La Belle et le Démon

xlvii. Run or Die

Venus

Je prends mon temps pour siroter le jus d'orange que je me suis servie. J'aurais pu le boire d'une traite, non que je redoute qu'il se termine vite ou de peur d'en reprendre à souhait, une franche occasion pour y devenir accro et probablement diabétique, seulement, j'appréhende le fait de ressasser ce rêve traumatisant. Durant l'espace d'une seconde, peut-être celle qui me maintiendrait dans la pensée de ce véritable cauchemar, le temps que j'aille me resservir, il ne serait que trop tard. Je serais à nouveau replongée dans une réalité abstraite, une hallucination à jour battant. Enfermée. Hantée par ces voix dans ma tête.
Je soupire —
À mon réveil fâcheux.
À ma vie complètement insensée.

Neres déboule enfin dans la cuisine. Il se sert un café en tâchant bien évidemment de m'accorder le moins d'importance que possible. Comme d'habitude. Comme depuis quelques jours. Comme depuis le lendemain de Diwali. De plus, il n'est jamais revenu dans ma chambre. Pas depuis ce soir qui est resté encré en moi. Encore qu'il ne m'adresse plus vraiment la parole, je me sens gênée à chaque fois que nous partageons une pièce, tous deux silencieux, tels de parfaits inconnus. Et en réalité, je le comprends. Je ne suis qu'une inconnue pour lui. Une inconnue que son oncle lui a confiée.

Le désir de lui raconter mon cauchemar me perturbe. Et s'il ne veut pas m'écouter? Je devrais garder ça pour moi. Même si je sais que ce sera difficile et pesant.

~~~

Heure locale : 18h30

Venus

Cette fois-ci, j'ai écouté les conseils de Chanda. Pour son enterrement de vie de jeune fille — apparemment, ce ne sera pas des funérailles — je mettrai une tenue en accord avec mon corps. D'après elle, pour être autant gâtée par Dame Nature, je devrais être plus ouverte et jouer les cartes en ma faveur. En d'autres termes, je dois utiliser mes atouts en mon avantage. Même si je ne vois vraiment pas quel avantage j'aurais à m'exhiber.

Tout compte fait, ce soir, pour lui faire plaisir, je ferai de mon mieux pour être en norme avec le thème de sa soirée, Freaky Black Mare. J'ai oublié la signification. Mais je garde encore en mémoire le genre de style vestimentaire que nous devons toutes adopter. Une tenue noire, sexy et à la fois élégante. J'ai donc opté pour une robe courte avec de longues manches et à dos nu. Le bas de la robe se détache faiblement de mes cuisses pendant que les manches en mousseline s'évasent librement. J'applique mon baume à lèvres et procède à la routine.

Une dizaine de minutes plus tard, je suis fin prête. Je descends dans le salon. Mais, Neres n'y est pas. Des bruits de sabots s'annoncent dans les escaliers. Je me retourne. Son visage est renfermé. Il ne laisse courir aucune émotion. Je le vois s'approcher de moi, comme un prédateur s'approcherait de sa proie. Il sent bon. Très bon. Sa chemise frôle mon épaule lorsqu'il passe son chemin. Une frustration intense m'enivre.
Que lui ai-je fait ?

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Plus tard...

- La bouffe est incroyable! s'émerveille Soraya.
- Je vous avais dit. C'est ma dernière nuit en tant que célibataire. Bon, dans la culture indienne, nous sommes déjà mariés. Quand bien même, elle sera délicieuse.
- Très ennuyeux mariage au fait, pouffe Stella, une amie de Chanda.
- Je te le fais pas dire, bouboule, l'accompagne Jodie.
- J'admets que c'était pénible. Surtout quand t'es la mariée, ajoute Chanda.
- Dites-moi que c'est pas vrai. Les filles. Hashtag Run or Die, c'est ce soir. Et si on y allait? questionne Soraya.
- Oh merde! J'avais complètement oublié avec tous les tracas du mariage, s'injure Chanda.
- Mon frère y participe cette année.
- Ah bon? Il s'en est remis de sa fracture ?
- Une belle fracture, souffle d'aise Jodie.
- Ouais. Ça a pris du temps mais il est au top actuellement, assure Stella.
- Alors?
- C'est ma soirée les filles.
- On sait, bibiche. Tu crois que les femmes mariées peuvent se rendre à des courses illégales de voiture où les keufs peuvent débarquer à n'importe quel moment et où le risque de kidnapping ou de viol est fortement élevé? demande mesquinement Stella.
- Ah, t'as absolument raison, approuve Jodie. Pas toi, petite sœur ?
- Tout ce que je vais regretter, c'est de ne plus m'envoyer en l'air avec un bel inconnu qui me lance des sex appeals, réplique Chanda, en riant.
- Chouette! explose Soraya. Limite, tu sais que ces genres de courses se transforment très vite en party, et que ces genres de fêtes dérapent très souvent en plan cul ou j'exagère, en orgie. Alors, on y va ?
- Je doute, grimace Chanda. T'en dis quoi, Venus ?