Chapitre 25 : Vladimir [corrigé]

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Le silence de la cuisine et le repas entamé que j'y ai laissé me font du bien après tout ce qui s'est passé. Hormis la princesse folle, Olympe est la première femme à laquelle j'ai affaire qui a autant de caractère. À cause de ma classe sociale, de ma présence à la cour lors de mes jeunes années et, à présent, aux soirées mondaines, je me suis souvent entretenu avec des personnes forgées dans un moule, au tempérament effacé, presque un peu bébête, et qui préfèrent se fier aux rumeurs qu'aux faits.

Je soupire en repensant à tout ce que je découvre depuis que je l'ai sortie de prison et aspire à grandes gorgées le sang. Son goût à la fois sucré et amer me rassure et me permet d'oublier pendant un instant tous mes problèmes. L'essence de la vie coule en moi au rythme de mes lampées. Je m'en veux toujours un peu de voler ces poches au centre hospitalier de notre région, mais c'est un mal pour un bien... C'est soit ça, soit je commets un meurtre. Et c'est hors de question !

Pendant que je me nourris aussi goulûment qu'un bébé au sein de sa mère, je sens ma force et ma vigueur revenir au grand galop. Je suis enfin en pleine forme et maître de mon corps. La soif de sang m'a poussé à agir impulsivement, à tout révéler à Olympe alors que je gardais mon passé bien enfermé à triple tour dans la cage de mes souvenirs. Je me déteste d'être faible à ce point. Toute ma rage et ma faim ressortent à chaque pression que j'inflige à cette pauvre poche qui n'a rien demandé. Jusqu'à ce que tout s'arrête.

Je l'éloigne de moi, la fixe alors qu'elle est recroquevillée sur elle-même et la balance à travers la cuisine. J'ai encore soif. Je veux continuer de boire et aspirer de cette substance qui est la seule chose que je peux assimiler. Et qui est devenue, avec le temps, ma drogue. Je balaye les alentours du regard et aperçois mes trois autres poches de sang qui m'attendent bien sagement sur la table à manger. Je m'y précipite comme la misère sur le pauvre monde, déchire l'embout de la plus proche et gronde de plaisir quand la première goutte touche mon palais.

Je déteste être vu quand je suis dans cet état. Alors que je ressemble plus à un monstre qu'à un être civilisé. Mes amis ont le tact et la gentillesse de me laisser m'isoler dans la cuisine le temps que ma transe passe. Au début de mon existence en tant qu'immortel, j'avais craché mon repas à de nombreuses reprises. Hier comme aujourd'hui, je hais ma condition à cause des crimes qu'elle me pousse à accomplir. Je tue pour manger, pour survivre. Je vis aux dépens des autres.

Les trois poches de sang finissent par être dans le même état que la première. Je reste immobile un moment avant d'aller jeter les contenants en peau de bête dans le feu dansant dans l'âtre. Je les observe flamber avec une fascination mêlée de crainte. Les flammes lèchent le cuir tanné et un frisson d'horreur hérisse les poils sur ma nuque alors que je m'identifie à elle. Je détourne les yeux de leur festin et tourne les talons pour ne plus avoir à affronter ce spectacle sanglant. Je me dirige vers l'évier et entreprends une toilette de chat. Il ne manquerait plus que quelqu'un me voit dans cet état !

Je me délecte de la sensation de l'eau qui sur mon visage et soupire d'aise. Je me sens libéré de toutes mes pensées négatives qui m'ont assailli lors de mon repas. Des hurlements me font bondir et la pression remonte d'un coup. Je me précipite dans le hall. Plus rien.

Alors que je baisse ma garde, les cris reprennent de plus belle et je me concentre pour en définir l'origine. Ils viennent de l'étage. Je gravis les marches quatre à quatre et, une fois sur le palier, j'écoute à nouveau avant de me diriger à grandes enjambées vers la chambre d'Olympe. Je tente d'ouvrir la porte, mais c'est fermé à clef... Ses appels à l'aide retentissent encore et encore. Ils sont à chaque fois ponctués de grognements. Je me fige quand je reconnais la voix de mon frère.

Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant