Kiruna, Suède
Heure locale : 00h29Venus
Mes cheveux deviennent atroces à peigner. Heureusement, je ne m'en suis tirée qu'avec une petite migraine et les bras engourdis. Me réjouissant de pouvoir m'emmitoufler dans les duvets moelleux de mon lit, j'entends quelqu'un frapper à la porte du bungalow. J'inspecte à travers la vitre intégrée au bois et un haut-le-cœur me chahute lorsque je le vois sur le seuil. Mon échine s'encourt de spasmes et mon corps d'un frisson intense. Qu'est-ce qu'il cherche?
Il frappe une nouvelle fois.
- Tu ferais mieux de te dépêcher, émet-il.Ma respiration se coupe un instant puis se renouvelle. L'idée de lui ouvrir ne m'enchante guère. Encore que je ne suis pas en sécurité avec lui. Avant, je pensais le contraire mais plus maintenant. De nouveau, il heurte crûment sa main contre la porte. Un hoquet s'extirpe de ma gorge. Et, sans ménagement, j'ouvre, m'armant d'un courage qui me fait cruellement défaut.
- Qu'est-ce que tu veux ? j'entreprends, la voix chevrotante.Une chaleur inhabituelle se propage dans mes tympans malgré le froid environnant. Quand il pénètre mon regard, j'ai le visage en feu. Mes viscères s'embrasent d'un incendie dévastateur, emportant dans son passage la confiance et toute l'estime que je ressens envers moi-même. Je me suis maudite dès le moment où il a brusquement claqué la porte puis agrippé ma nuque. Ses lèvres se sont emparées des miennes comme si elles lui ont toujours appartenu. Avec férocité. Avec engouement. Avec concupiscence. À chaque fois que je tente de me retirer, et ce, de toutes mes capacités, il s'accroche davantage à ma mâchoire. Ne m'offrant pas d'autre alternative, je le mords rudement.
- Bordel! maugrée-t-il en me relâchant.Je me replie dans le coin de la hutte, l'observant fulminer, tétanisée. Mes jambes tremblent d'épouvante alors que je rencontre ses pupilles assombries par la fureur. Ma gorge se noue. Mes nerfs répandent à foison l'adrénaline dans mon cœur qui castagne tellement fort que j'ai la vive sensation de me rapprocher de la mort à chaque seconde. Les pas lents de Neres se rapprochent de plus en plus. Je n'ai pas d'autre choix que de me réfugier sous les couches de larmes qui barbouillent ma figure. Même leur goût salé ne parvient pas à rattraper l'indélébile saveur de l'effroi qui paralyse mes membres. À gauche. À droite. Je ne trouve aucun objet pour me défendre face à ce démon.
Il m'emprisonne entre ses bras.
- Maintenant, sois une gentille fille et nettoie moi tout ce sang, éructe-t-il.Un sanglot m'échappe lorsque mon index se dirige avec réticence vers le dommage que j'ai dû causer à sa lèvre pour me sauver.
- Cache-moi ce doigt et sers-toi de ta langue, ma Venus.Ma vue s'embue de plus belle. J'ai tant de motifs pour lui résister mais aucun d'entre eux n'est valide pour me valoir une mort inespérée. Les rebondissements de mon cœur se confondent à mes mouvements frénétiques. Sur la pointe des pieds, j'arrive à atteindre son menton. Par instinct, il se courbe. J'étudie la traînée de sang dessinée sur sa peau avant de l'effacer d'un coup de langue. Nos bouches sont si proches l'une de l'autre, avides et indécises.
- Ne me provoque pas, ma Venus. Je pourrais me transformer en incube. Et je sais que tu n'apprécieras certainement pas.Son pouce effleure gentiment mes lèvres.
- Tu m'as évité toute la journée, ma petite agnelle. T'aurais-je offensée?Cette question survient à l'improviste si bien qu'elle inhibe mes larmes dans mes poches oculaires. Son odeur assaille mes narines. Il sent comme d'habitude. Bon et mauvais. Mauvais faisant référence à l'odeur de ses cigarettes. Et encore, à celle de l'alcool. C'est comme si soudain je reviens à la raison.
- Réponds-moi!
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La Belle et le Démon
RomanceLa fortune n'existe pas. Seules l'évidence et la logique sont réelles. Si deux droites se croisent, l'unique explication s'avère que tout était prémédité. Et si deux...