon absence. Quant à toi, douce Serena, prend bien soin de ton père." Elle hocha de la tête poliment, bien qu'elle commençât à aimer de moins en moins ce foutu roi.

En pointant Ned du doigt, Robert reprit d'un air comique : "Remets cette broche, et si jamais tu t'enlèves à nouveau, je jure d'épingler cette saloperie sur Jaime Lannister !"

𝐒𝐓𝐈𝐆𝐌𝐀𝐓𝐄𝐒 ࿐ 𝐒𝐀𝐍𝐃𝐎𝐑 𝐂𝐋𝐄𝐆𝐀𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant