iii. Je la veux...

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Venus

Mes yeux cherchent un point de contact, un quelconque lien en rapport avec ma mère. Et comme une trentaine de fois avant, je ne trouve rien. Agostina me sert un dessert. D'après ce qu'elle m'a dit, un repas équilibré se termine toujours par un dessert. J'avoue, je ne le savais pas. J'ai toujours vécu dans l'ignorance. Ce doit sans doute être à cause de cela. Me voyant renifler l'étrange nourriture, elle s'esclaffe.
- Et ça, c'est un tiramisu.
- Tiramisu, je répète tout bas.
- Goûte! m'encourage-t-elle.

Je saisis la cuillère en hésitant. Je la plonge ensuite dans le dessert moelleux et je l'engloutis. C'est absolument délicieux. Je n'ai jamais goûté à une telle chose auparavant. J'ouvre grand les yeux, stupéfaite par la plaisir gustatif que je viens d'éprouver.
- Alors, ça t'a plu? m'interroge Agostina.

J'hoche énergiquement la tête. Elle me sourit.
- Ravie de la savoir.

Une fois mon dessert terminé, le vieil homme de tout à l'heure nous a rejointes.
- Venus dormira dans la chambre d'invités, prévient-il Agostina.
- D'accord, père Tommaso, dit-elle.

Le prêtre s'avance vers moi et me reluque intensément.
- Pauvre petite. Si seulement je l'avais su plus tôt...

En prononçant ces quelques mots, il ressort de la cuisine. Les douces mains d'Agostina se posent sur mes épaules et elle m'invite à la suivre. Nous empruntons des marches puis parvenons à l'étage. Une porte d'au moins dix pieds s'ouvre sous mes yeux et un sentiment d'ahurissement me comble lorsque je découvre la chambre décorée avec beaucoup de goût. Elle n'a rien à voir avec ma conception de chambre. On dirait presque c'est irréel. Tout était trop grand pour une seule personne. Je regarde Agostina et elle me glisse un sourire de connivence.
- Mère viendra-t-elle? je lui demande.

En gardant son même sourire, elle approuve sur un hochement de tête.
- Elle passera demain si elle a du temps, ajoute-t-elle.

Un sourire naît sur le coin de mes lèvres et je pénètre dans la chambre. Agostina m'indique qu'il y a des habits de rechange derrière les portes blanches au cas où je voudrais prendre un bain. J'acquiesce. Elle se retire au bout de quelques minutes après m'avoir souhaitée une agréable nuit. J'observe autour de moi et j'ai l'impression de vivre un rêve. Je me jette sur le gigantesque lit. Il est super comfortable. Je me tortille sur les draps et en une fraction de seconde, Morphée réussit à m'assommer.

Des rayons de soleil irradient par les grandes fenêtres de la chambre. Le chant des oiseaux précipite mon réveil. J'ai toujours voulu les contempler à l'œuvre. C'est alors que je me lève mollement du lit et me dirige vers la fenêtre. Deux oiselets y sont perchés. Je les observe avec admiration. Ils se lassent ensuite et prennent leur envol. Mes yeux tombent sur un énorme espace. Il n'y a pas d'herbe. Juste de la terre dure et des sortes de grosses pierres incrustées dans le sol. Des personnes bougent dans tous les sens. On aurait presque dit une fourmilière. Un jeune homme lève la tête vers ma fenêtre. Nos regards se croisent. Il me sourit. Je me retire instantanément. Pourquoi m'a-t-il regardée puis souri? Je le trouve très bizarre.

Je me retourne. Je vais ouvrir les battants de la porte dont Agostina m'avait parlée la veille. J'explore l'endroit qui est quasi-vide. Il y a encore des habits d'hommes et de femmes qui traînent. J'effleure des doigts les vêtements. Ils sont doux au toucher. Je choisis une robe ovale à bretelles et je pense qu'elle m'ira. Je sors de cette pièce immense et prend le soin de déposer la tenue sur le lit. Je retire mes souliers noirs usés. Après quoi, je découvre une énorme salle de bain où je prend une douche rapide. Mes cheveux sont toujours mouillés lorsque je vêts ma robe. Elle est verte et impeccable. Je range le bazar que j'ai orchestré dans la chambre et au moment de la quitter, je vois quelqu'un passer dans une sorte d'eau figée. Mon cœur manque une pompe et je recule d'un pas. Autour de moi, il n'y a personne. J'avance à pas feutrés. Et je vois encore l'inconnue se dessiner dans l'objet étrange. Je me rends compte qu'on a la même robe et les mêmes cheveux. Je touche l'objet avec réticence et sa froideur me fait frissonner. Tous mes faits et gestes y sont reproduits. C'est fascinant. Je n'ai jamais vu une telle chose auparavant. Était-ce là hier? Je n'avais vraiment fait attention à rien en vérité.
Tout à coup, quelqu'un vient frapper à la porte. Je sursaute puis m'empresse d'ouvrir. C'est Agostina. Elle est accompagnée d'un homme plutôt vétéran.
- Tu as bien dormi, ma petite? me sourit-elle radieusement.
Je lui rends son sourire.
- Oui.
- Alors, voici Monsieur Victorio. Il vient placer un miroir neuf dans la salle d'eau. Tu pourrais m'accompagner pendant ce temps? Le petit déjeuner est déjà servi.
- Un miroir? je murmure sans savoir de quoi elle parle.
- Oui, un miroir, se répète-t-elle.

La Belle et le DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant