ix. Zeus

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Neres

Il est 23heures. Je viens à peine de descendre de ma bagnole que mon téléphone sonne. Je vois le nom de Paolo s'afficher sur l'écran. Qu'est-ce qu'il me veut ce connard?
- Bien le bonsoir, monsieur Di Salvo.

J'imagine la gueule de cet enculé en face de moi prononcer mon prénom et mon poing enfoncé dans sa mâchoire. Et putain! Qu'est-ce que j'ai envie de lui faire avaler ses orbites.

- Qu'est-ce que tu veux? je demande, irrité en fermant la porte d'entrée derrière moi.
- J'ai entendu dire que certaines lignes fantômes redevenaient fonctionnelles. Je tenais à vérifier l'information par moi même.

Pendant qu'il tenait son discours, j'ai eu le temps d'atterrir derrière mon mini-bar et de me servir un verre de Spirytus.
- Va raconter tes conneries ailleurs. Je ne suis pas Google.

Je raccroche en le traitant de tous les noms puis je porte mon verre à ma bouche. L'alcool glisse lentement dans ma gorge et brûle mon estomac. Dans un tiroir, je déniche une boîte de cigares. J'en tire un que je cisaille, prêt à le griller lorsqu'un souvenir heurte ma conscience. C'est avec réticence que je le  jette dans la poubelle près du bar. Je frappe hargneusement mes mains contre le comptoir, me maudissant d'avoir eu ce courant de pensée. J'étais sûr d'avoir passé cette étape bordel.

Je grimpe les escaliers, me rappelant soudain que j'ai une recluse. Je traverse le couloir sombre mais aussi illuminé par le clair de lune dont les rayons transpercent la baie vitrée. Le paysage marin défile dans le coin de mon œil et pourtant, je n'ai qu'un seul objectif. Vérifier si elle est bien là et en vie. Un trait de lumière est tracé près de la porte de sa chambre, entrouverte. Sa voix délicate résonne à peine. Je passe un bout de tête à travers l'ouverture et remarque qu'elle est à genoux, accoudée sur son lit. Ses yeux sont clos. Elle prie. Ou du moins, achevait-elle sa prière.
- Amen! murmure-t-elle en se redressant.

Je ne la quitte pas des yeux. Quand elle se retourne, elle hoquette de surprise en me découvrant. Je m'approche d'elle qui, à mon inverse recule.

N'aie pas peur, ma Venus!

Elle se retrouve à ras-le-dos contre l'une des potences du lit à dais et sa respiration affolée pourrait même se ressentir à l'autre bout de la pièce. Ses yeux marrons étirés sont levés vers les miens ainsi que ses sourcils fauves. Je me tords le cou à croiser son regard candide. Et ma colère s'évapore comme si elle n'avait jamais existé. Mes doigts tremblent lorsqu'ils pensent se poser sur sa joue. Elle frissonne. Je me retiens. Mon corps lourd ne comprend pas cette hésitation. Je m'éloigne d'elle, la sentant frôler une crise cardiaque. Ma mâchoire se crispe en se remémorant ma perplexité. Fais chier! J'ai besoin d'un autre verre.
- Qu'est-ce que tu as mangé ce soir? je lui demande, une mine stricte.
- D–des g–gyozas, bafouille-t-elle.

Ça m'étonne qu'elle connaisse ce mot. Chanda? Sûrement. La connaissant, elle ne se gênera pas pour lui apprendre des noms de pornstars.
- Vas-y couche toi! j'enjoins.

