VenusChanda et moi sommes arrivées depuis un moment à la maison. Son fiancé est parti dès qu'il nous a déposées. Et apparemment, Neres n'est pas là. Elle a donc jugé bon de passer le reste de la journée avec moi. Je la guide et, en empruntant le même chemin que ce matin, nous sommes parvenues à la chambre où j'ai dormi. Nous avons rangé les achats dans la pièce étroite où il y a des tiges de bois supendus. Chanda a appelé l'endroit dressing. J'ai tout de suite mémorisé le mot. En rangeant les affaires, elle me pose des questions.
- Vous vous êtes rencontrés lors de son escapade à Toscane? ferme-t-elle une boîte à bijoux.Je la fixe, sans aucune réponse à sa question.
- T'es timide c'est ça? rigole-t-elle.
- Euh...non...juste j...je ne sais pas de quoi tu parles.
- Allez, ne fais pas l'innocente, insiste-t-elle.Silencieuse, je continue à m'appliquer à la tâche, tout comme j'ai vu Chanda le faire. Elle était loin de s'avouer vaincue.
- Tu ne veux vraiment pas me dire où vous vous êtes rencontrés avec Neres?Elle a les yeux plissés et rabattus sur moi. Une gêne soudaine m'emplit.
- En Italie, je crois, j'hésite à dire.
- Tu crois?
- Hmm.
- Et vous sortez ensemble depuis combien de temps? Deux semaines? Trois mois? Ou peut-être un an? Passe-moi le cintre, désigne-t-elle du doigt, du haut d'un marche pied.Je le lui passe et elle me gratifie.
- Alors? poursuit-elle.
- On ne sort pas ensemble.
- Ouais c'est ça. Et moi ma mamie c'est Michelle Obama. Laisse tomber. T'es plutôt une dure à cuire toi tu sais?
Elle me détaille en souriant malicieusement. Tout à coup, elle bondit sur moi et me chatouille de toutes parts.
- Alors, tu vas me dire la vérité petite coquine?Ses doigts ont le don de m'ôter des rires francs. Elle ne s'arrête pas jusqu'à ce que nous nous extirpions du dressing et que mon dos ne heurte les draps moelleux du matelas. Son corps, à califourchon, surplombe le mien, et j'ai péniblement mal aux joues à force de rire autant. Elle s'arrête un instant.
- Maintenant jeune padawan, raconte moi tout. À commencer par le jour où vous vous êtes jetés le premier regard.
- Je ne sais pas de quoi tu parles.
- Tu veux que je continue? se remet-elle à me chatouiller.
- Ar...rêt...te s'il te plaît! je la supplie, les larmes aux yeux.
- Regarde moi dans les yeux et redis moi que tu ne sais pas de quoi je parle.
- Je ne sais pas de quoi tu parles, je redis sur un ton plus sérieux.Nos regards sont liés et je vois l'expression faciale de Chanda changer.
- Oh punaise! s'exclame-t-elle. Il t'a enlevée?Elle bascule de l'autre côté du lit et porte ses mains à sa bouche grande ouverte. Ses yeux sont écarquillés et ils me dévisagent pendant que je me redresse. Pour répondre à son interrogation, je secoue la tête puis je la hoche. En réalité, le père Tommaso m'a contrainte de suivre son neveu sous prétexte que je serais en sécurité hors de l'Italie. Il disait aussi qu'ici, plus personne ne me gâchera la vie et qu'il confiait ma protection à Neres. Même si je lisais tout le contraire dans ses yeux, il m'avait assurée que c'était pour mon bien et que ma mère viendrait me rendre visite dès qu'elle le pourra. J'ai donc accordé ma confiance. Il n'avait pas l'air d'être une méchante personne.
- Alors, c'est oui ou c'est non ? me demande-t-elle, perplexe.
- Non, je souffle. Il doit juste veiller sur moi.
- Tu délires j'espère ? glousse-t-elle. Ce démon doit veiller sur toi?Elle ne cesse pas de se moquer. Ma frustration et mon incompréhension se décuplent.
- Nene De Savon est un putain de narcissique, ma jolie. Il voit pas plus loin que le bout de son nez. Et j't'assure que même si tu es en train de crever à ses pieds, il te verra pas. Ah ça, je t'en donne ma parole.
- Alors...il est méchant?
- Ce mot serait un euphémisme, se lève-t-elle brusquement.Je l'observe se diriger vers la grande vitre et la pousser vers la droite. Je suis ahurie de voir toute la facilité dont elle a fait preuve pour l'ouvrir. Elle s'arrête devant une bordure en verre et respire profondément. Je la rejoins.
- J'ai passé trois ans sur cette île, avoue-t-elle. Trois ans. Et il y a deux ans seulement, j'ai appris que j'avais un voisin. Neres. Je n'avais jamais remarqué que la propriété à côté de la maison de vacances de mes parents était habitée. Ah ça jamais, lui échappe un rire. C'était un beau matin, lors de mon footing que je l'ai croisé devant son portail. Je ne savais même pas que c'était lui. Je l'avais pris pour un agent de sécurité. En même temps, j'avoue que j'étais conne. Qui pouvait s'trimballer un minois d'manneqjin et se coltiner un job pareil? Un autre jour, je l'ai croisé au même endroit. Il revenait d'une marche je crois. Je promenais Phiphi enfin, Philadelphie, ma chienne et elle a crotté à ses pieds, juste devant son putain de portail.Elle s'arrête et un sourire transcende ses lèvres pimpantes. Je regarde la piscine et les longues chaises qui sont à proximité. Plus bas, un lit balinais se dresse entre des pots de palmiers et fait face à la mer. L'endroit est absolument magnifique. Des escaliers couleur sarcelle désordonnés descendent jusqu'à un bateau fascinant. Il flotte sur l'eau et plusieurs mouettes rôdent autour. Le vent soulève mes cheveux et je vibre de plaisir. Que c'est apaisant !
Chanda continue:
- Et tous les matins, à force de se croiser et avec un peu de persévérance, lorsque je lui ai adressé la parole une dix-septième fois, il m'a répondue. Depuis ce jour, je ne l'ai plus lâché. Il faut croire que c'est une vraie tête de mule et un peu psychopathe sur les bords.Je ne dis rien. Je fixe un point imaginaire dans le vide, dans l'attente qu'elle reprenne son discours.
- Un burger te donnerait envie?Elle me regarde et j'acquiesce. Quoique, je finis par lui demander ce qu'est un burger.
- Dis moi que t'es pas sérieuse? ouvre-t-elle grand les yeux.Elle le comprend à la manière dont je la dévisage.
- Dis moi, tu sais ce que c'est des sushis?Je secoue la tête.
- Des gyozas? Des bubble tea? Des chips?
- Non.
- Ok ma belle. Il y a un tas de choses que je dois t'apprendre. Demande moi tout ce que tu veux. Sensei Chanda te répondra!~~~
Heure locale : 18h55
Chanda et moi sommes assises au bord de la piscine, sur le parquet stratifié. La paix au cœur, nous admirons le coucher de soleil. Les étincelles suaves de la boule de feu déteignent ma peau qui prend une teinte orangée. Mes pieds balancent dans l'eau, tout comme ceux de ma compagne qui n'arrête pas de m'apprendre une tonne de choses.
- Oh! Et à défaut de dire macaroni au fromage, tu peux juste dire mac and cheese.
- J'aime bien mac and cheese.La sentant m'épier, je plonge mon regard dans le sien. Elle me jette de l'eau au visage.
- J'adore trop ton innocence, me sourit-elle.Je suis encore sous le choc et mes yeux sont rivés sur le haut tricoté qu'elle m'avait forcée à mettre avec un short. D'après elle, ma robe ne faisait pas trop été.
- Allez, ça va sécher. T'en fais pas, me rassure Chanda.Un grand soupir m'échappe et mes muscles se détendent. L'air marin s'abat sur mon visage et mes yeux ne peuvent pas supporter sa puissance. Le bruit de l'océan en houle m'apaise et me revigore de toutes mes pensées ténébreuses. Je ferme les yeux et je respire profondément. Une vague de chaleur m'envahit soudain. Ce sont les bras de Chanda. Sa tête est sur mon épaule.
- J'ai passé une agréable journée, souffle-t-elle contre ma peau en fermant les yeux.Je l'observe. Mine de rien, elle est plus belle que ce matin. Je marmonne:
- Moi aussi.Ensuite, mon regard embrasse timidement le ciel vermeil et lumineux.
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La Belle et le Démon
RomanceLa fortune n'existe pas. Seules l'évidence et la logique sont réelles. Si deux droites se croisent, l'unique explication s'avère que tout était prémédité. Et si deux...