Blood & Flowers 1 - Olympe & Vladimir

Chapitre 3 : Olympe [corrigé]

Phényo vient de rendre son dernier souffle. J'ai envie de crier face à cette vérité, mais rien ne sort de ma bouche. C'est comme si mes cordes vocales étaient tranchées. Mes jambes flageolent et je peine à tenir debout devant la vision de son corps sans vie.

On était enfin libres ! Pourquoi le destin s'acharne sur nous de la sorte ? Pourquoi !

Le monstre grogne et un nouveau bruit de succion m'extirpe de mes réflexions. Une curiosité malsaine, morbide m'oblige à regarder la scène et je manque de vomir quand le loup géant retire ses crocs des chairs de Phényo. Du sang mêlé à de la salive dégouline le long de ses babines retroussées sur une dentition de poignards aiguisés. Ses yeux écarlates balayent les alentours avant de se poser sur moi et, alors que je pensais qu'il allait sauter sur moi, il plonge à nouveau sur mon défunt ami. Un hoquet de terreur m'échappe et, au moment où l'animal lui arrache un morceau de muscle, un haut-le-cœur me surprend. Mon repas remonte le long de mon œsophage, je m'écroule et recrache tout le contenu de mon estomac sur le sol gadouilleux de la forêt.

Pas le moins du monde dérangée par l'odeur et les bruits, la bête avale sa bouchée avant d'en reprendre une nouvelle. Nauséeuse, je déglutis et inspire pour me donner du courage. Il faut que je parte. Je ne veux pas que Phényo se soit sacrifié en vain. Je détourne les yeux de ce spectacle sanguinolent et trouve les ressources nécessaires pour me relever. Mes jambes tremblent toujours, mais l'énergie du désespoir leur permet de se mouvoir et de m'emmener loin de cette boucherie.

Je ne prends pas la peine d'être discrète. Le monstre derrière moi est bien trop occupé avec ce qu'il reste de mon ami pour me porter la moindre attention. La végétation qui m'entoure et le sol que je foule sont rendus flous par les larmes qui ne cessent de déborder de mes yeux. Pourquoi ai-je survécu ? Pourquoi moi et pas Phényo ? Pourquoi !

Je cours à en perdre haleine. Ces questions tournent dans ma tête et alimentent mon désarroi. À bout de souffle, à bout de forces, je m'arrête et inspire autant que je le peux. Ma trachée me brûle et un point de côté me cisaille le flanc. Mais je m'en moque, car tout est redevenu calme autour de moi. Je n'entends plus les grognements de la bête, ses bruits de mastication et de déglutition. Pas plus que les gouttes de sang de Phényo qui nourrissaient la terre sur laquelle il était allongé.

Je m'autorise à fondre en larmes. Pour de bon et sans retenue. J'ai perdu bien plus qu'un simple proche cette nuit. Phényo était à la fois mon ami, mon frère de cœur, mais aussi celui grâce à qui j'ai évité le pire...

Un aboiement retentit dans les premières lueurs de l'aube. Je me tais et écoute attentivement. Je peste, car les sons sont renvoyés en échos. J'inspire autant que je le peux et m'élance à toute allure entre les troncs. Je ne dois pas rester statique ou c'est le marché aux esclaves qui m'attend... Voire la ville des plaisirs au vu de mon passif.

Le bruit d'animal qui court retentit à mes côtés. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule et aperçois un chien squelettique. Sa langue pendouille dans le vent et ses oreilles tombantes trouées bougent au gré de ses foulées. Je déglutis quand je croise son regard fou et un jappement sur ma droite me fait sursauter. La meute m'a rattrapée.

Je cesse de courir, haletante, et tente de garder chaque canidé dans mon champ de vision. J'aimerais éviter qu'ils me sautent dessus et me réservent le même sort que celui de Phényo... Après tout, je ne suis pas du gibier. Mon père m'a toujours appris que, devant un chien, il ne faut jamais fuir. Si je le fais, la horde me prendra en chasse et je serais sa proie. Celle qu'elle doit mordre, blesser, déchiqueter. Celle à abattre.

Les molosses m'encerclent en grondant, les poils dressés sur leurs échines. Leurs crocs me rappellent ceux de la bête, mais en plus petits. Phényo est mort pour me permettre de m'enfuir et me voilà de nouveau acculée. Je suis privée de mes ailes tout ça parce que je n'ai pas fui plus tôt...