Elle obéit et introduit son petit corps sous les draps crèmes. Ses yeux se font insistants sur moi. Je comprends que ma présence l'importune sauf que je suis chez moi et que j'ai le droit de faire tout ce qui me chante. Je défile devant elle, je fais glisser la porte coulissante puis j'atterris sur la terrasse. J'observe la nuit obscure et manifeste. Et je réfléchis à tous les changements qui s'opéreront dans ma vie et au sein de l'organisation les prochains mois à venir. Mon regard se noie ensuite dans le bleu flagrant de la piscine et l'idée de me faire un bain de minuit me titille l'esprit. Je quitte mon observatoire et regagne l'intérieur. Je remarque qu'elle s'est totalement enfoncée sous sa couverture. D'un pas feutré, je m'avance vers son chevet. Je m'abstiens de dégager le tissu de son visage.
Après quoi, je descends au salon. J'enchaîne un autre verre de vodka avant de gagner l'extérieur de la maison. D'un coup sec, je retire ma chemise pêche à manches courtes. Par la suite mon débardeur et mon short de plage noir. Mon boxer s'ensuit. Sans hésiter, je plonge dans l'eau. Elle est tiède et bienfaisante. Elle infiltre chaque pore de mon corps, libre et me fait presqu'oublier que j'ai la barre dure. Je passe ma main sur mon visage, tentant de chasser les pensées obscènes qui se bousculent dans ma tête puis je détends mes bras sur le bord de la piscine. Je soupire de rage et, lorsque je lève les yeux vers son balcon, elle est là...

~~~

Un jour de merde. Encore!
La sonnerie infernale du téléphone fixe sur ma table de nuit m'extirpe de mon sommeil agité. Un grondement m'échappe avant que je ne saisisse à l'aveuglette le téléphone.
- Oui?
- Monsieur, désolé de vous réveil...
- Abrège ton baratin, imbécile! je ronchonne en passant la main sur mon visage puis dans mes cheveux.
- Votre voisine insiste pour rentrer. On la laisse?

La voix hystérique de Chanda résonne en fond. Elle crie à mes gardes de la laisser passer. Je me pince l'arrête du nez et après une courte et douloureuse réflexion, j'ordonne :
- Retenez-la encore un peu puis laissez-la entrer.

Je raccroche puis je quitte mon lit. Mes pieds me guident jusqu'à la baie vitrée d'où j'observe l'océan en effervescence. Ce que j'aime le plus dans cette maison, c'est ça en particulier. Pouvoir observer la mer sur tous les angles et surtout d'une certaine altitude. Je me jette ensuite dans ma salle de bain digne d'un demi-dieu. Et d'ailleurs, si j'en étais un, appelez-moi Zeus.

Mes muscles se décontractent sous la douche froide et mes mains se posent sur le marbre en face de moi. Je repense à la soirée d'hier. Elle sur son balcon à m'épier et moi, dans l'eau à la contempler. Pendant de longues minutes, elle n'a pas bougé. Et moi non plus. À quelle merde je pense! Je me débarbouille en espérant chasser ces idées de ma mémoire. Suite à quoi, je perçois le claquement démentiel de la porte d'entrée qui me donne des envies de meurtre. Je coupe l'eau puis me retire de la salle de bain.

Une fois présentable, je descends dans le salon. Et je tombe sur Chanda qui agrippe le bras de Venus. Ma Venus. Pour ce qui était de goût, ma voisine en avait. Alors là, clairement. Je reluque le corps de la rousse mis à découvert par le jean taille basse en forme de V et le chemisier rouge bordeaux transparent qui lui sert de haut sans citer son soutien gorge noir qui est tout tracé et visible à mes yeux avides. Je remonte à son visage et remarque que le brun sombre de ses yeux n'a pas changé. Des tâches de rousseur surplombent son nez et se répartissent sur ses joues roses. Et ses cheveux sont attrapés en un chignon. Je suis toujours absorbé dans son admiration lorsque Chanda me ramène à mes esprits.
- Tu ne vaux absolument rien, De Savon. Tu es la pire ordure de toute la planète.

Et c'est reparti!
- Rassure-toi, je me vengerai pour tout.

Je grogne en me dirigeant vers la cuisine. Chanda m'emboîte les pas.
- Je sors avec Venus. Et fin de la conversation.

Je ricane en me retournant vers elle.
- Redis le encore et je me ferai une joie de te planter un couteau dans la cervelle, je la menace. Et elle n'ira nulle part habillée comme ça.
- Raison de plus pour montrer à toute l'île à quelle point ma copine est renversante. Si toi t'as aimé ce que t'as vu..., loge-t-elle son index entre mes pectoraux, un sourire espiègle en coin, alors sûrement d'autres apprécieront. Et quand je dis d'autres, je parle bien de tous ces beaux-gosses qui courent les rues de Santorin.

Les maxillaires contractés et les poings serrés, je me contiens de sauter sur le cou de cette salope qui me sert de voisine.

Personne ne la verra dans cette putain de tenue. Tu en as ma parole Fevertti.

La Belle et le DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant