vii. Destination Maurice!

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Venus

Neres est parti sans nous. Chanda n'a pas cessé de lui crier après, les mains chargées de nos différents achats. Les miennes aussi sont remplies. Et presque sur le point de lâcher. Mais, rien n'y fait. Sa voiture avait disparu au coin d'une ruelle. Perdue, je me tourne vers ma compagne et lui demande:
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant?
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant? répète-t-elle. J'appelle mon fiancé pour qu'il vienne nous chercher puis je vais defoncer la gueule à ce putain de Nene. Ne le prends pas mal hein mais il le mérite cet enfoiré.

J'hoche la tête, l'esprit léger et vagabond, séduite par la beauté des bâtiments autour de moi et les passants qui ne s'arrêtent pas. Tout est si simple et beau.
Chanda prend son mobile et téléphone quelqu'un, sans doute son fiancé. Nous retournons dans le magasin et, après une longue entente, un homme se pointe. Chanda commence à le gueuler.
- T'as mis plus de trente minutes à venir. Et me sors pas une excuse bidon du genre il y avait des embouteillages. Ici, il y en a rarement. Pas comme à Chicago, imbécile.
- Calme-toi bébé, s'approche-t-il de Chanda.

Cette dernière se met à lui donner des coups en plein torse. L'homme l'entoure de ses bras et la canalise. Il a des cheveux châtains qui ondulent sur sa tête, une barbe légère et des yeux cyan. Il est grand, fort et au teint halé.

- Je te détestes Alan! soupire-t-elle de lassitude.
- Tu le dis tout le temps, bébé.

Il lui dépose un bisou sur le front, tout comme ma mère avait l'habitude de me le faire. Suite à quoi, Chanda fixe son regard noisette sur moi.
- On y va? me sourit-elle.

Sur un hochement de tête, nous désertons très vite les lieux.

~~~

Neres

- Passe leur un dernier message de ma part.
- Je suis à l'écoute, fiston.
[...]

L'appel s'est clôturé sur de bonnes bases. Qui plus est exceptionnel vu qu'aucune de nos conversations ne s'était jamais terminée sans prise de tête. Je souris dans le vide avant de me refocaliser sur la paperasse éparpillée sur mon bureau. Je pioche un classeur. Il y est écrit en rouge sur blanc Ligne 701. Elle fait partie des lignes fantômes, comme le dit mon père. De celles qui, il fut un temps ont connu leur apogée et qui aujourd'hui ont perdu leur rayonnement. Lorsque j'ouvre le dossier, il est vide. Je fronce les sourcils en remarquant cela. Je fouille dans les papiers devant moi, espérant trouver des feuilles libres. Mais rien. Il n'y a absolument rien.
- Fais chier! je peste en renversant toute la paperasse par terre.

San Gimignano, Italie
Heure locale: 13h13

Ranch des Castelli

- Les filles! hurle pour la quatrième fois Georgio, une valise à ses pieds.
- On arrive papa, lance Cérès depuis l'étage.
- Minerva! reprend Mr Castelli afin de s'assurer qu'elle ne manquerait pas à l'appel.

En effet, c'est la première fois que la famille Castelli part en vacances. Et devinez où? Sur les côtes chaudes et paradisiaques de l'île Maurice. Ce fut des mois de sacrifices pour Georgio, des argents de poches auxquels étaient soustraites des participations pour les deux filles et des heures supplémentaires à la clinique vétérinaire pour la mère de famille. Résultat : ils sont parvenus à se payer des billets en classe économique et trouvé un hôtel trois étoiles pas cher où séjourner durant leurs trois semaines hors des terres italiennes. Ils sont tous surexcités. Enfin, presque. Dina a toujours l'estomac froissé depuis la mystérieuse disparition de Giada. Elle n'arrive plus à faire de ses nuits un temple de Morphée mais plutôt un désert aride et ardent où consument les dunes de ses remords, ses angoisses et ses traumatismes. Bien que Georgio ait tenté de la rassurer à maintes reprises, elle n'a pu penser à rien d'autre ces deux derniers jours. Si ce n'est elle.
- Prems! dévale les escaliers Minerva qui a du mal à transporter sa grosse valise rose.
- Laisse moi t'aider ma puce, rigole son père en lui prenant sa valise.
- Merci p'pa!
- Tu peux aussi m'aider papa? dit Cérès entre deux souffles.
- Allez, ta valise championne!

Il saisit sans effort la valise noire de sa fille. Sur le point d'aller ranger les sacs de voyages dans la voiture, il demande aux deux ados d'aller chercher leur mère.
- Je suis là, se présente Dina.
- Oh chérie! Un instant, je reviens.

Le père s'en va, laissant sa petite famille derrière lui.
- T'es renversante maman, complimente Minerva.
- Tu trouves, mon poussin? sourit-elle.
- Ouais, beaucoup.
- Par contre, t'as de grosses cernes, remarque Cérès.
- Euh...en fait j'ai passé une mauvaise nuit. Ça m'arrive parfois, grimace-t-elle avant de changer de sujet. Vous avez hâte d'y être, j'imagine?
- T'as pas idée, réplique Cérès.
- Et moi, je suis prête depuis des mois à sortir mon plus bel anglais. Hello. How are you? Ou encore mon français qui déchire grave. (Texte supposé être en français)* Bonjour, moi c'est Minerva. J'ai 16 ans et j'aime les cacahuètes.
- Wouh chérie, où t'as appris tout ça toi? débarque Georgio.
- Papa, aujourd'hui y a des sites en ligne et genre un tas d'applications pour ça, lève-t-elle les bras. Hé ho! La terre appelle un dinosaure depuis l'ère des NTIC.

Elle balance sa main devant le visage de son père qui s'esclaffe.
- C'est pas gentil, Mini, se vexe Dina.
- T'en fais pas maman. Elle le pense pas.

Cérès dépose son menton sur l'épaule de sa mère qui lui caresse doucement la tête.
- On attend quoi pour y aller? s'émoustille Mr Castelli.
- Je suis déjà loin papa. Très loin! court Minerva hors de la maison.
- Attends moi Mini, la suit sa sœur.

Le couple observe les deux filles partir, heureuses d'aller en vacances. Georgio jette un coup d'œil absent à son épouse dont la mine se décomposait à nouveau. Il lui passe le bras par dessus l'épaule.
- N'y pense plus trop chérie. Tu vois nos filles, elles sont épanouies aujourd'hui. On part en vacances tu t'imagines?
- Oui, tu as raison, acquiesce-t-elle faiblement.
- Et moi, j'ai hâte de redécouvrir ton corps sur le sable chaud comme pour notre première fois, la taquine Mr Castelli.
- Et moi, j'ai hâte de te faire perdre tout espoir que ça se reproduise, le nargue-t-elle d'un sourire mesquin avant de rejoindre les filles qui commencent à s'impatienter.

Il la regarde s'éloigner, radieuse et est satisfait de son travail. Il réalise qu'il a fait le bon choix. Ce choix qui dure toute une vie — celui de l'être complémentaire qui égaie notre quotidien et à qui nous devons également bonheur et reconnaissance.

- Allez tu viens? l'interpelle Dina, à mi-chemin.

Sans mot et un simple sourire scotché à ses lèvres, M. Castelli part rejoindre les amours de sa vie.
- Papa, tu mets le turbo d'accord? engage Minerva, une fois dans le pickup.
- Allons Mini, rien ne presse, glousse Dina.
- Oh que si. J'ai envie de foutre le camp d'ici.
- C'est pas comme si tu ne reviendras plus à la maison, s'exaspère Cérès.
- Même si... Pitié, abandonnez-moi dans un orphelinat là-bas, S'il vous plaît. Siouplait. Siouplait. Siouplait! implore la fille cadette ses parents.
- Et c'est non. Fin de la discussion, marque Georgio.

Il repositionne le rétroviseur central de son Fiat Titano rouge et croise le regard contrarié de Minerva. Sans plus y prêter attention, il démarra le véhicule.

La Belle et le DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant