xxxi. Tu ne seras jamais malheureuse.

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Archipel de Santorin, Grèce
Heure locale : 11h11

Venus

Le bruit de la porte me fait hoqueter. Margaret revient s'asseoir.
- Il ne voulait pas partir. De pire en pire ce garçon, secoue-t-elle la tête d'exaspération.

Je prête peu d'attention à ses propos. L'idée d'être confrontée aux questions hasardeuses de la vieille femme m'angoisse. Mes mains en sont devenues toutes moites.
- Alors ma petite, tu te sens comment ? me sourit chaleureusement Margaret.

Je triture mes doigts et il m'est impossible de la regarder en face. Mes cordes vocales trépident et laissent entendre un son à peine audible.
- Bien.
- Venus, relève la tête! me dicte Margaret.
- Non.
- Si!

Margaret vient se camper derrière mon fauteuil. Ses mains descendent sur mes épaules ensuite remontent sur ma mâchoire. Elle me murmure à l'oreille :

- Dans la vie, ma belle, il est impératif de toujours regarder devant soi. De ne pas cligner des yeux lorsqu'on sent la menace arriver vers nous. De marcher bravement et fièrement comme si chaque petit grin de sable qui roule dans nos plantes de pieds était tout un chacun de ceux qui cherchent à nous déstabiliser ou nous atteindre d'une certaine manière. Dans la vie, Venus, il y a énormément de principes. Et il ne suffit pas de baisser les yeux comme toi tu le fais en ce moment. On appelle ça la lâcheté et moi je sais qu'au fond de toi, tu es loin d'être une lâche. N'est-ce pas que j'ai raison?

[...]

Heure locale : 16h43

Neres

- Oh! Et tu t'rappelles quand on a dû tirer sur des vigiles parce qu'on s'étaient faits griller?
- Un vrai jeu d'enfants, s'esclaffe Gail.
- J'aurais aimé être là moi, boude Shelagh.
- La prochaine fois sera la bonne, la réconforte Maxim.
- Personne aurait vu Gunther et Neres?
- Ils doivent être au bar. Tiens, matez qui s'ramène les filles. Les deux loups.
- Foutez pas vos microbes dans ma piscine les gonzesses, je peste en me jetant sur l'un des transats.

À Strachan de piquer l'une de ses réparties idiotes.
- Je suis majeur et vacciné, vieux.
- Ton veto a dû t'injecter le mauvais vaccin!
- Sur ce coup là, la princesse t'as bien eu mec, pouffe Cox.

Je lui jette un regard noir à travers mes lunettes polarisées. Comme s'il allait le remarquer. Soudain...
- Jeronimo!

En une fraction de seconde, une baleine plouffe dans la piscine et me trempe par l'occasion.
- Vous organisez une pool party sans nous? afflue la voix de Chester.
- Ay, papacito! s'élance directement Pilar vers Cox.
- Salut la compagnie ! s'écrie Yakuza.
- C'est fou comme la Grèce m'avait manquée, vocifère Misha en se cloîtrant dans un angle du bassin.
- Coucou, beauté! arrache Gunther un baiser à la jeune colombienne.

Ou devrais-je dire son ex sex-friend.

- Que foutez vous dans ma putain de baraque ? je tonne, sentant ma patience se volatiliser.
- Non d'une couille! T'es devenu plus badass qu'avant ou je rêve ? s'étonne Misha en me reluquant.
- Salut tout l'monde, se mêle la voix de Fevertti.

Manquait plus que ça. Bordel!

- Venichouuuu!
- Chanieeeee!
- Oh la vache!
Lorsque je tourne la tête, je la trouve en compagnie de ma Venus. Et juste derrière elles, Cortez et Devon qui se ramènent finalement. Je me pince l'arrête du nez en demandant posément :
- Qui est à l'origine de ce bordel?
- Allez, calme-toi mec. On est presque tous là, t'es pas content ? m'accole Yakuza.
- J'AI DEMANDÉ QUI EST BON SANG L'AUTEUR DE CE PUTAIN DE BORDEL?
- Vieux, tu délires ou quoi? C'est toi qui nous a envoyé des lettres.
- Oui. Kuz' a raison, complète Misha.
- D'ailleurs, ça m'a surpris, je dirais, avoue Chester.
- Quelles lettes putain?
- Les cartas où tu nous disait de te rejoindre d'urgence pour une partie de bingo, déclare Pilar.
- Laissez moi deviner, intervient Strachan. Il y avait une formule de politesse?
- C'est pas l'moment, s'agace Shelagh.
- Eh bah, oui. Comme dans toute lettre, hausse les épaules Misha.
- Fais chier! divulgue Cox.

Vraiment... Fais chier!

- Il déteste les lettres. Ça peut pas être lui. Et même si c'était le cas, il aurait jamais utilisé de formules de courtoisie, conclut Maxim.
- Wow, il en a de la matière grise finalement, s'émerveille Gail.
- Alors, si c'était pas toi vieux, c'était qui alors ? prend Yakuza.

Au même moment, tous les téléphones vibrent et à tour de rôle, chacun s'empresse de saisir le sien.
- Qu'est-ce qui se passe? interroge Chanda, les yeux grands écarquillés.
- Aucune idée mais ça a l'air affreusement excitant, s'émoustille Gail.
- Tu peux m'passer mon portable, s'te plaît Ches'? lâche Misha.
- Ouais!

Mes pas s'alourdissent et me guident vers le bar à l'intérieur de la maison. J'y avais égaré mon téléphone. Dès que je l'allume, je lis :
« Sortez tout de suite de la baraque. Ne restez pas dans le périmètre. »

- LES GARS, ON DOIT S'BARRER! hurle Yakuza depuis la terrasse.

Ma vue devient subitement floue et mon sang déferle violemment dans mes veines. Ma respiration saccadée empire mon malaise et mes poumons refusent d'inspirer le moindre centilitre d'oxygène. Et mon cœur... Mon cœur bat rudement comme si ma Venus me tenait la main...

~~~

Une semaine plus tard

Palma, Majorque, Espagne
Heure locale : 18h25

Neres

Le soleil brille de toutes ses flammes. Le sillage des effluves marines me fait plisser les yeux. Quand je lèche du bout de la langue mes lèvres, elles ont un goût salé, une saveur de l'été. Je cale un copeau de joint dans le coin de ma bouche. Après, je repositionne mes mains sous ma nuque et sens le capot de ma décapotable se cabosser dans mon dos. J'observe la fumée de ma cigarette se répandre dans l'atmosphère. J'en tire une dernière taffe avant qu'elle ne meure définitivement.

Revigoré, je me redresse. Mes yeux se posent directement sur ma Venus, contemplant les aller-retours des bateaux. Il faut croire que Cox avait vu juste en disant que l'emmener voir le phare de Formentor  et la Méditerranée la décompresserait. Depuis l'incident de la dernière fois, elle n'avait que peu parlé. Enfin, moins que d'habitude.

- Tu crois que le soleil va disparaître un jour ? me demande-t-elle alors que je me plante à côté d'elle.
- Probablement, je la dévisage. Pourquoi ?
- Les couchers de soleil me rendent heureuse. Et si il arrive qu'il disparaisse un jour, alors, je serai certainement triste.
- Il ne disparaîtra pas de si tôt, crois-moi.
- Si tu le dis.

La brise emmêle son brushing et elle savoure l'instant présent, les yeux nichés dans la mer bleue.

- Tu aimes découvrir de nouvelles sensations, pas vrai?

Ses yeux se closent et, à l'image d'un crucifix, elle déploie ses bras. J'imagine qu'elle doit se sentir...bien.

- Oui, répond-t-elle.
- Alors, sache que tu ne seras jamais malheureuse. Même quand le soleil disparaîtra.

Puis, blanc.

La Belle et le DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant