Recap 1.7

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Deux jours plus tôt

Byrnecity

Le voiturier déguerpit enfin de la devanture quand Gunther et moi foulons le tapis rouge. La porte est gardée par deux hommes, robustes, habillés en tenues à noeud papillon.
- Bonsoir messieurs !

Sans avoir placé le moindre mot, ils nous dégagent le passage. Lorsque je crache mon bout de cigarette par dessus mon épaule, je vois le cordon rouge en velours se raccrocher au potelet. N'y prêtant plus d'importance, j'entre dans la porte tambour qui me bascule à l'intérieur. Je suis derrière Cox et nous nous pointons sous peu à l'accueil. Une femme aux cheveux courts siège derrière un gigantesque comptoir. Elle nous sourit.
- Bien le bonsoir, messieurs! Puis-je avoir vos réservations ?
- Parce que maintenant, il en faut pour venir passer du bon temps? interroge Cox, une lueur acerbe dans son ton.
- Désolée monsieur mais ce sont les nouvelles règles de la maison.
- Et puis quoi encore! Je devine que dans les bordels aussi faudra se réserver des putes des mois à l'avance.

Elle devient toute rouge. On aurait presque dit une fraise. Faute de réplique, elle s'éclaircit la voix.
- Dites à Byrne que Di Salvo veut lui parler. Et que Di Salvo n'aime pas patienter, je m'exprime non sans manquer de courtoisie.

Elle reste inactive.
- Maintenant !

Ce mot s'extirpe de ma gorge tel un grondement. Et remarquer l'intimidation de la réceptionniste me rend compte d'à quel point je peux avoir tout ce que je veux en claquant des doigts. Suffit juste d'employer le bon langage.
Le fixe suspendu à son oreille ne laisse filtrer aucun son. Elle se contente d'hocher la tête après nous avoir annoncés à qui je suppose est censé être le maître des lieux. Georges Byrne. L'intrépide juge qui tient une maison close dissimulée derrière un casino mondain et très huppé.
- Sous-sol trois, émet l'hôtesse. Les ascenseurs sont dans le couloir, à droite.

Je la dévisage un instant puis Cox et moi nous hâtons d'aller au lieu indiqué. Une fois à bon port, nous menons une marche rapide jusqu'à une porte va-et-vient blanche, supportant un oculus de part et d'autre de ses ventaux. Je la pousse et une atmosphère complètement différente s'offre à moi. La lumière bleue vit dans chaque recoin. Des femmes à moitié nues ou nues se dandinent partout. Certains baisent sur les canapés et d'autres contre les murs. Beaucoup de jeunes que de vieux, beaucoup de gémissements que la musique de fond. Je défile en tentant de me focaliser sur mon objectif. Un homme, élancé et moins dodu se présente à moi.
- Le patron est dans son salon privé. Suivez-moi!

Mes yeux roulent dans l'endroit puis j'emprunte ses pas. Il me guide à Byrne, vautré derrière une pièce de libertinage, entouré de filles de joie, toutes aussi pulpeuses les unes que les autres.
- Mon cher ami ! me sourit-il bêtement. Comme je suis heureux de vous revoir.

Gunther se place à coté de moi et me murmure :
- Cinq minutes. Après, je le tue.
- À ce que je vois, vous êtes venu accompagné.
- Je n'ai pas de temps à perdre, Byrne, j'assène sèchement en prenant siège dans l'un des sofas.

Il commande à ses subalternes et vide-couilles de sortir.
- Ça ne prendra pas beaucoup, les assure-t-il.

Une fois que la troupe se dissout, je déballe mon dossier.
- J'ai besoin de thune. Et beaucoup.
- Voyons, que dites-vous Di Salvo? Vous en avez plein à craquer.
- Ce n'était pas un sujet d'argumentation, Byrne.
- D'accord. Je vois. Un verre? me propose-t-il.

Je secoue légèrement la tête. Il dirige la bouteille d'alcool vers Cox qui lui lance un "je m'en passerai".
- Je dois bien avouer que vous m'épatez de plus en plus, monsieur Di Salvo, croise-il les jambes. Vous avez menacé toute une communauté criminelle à une soirée de bienfaisance. Il en faut de la bravoure pour accomplir un tel exploit.
- Je ne suis pas venu pour une thérapie, Byrne. Vos contacts de la FED, je veux qu'ils me débloquent des billets. Beaucoup de billets.
- Ça devient intéressant. Alors, vous le prévoyez comment? En mode Casa del appel ou Mission Impossible? Parce que j'ai beaucoup de propositions, vous savez.

Cox s'apprête à dégainer son flingue quand je le stoppe. J'oubliais un détail sur ce rat : il aime se faire graisser la patte. Seulement... Ce ne sera pas pour aujourd'hui.
- Il me semble que vous oubliez que la 404 couvre vos magouilles salaces, Byrne. Et je n'ai aucune envie de vous rappeler les différents délits que vous avez commis si on écarte la possibilité que vous êtes la personnification même de la justice américaine. Alors, si vous tenez vraiment à ce qu'on travaille ensemble plus longtemps, croyez-moi, vous devriez broyer l'os sans rager. Ou ça pourrait dégénérer.

Comme je disais, le bon langage.

- Vous en voulez combien ?
- Immensément.
- Compris. Je verrai quoi faire.

Je ricane en me dépliant du canapé.
- Non! je prends, le visage assombri. Ça ne marche pas comme cela. Y a plutôt intérêt à ce que ça fasse l'affaire.
- J'y tacherai promptement.
- Dans ce cas, ce fut un plaisir de vous revoir, cher Byrne.
- Plaisir partagé, me retourne-t-il.

Gunther le désintègre du regard puis nous nous apprêtons à sortir quand il poursuit:
- Di Salvo... Je comprends que je suis un homme loyal et de confiance, certainement dans l'autre sens du terme...mais, pourriez-vous m'éclairer sur la raison qui vous a poussé à directement venir vers moi et pas à la banque centrale? Enfin, vous êtes un homme de contacts. Vous êtes partout, en tout temps. Vous êtes au courant de tout.

Sur ce point, il a totalement raison. Toutefois, je ne peux que dévoiler ce qui mérite d'être entendu.
- Le diable peut être un excellent négociateur, mais il ne garantit jamais une issue favorable. Par contre, vous, si.

La porte se ferme derrière moi.

Ces chiens m'attendent. Mais, ils ne me verront pas.

La Belle et le DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant