Chapitre 9 : Olympe [corrigé]

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Seuls mes bruits de mastication résonnent dans l'habitacle. Nous observons chacun le paysage par nos fenêtres respectives. Tout est blanc, immaculé. Même les arbres. Leurs branches sont recouvertes de neige et ploient sous son poids. Des rires me parviennent et j'aperçois des marmots qui courent sur le sentier. Ils s'arrêtent brusquement, glissent sur plusieurs mètres avant de tomber ou de reprendre leur jeu. Je souris en les voyant faire. Si mon enfance s'était déroulée dans cette région, mes frères et moi aurions certainement fait de même.

J'ignore combien de temps défile avant que la calèche quitte la grand-route pour s'engager dans une allée plus étroite et moins praticable. Les arbres se resserrent et donnent l'impression que le soleil s'est couché. Un frisson d'angoisse remonte le long de mon échine. Une goutte de sueur serpente sur mon dos alors que je revois le soir de mon enlèvement. Il faisait nuit noire quand maman et moi sommes rentrées du marché. J'avais eu ce sentiment horrible d'être suivie, épiée tout le long du chemin, mais je n'avais rien dit de peur que ma mère ne me croie pas. Pourquoi l'aurait-elle fait ? Personne ne venait jamais nous rendre visite, surtout avec l'arrivée du crépuscule.

— Nous y sommes, retentit la voix de Vladimir, m'extirpant de mes souvenirs.

Je remarque en effet que la calèche s'est arrêtée. La lumière est de retour et mon sauveur se lève. Il ouvre la portière, sort et s'étire. Il embrasse les alentours du regard et écarte grand les bras.

— Bienvenue chez moi !

Je tente de le rejoindre, mais mes jambes refusent de m'obéir. Vladimir se retourne et sursaute. Un air penaud s'esquisse sur son visage et il revient vers moi.

— Excusez-moi, j'avais oublié que vous ne pouviez pas vous déplacer.

J'acquiesce seulement et le laisse me porter. Son contact me met un peu mal à l'aise, mais pas autant que celui de Zacharo. Vladimir descend une nouvelle fois de la calèche et tourne sur lui-même pour que je puisse admirer son domaine. Nous nous trouvons sur une large esplanade avec plusieurs monticules, sans doute les emplacements de la végétation, et il emprunte un chemin pavé en direction d'un manoir gigantesque. Je retiens de justesse une exclamation impressionnée face à l'architecture du bâtiment. La façade est rythmée par de grandes fenêtres dont les montants sont gravés de volutes sculptées à même la pierre calcaire.

Vladimir gravit un escalier monumental en marbre avant de s'arrêter sur le perron fait dans le même matériau. Un homme à la haute carrure nous attend sur le seuil de la porte à double battant. Malgré la distance, je parviens à distinguer une chevelure mi-longue brune qui lui retombe sur les épaules. Ses yeux noisette, dont les reflets passent du vert au jaune selon la luminosité, me détaillent sans vergogne quand nous arrivons à ses côtés. Je déglutis et, au moment où je m'apprête à détourner le regard de son visage aux traits anguleux et aux lèvres pleines, il se concentre sur Vladimir et demande d'une voix grave :

— C'est elle, la protégée de Rose ?

— C'est exact. EO15, reprend-il à mon attention, voici Thomas, un ami de Rose.

Un petit rire moqueur dans lequel il me semble percevoir une pointe d'amertume s'échappe de la bouche du dénommé Thomas. Je ne relève pas et me contente de le saluer. Une bourrasque m'ébouriffe les cheveux et un frisson dévale ma colonne vertébrale. Vladimir ressert ses bras autour de moi avant de se précipiter vers le manoir. Il y pénètre sans hésitation et je manque de m'étouffer face à l'atmosphère qui je ressens une fois que nous sommes entrés. Il fait sombre, froid et tout me semble triste. Le carrelage sur lequel les pas de Vladimir résonnent est terne, les murs sont d'un blanc pâlichon et le plafond... Impossible de le voir. Il est si haut et la luminosité si basse qu'une sensation de vertige me prend aux tripes.

Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant