Chapitre 2 : Olympe [corrigé]

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Malgré tous mes efforts, Oliver Zacharo n'a pas survécu. J'avais pourtant réussi à repousser mes démons et m'étais faite à l'idée que j'allais sauver la vie de cet être ignoble. Les soins que je lui ai prodigués m'ont vidée du peu d'énergie qu'il me restait suite à mon avortement. Je ne rêve que d'une chose : me coucher sur ce qui me sert de lit et dormir à poings fermés.

Mon repos va devoir attendre, car, à présent que mon maître est mort, son empire sucrier est dans une position instable. Il n'a aucun héritier, que ce soit avec les femmes de son harem ou avec son épouse. Cette dernière me fusille du regard et s'approche de moi à grands pas.

— Vous n'êtes qu'une incapable ! siffle-t-elle en agrippant ma robe d'esclave pour me forcer à me relever.

Je ne proteste pas et, les mains sales à force d'avoir touché le pus et le sang qui s'échappaient des plaies béantes de Zacharo, je la laisse me traîner jusqu'à la sortie de sa maison. C'est humiliant, mais que puis-je faire d'autre ? Elle m'ignorera si je la supplie de me lâcher. Et si je me débats, les hauts gradés me roueront de coups. Pour en avoir reçu plusieurs quand j'ai été achetée, je préfère ne pas me rebeller...

Une fois à l'extérieur, la maîtresse des lieux s'arrête et me jette au bas des marches. Je m'écroule sur le sol, aux pieds de mes compagnons d'infortune qui me regardent avec des yeux ronds. Un râle s'échappe d'entre mes lèvres et je porte ma main à mon dos douloureux. Phényo s'approche de moi et m'aide à me relever.

— Oliver Zacharo, commence la nouvelle propriétaire de l'empire sucrier, est décédé.

Un murmure parcourt l'assemblée et, malgré la souffrance qui cavale sur ma colonne vertébrale, je me force à l'observer. Elle a remis son masque d'indifférence pour nous faire face et, lorsqu'elle pose son regard sur moi, je peux y lire tout le dédain qu'elle ressent à mon égard.

— Il va y avoir une nouvelle organisation dans l'empire sucrier. Tous les esclaves qui veulent partir le peuvent. Je vous y autorise.

Puis elle tourne les talons et s'engouffre dans les profondeurs de son manoir. Les hauts gradés referment dans son dos, nous laissant seuls devant le parvis. Le silence règne sur notre assemblée.

— Qu'est-ce qu'on va devenir ? souffle une femme âgée.

D'autres questions s'élèvent de notre groupe. Et je suis d'accord avec pratiquement toutes. Après tout, où des esclaves peuvent aller ? Où des personnes qui se considèrent comme du bétail peuvent s'installer ? Où des êtres déshumanisés par leurs congénères pourraient redevenir ceux qu'ils étaient auparavant ?

L'incompréhension et la peur prennent peu à peu racine dans le cœur de mes camarades. Et dans le mien aussi. J'ai tout perdu quand j'ai été enlevée par les esclavagistes. Ma famille, ma ferme et mon humanité. Si je retrouve ma liberté du jour au lendemain, que vais-je faire ?

Je jette un coup d'œil vers Phényo et la réponse m'apparaît telle une évidence. J'avais certes un travail, un endroit où me reposer chaque soir et de la nourriture. Mais le racisme et le harcèlement causés par ma proximité avec Zacharo m'ont bien fait comprendre une chose. Je ne suis pas à ma place ici. Et Phényo non plus. Lui aussi a subi les mêmes sévices de la part des autres esclaves depuis son arrivée dans l'empire sucrier. Nous nous sommes promis de nous enfuir dès que l'occasion se présenterait.

Et le moment est venu.

Phényo se met en marche vers notre baraque, un bras sous mes épaules. Nous rassemblons nos maigres affaires, puis retrouvons le groupe qui a décidé de faire comme nous. Même si je ne suis pas au meilleur de ma forme, j'ai réussi à récupérer un peu de ma nuit blanche. Phényo n'a plus besoin de me soutenir et nous nous hâtons de rejoindre le couvert de la forêt attenante à l'empire sucrier. Nous devons nous faire discrets, car les marchands d'esclaves et les forces de l'ordre se lanceront rapidement à nos trousses. Et cela malgré la promesse de liberté que nous a faite l'épouse de notre défunt maître. Après tout, elle pourrait très bien revenir sur ses paroles et nous accuser de mentir... Il n'y a aucune preuve écrite de ce qu'elle nous a dit et ses mots ont plus de poids que les nôtres.

Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant