lix. Dancing with a stranger

12 3 0
                                    


Neres

Je suis un connard.
Je ne suis pas digne d'elle.
Je ne mérite même pas qu'elle m'accorde cette danse.

Et pourtant, elle l'a fait. Pour une raison que j'ignore, ma Venus m'a donné sa main. Elle sent affreusement bon. Sans compter son corps de muse, ses lèvres colorées de rouge sombre invitent les miennes. Mais, ce n'est pas le moment adéquat.

Je pénètre ses prunelles luisantes encore de candeur. Rien n'est plus époustouflant que son visage en face du mien. Nous tournoyons sur la piste de glace de même que les autres duos, flexibles, majestueux, phénoménaux.
- Tu es...
- Assoiffée. J'ai envie de boire de l'eau, me coupe-t-elle brutalement.
- J'allais dire...

Au même moment, nous changeons de partenaires. Je pousse un juron en côtoyant une brune. Je me rends vite compte qu'elle est un moulin à paroles.
- Vous êtes wow...oh mon Dieu!

Je ne daigne pas lui accorder la moindre attention tandis que mon regard s'ancre sur ma Venus, aux bras d'un autre. Il lui sourit. Qui diable est cet imbécile?
- Je suis célibataire et vous ?
- J'adore étrangler les célibataires idiotes.

La mine scandalisée de la jeune femme cède place à une autre demoiselle, moins verbeuse qu'elle. Nos pieds récitent des incantations qui se métamorphosent en pas mesurés à divers temps. Enfin, je retrouve ma Venus.
- Envoûtante, j'allais dire, je rétablis la conversation.

Son mutisme creuse mes tripes et je me sens soudain ridicule.
- Si ça peut te soulager, je le savais déjà. On me l'a répété un millier de fois ce soir.

Je maudis toutes ces personnes qui l'ont fait avant moi. Je me maudis encore plus de baisser autant ma garde. Je la tourne brusquement puis ramène son corps près du mien. Sa chaleur étouffe mes ardeurs et me remémore notre conversation de la veille. Mon cœur s'emballe au même rythme qu'une musique country. J'entends ses battements me percer les tympans.
- Crois-moi, ma Venus, je n'accepte uniquement que tes caprices. Sinon, il suffit juste de me fixer dans les yeux pour que je sois la première chose dont on témoigne en enfer.
- Devrais-je m'en réjouir?
- À moins que tu veuilles que je te démolisse.
- Au niveau où nous en sommes, se détache-t-elle de moi avant de passer son bras par dessus mon épaule, même la mort ne m'effraie plus. Tu pourras toujours venir me chercher quand j'en aurai marre de paître en enfer. Sauf erreur de ma part, tu en es bien le roi. Ou aurais-je tort?

Un rictus me traverse les lèvres avant que je ne reprenne :
- Ta grandeur d'esprit m'épate de plus en plus.
- On m'a dite une fois que les narcissiques sont tellement obnubilés par leur propre personne qu'ils ne parviennent pas à s'adapter à l'évolution du monde. Qui plus encore, au développement de leur entourage.
- Du Gail tout craché, je peste. Devrais-je alors croire que je suis narcissique?
- Tu as le libre choix.

Ma Venus se laisse choir dans le creux de mon bras.
- Si j'étais aussi aveuglé par ma personne que tu le prétends, je ne t'aurais jamais remarquée, je lui confesse du tac au tac.

Elle se redresse naturellement. Son bras suspendu dans l'air me sert de point d'inertie. Je gravite autour d'elle. Bien que nous soyons nombreux sur la piste, je ne vois nulle autre à part elle. Elle m'a ensorcelé.
- Tu m'as avoué plusieurs choses, me renvoie-t-elle.

C'est à son tour d'effectuer une ronde autour de mon corps, raid et plié à son toucher dévastateur. Ses doigts se déplacent lentement sur mon buste, éveillant tous mes sens ainsi que mes désirs d'une manière violente et irrépressible.
- Mais jamais tu ne m'as dite en termes clairs que tu m'aimais.

Lorsqu'elle réapparaît devant moi, mon souffle s'interrompt pour s'appesantit par la suite.
- J'ai pourtant été très explicite, ma Venus.
- Mais tu m'as mentie. Tout ce qui s'était passé dans cet endroit...n'est pour moi qu'un mauvais souvenir.
- Alors là, tu m'offenses, j'articule, sardonique.

Nous orbitons, nos mains accrochées l'une à l'autre, tendues et divergentes telles les pôles d'une boussole. À défaut qu'ici, je n'ai plus du tout mes repères. En tout cas, pas sous l'inquisition de ses yeux d'ange.
- Tu n'as droit qu'à trois mots. M'aimes-tu?

L'adrénaline déferle avec impétuosité dans mes veines qui se contractent encore et encore si bien qu'elles pourraient éclater à tout instant. Mes cordes vocales s'enchevêtrent dans mon larynx pour n'occasionner qu'une montée en force de mon orgueil. Pourquoi je manque tout à coup de saillie? Pourquoi ne suis-je pas en mesure de soupeser mes sentiments pour en faire une phrase correcte de trois vulgaires mots? Est-ce réellement nécessaire de le dire? Les actions valent mieux que les mots. Par conséquent, que fous-je bordel à la guigner de la sorte? Terrible inaction.
- Tu m'appartiens, je déclare sans réfléchir.
- Je me répète. M'aimes-tu? réitère-t-elle en arborant un ton sérieux.
- Je te désire.

Ma Venus me détaille, je suppose à court de pique. Les sonorités des instruments s'éteignent à mesure que la considération de mon Aphrodite romaine tenue à mon égard.

Fais pas tout foirer, crétin!

La Belle et le DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant