Chapitre 28 : Vladimir [corrigé]

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Malgré la distance que j'ai mise entre nous, les sanglots d'Olympe me parviennent. Mon cœur se comprime dans ma cage thoracique. J'ai envie de faire demi-tour pour la prendre dans mes bras et la consoler... L'avertissement d'Andreas me revient en mémoire comme un boomerang lancé à pleine vitesse : « tu t'en mordras les doigts ».

Ces mots tournent en boucle dans mon esprit et je surprends un mal de tête s'installer, comme si mon corps avait décidé de m'infliger une punition supplémentaire pour mon acte. Un nouveau soupir m'échappe et je repousse mentalement la douleur lancinante. Après de nombreux efforts, je parviens à m'en débarrasser et suis forcé de reconnaître qu'Andreas n'avait pas entièrement tort.

Olympe est abattue à cause de mon choix. Elle aurait dû mourir, c'était dans l'ordre des choses.

Pourtant, je me suis refusé à perdre mon amie. J'ai envie que le sourire que j'ai vu se dessiner la veille fleurisse à nouveau sur son visage. Je veux qu'elle rattrape toutes les heures passées à travailler dans les champs lorsqu'elle était esclave. Je désire qu'Olympe profite de la vie et qu'elle expérimente tout ce qu'un être humain peut faire pendant le temps qui lui est accordé avant qu'il ne retourne à la poussière.

Je soupire, désespéré, et me dirige vers ma chambre lorsque j'entends Thomas descendre les escaliers. Je le croise dans le hall et n'ose pas rencontrer son regard. Mais je sais parfaitement qu'il a compris la situation et le rôle qu'il a à jouer dans ce drame : Olympe refusait les événements et j'aimerais qu'il veille sur elle en attendant qu'elle daigne les accepter. Tout comme la relation qui se met doucement en place entre nous.

Soulagé qu'Olympe ne soit pas seule au rez-de-chaussée, je m'enferme dans mes appartements. Alors que je vais pour m'installer sur mon lit afin de réfléchir à tout ce qui s'est passé, j'ai l'impression que mon cœur est comprimé entre deux plaques de métal. Ma main se pose sur mon torse et s'agrippe à mes pectoraux. La douleur est intense et intenable. Je grogne face à tous les sentiments qui m'assaillent de toutes parts.

Mais d'où provient ce raz-de-marée émotionnel ? Et si c'était... Non, impossible ! Notre lien ne peut pas déjà être si fort... Et pourtant, toutes ces sensations qui hantent ma conscience et s'emparent petit à petit de moi au point de devenir une obsession appartiennent bel et bien à Olympe. Cette jeune femme meurtrie par une décision prise à son insu et qui a tant de conséquences sur sa vie d'humaine.

Alors que les mêmes pensées valsent encore et toujours en moi, pareilles à une musique entêtante et qui tourne en boucle, j'attrape ma tête à deux mains et tente d'endiguer ce flot d'émotions qui m'obnubile et me martyrise. Un cri de rage m'échappe sans que je ne puisse le maîtriser. Je vais devenir fou si tous les sentiments d'Olympe me harcèlent de cette manière jour et nuit.

Je ferme les yeux et me concentre sur les miens pour qu'ils reprennent le dessus sur celles d'Olympe. Elle ne se contrôle pas et ne doit même pas savoir que tout ce qu'elle ressent m'est transmis par l'intermédiaire des pensées.

Un deuxième hurlement de fureur sort de ma gorge. J'ai si mal à la tête... En plus, j'ai l'impression que mon esprit s'étiole petit à petit alors que les sentiments d'Olympe dominent dangereusement les miens. J'ai conscience que je risque de chavirer si jamais cela continue ainsi. Peut-être qu'il m'est possible de communiquer avec elle par la pensée ? Après tout, nous partageons bien nos émotions par le lien... Pourquoi ne pourrions-nous pas échanger ? J'ignore totalement comment m'y prendre, et encore moins si cela va marcher. Mais je n'ai pas grand-chose à perdre à l'heure actuelle. Je dois tenter le tout pour le tout afin de me sauver de la détresse d'Olympe.

— Olympe, appelé-je en priant les trois dieux, si tu m'entends, je t'en supplie, cesse de m'envoyer tous tes sentiments à la figure ! Je risque de m'y perdre si tu continues à ce rythme-là. Imagine simplement des barrières se mettre en place autour de ta conscience pour endiguer le flot de tes émotions. Ça nous isolera et nous empêchera de sombrer dans les pensées de l'autre. Je t'en conjure, Olympe, fais-le pour nous deux...

Je ne reçois aucune réponse de sa part. J'ignore si ça a fonctionné et m'apprête à retenter l'expérience, car l'orage continue de gronder dans ma tête. Mais je n'en ai pas le temps : les émotions qui tourbillonnent dans mon esprit telles une tornade commencent à s'apaiser. J'inspire une grande goulée d'air alors que je me sens à nouveau maître de moi-même. La tempête va decrescendo et Olympe semble s'éloigner de ma conscience. Mes barrières mentales s'empressent de se remettre en place et de se renforcer. La présence d'Olympe s'amenuise pour totalement disparaître. Les émotions que je ressens à présent sont les miennes, et celles de personne d'autre. Les sentiments que me transmet Olympe sans même s'en apercevoir se retirent, me laissant pantois et épuisé. Je respire fort, harassé par l'expérience que je viens de subir, et tombe comme une masse sur le lit sans même prendre le temps de me changer.

— Merci, Olympe, soupiré-je mentalement en pensant à la jeune femme.

Alors que son esprit m'impose l'image de ma protégée en compagnie de Thomas, je ferme les paupières. Je m'enferme dans mon monde sans lumière et sombre dans un sommeil profond et que j'espère réparateur.


Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant