Chapitre 10 : Vladimir [corrigé]

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Choqué par la réaction d'EO15, je cesse de la maintenir et elle s'enfuit de mon étreinte sans demander son reste. Ses jambes ne la portent pas loin, elle s'effondre sur la descente de lit et ne bouge plus d'un pouce.

Je demeure un instant sans rien dire, sans rien faire. Je me sens impuissant face au passé d'EO15. Un passé encore bien vif dans son esprit. Une fois un peu remis de mes émotions, je me lève et contourne la couche pour la rejoindre. Elle se recroqueville sur elle-même à mon approche, alors je m'immobilise. Je m'accroupis pour lui prouver que je ne lui veux aucun préjudice et l'observe en silence. Son regard émeraude semble perdu dans le vide tandis qu'elle s'enfonce dans les méandres de ses pensées. Ses souvenirs sont inscrits dans sa mémoire comme le matricule qu'elle m'a montré dans la calèche.

Cette femme est bousillée. Elle aura vraiment du mal à se remettre de ce qu'elle a subi.

Les paroles que je lui ai dites dans la voiture me reviennent en tête et je m'en veux instantanément. Comment ai-je pu lui affirmer haut et fort qu'elle pourrait reprendre son existence d'avant, comme si de rien n'était, dans sa région natale une fois qu'elle serait à nouveau sur pieds ? Comment ai-je pu ne pas me rendre compte du fossé énorme qui la sépare de cette guérison dont j'ai parlé ?

Qu'a-t-elle bien pu vivre pour être autant traumatisé par un lit ? Après tout, c'est un endroit où on a envie de retourner chaque nuit... Je me fige alors qu'une petite voix me rappelle qu'EO15 faisait partie du harem de Zacharo. Je bats des paupières pour chasser l'image qui se dessine peu à peu dans mon esprit. En vain.

Un viol...

Je ne peux m'empêcher de porter ma main à ma bouche alors que la réalité me saute à la gorge. Je pose mes yeux sur le corps inanimé d'EO15 et serre les dents.

Que t'est-il arrivé d'autre pour être brisée à ce point ? Qu'as-tu eu à endurer pour te considérer comme un objet, et non comme un être vivant ? Jusqu'où peut aller la cruauté humaine !

Je contracte les poings et sens mes ongles s'enfoncer dans mes paumes. Je fulmine à cause de tout ce qui a pu se produire. Je sais parfaitement que si je lui pose toutes les questions qui me viennent en tête, EO15 restera muette. Sans comprendre pourquoi, l'envie de l'aider à se remettre de tout l'enfer de son passé germe dans mon esprit. Il me faudra l'apprivoiser avant qu'elle accepte la main que j'ai décidé de lui tendre. Mais je suis patient. Et je lui laisserai tout le temps et l'espace dont elle aura besoin.

Fort de cette nouvelle détermination, je me lève et me dirige vers l'une des armoires de la pièce. J'en sors une couverture faite de fourrure et reviens vers ma protégée. Je la borde avec mille et une précautions avant de murmurer de ma voix la plus douce et rassurante :

— Ici, c'est ta chambre. C'est ton espace à toi. Personne n'y rentrera tant que tu n'en donneras pas l'autorisation. Donc, prends tes aises et, surtout, va à ton rythme. Je viendrai de temps à autre pour vérifier que tu te portes bien.

Je n'attends pas de réponse de sa part, me lève une nouvelle fois et tourne les talons non sans un dernier regard vers EO15. Je sors de la chambre et tombe nez à nez avec Thomas. Je ne suis pas surpris outre mesure : je l'ai entendu nous suivre lorsque j'ai emmené EO15 jusqu'ici et ne pas bouger d'un pouce. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi il a un tel intérêt pour elle. Je ferme la porte dans mon dos, croise les bras sur mon torse et toise mon ami :

— Interdiction d'entrer dans cette chambre sans sa permission. Tu feras passer le mot à Andreas, OK ?

Ma voix a été plus sévère que prévu, mais Thomas ne relève pas. Il se contente d'acquiescer. Satisfait, je le contourne et me dirige vers la bibliothèque. Je n'entends pas ses pas s'éloigner à son tour alors je jette un regard par-dessus mon épaule. Je me fige quand je le vois, la tête baissée et les yeux fermés, poser une main sur le battant en bois. Je m'apprête à l'interpeller, mais je n'en ai pas besoin : il se détourne et je peux lire sur son visage tous les remords qui l'assaillent et l'étouffent. Je fronce les sourcils et, alors que j'allais l'interroger, il s'enfuit à toutes jambes et quitte le manoir.

Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant