Chapitre 35 : Vladimir [corrigé]

23 4 0
                                    


La serre se retrouve plongée dans un lourd silence suite à la déclaration de Marius. Seules nos respirations l'interrompent et je ferme les poings, car la lueur amusée ne disparait pas des yeux de Marius, à la fois similaires et différents aux miens. J'en viens à le détester alors que l'unique raison qui le pousse à s'intéresser d'aussi près à Olympe était la proximité qui s'est établie entre nous... Comme tant d'années auparavant, mon frère veut me dérober ce que je tente de toucher du bout des doigts.

Le bonheur.

Mon bonheur !

Et protéger Olympe est l'objectif qui me permet de m'en rapprocher le plus en ce moment. Il est illusoire, mais il m'aide à tenir le cap dans ce monde plein de noirceur. Il est aussi éphémère qu'un battement d'ailes de papillon à cause de la courte espérance de vie de mon amie. Aussitôt morte de vieillesse, notre lien sera rompu et elle s'en ira rejoindre sa famille auprès du dieu Tharros.

Marius souhaite m'arracher ce bonheur que j'ai tant cherché et qui commence à peine à pointer le bout de son nez.

Le même scénario se répète, encore et encore. D'abord, mes jouets. Puis mes vêtements. Mes amis. Ma réputation. Mon existence. Et enfin la femme qui occupe mes pensées.

— Tu ne te lasseras donc jamais de cette rivalité à laquelle tu as donné naissance dès notre plus jeune âge ? Tu ne voudrais pas juste tourner la page et m'oublier une bonne fois pour toutes à présent que nous avons la possibilité de ne plus vivre l'un sur l'autre ?

Un rire moqueur s'échappe de la gorge de Marius tandis que mes paroles se répercutent sur les vitres. Il se plie en deux, une main sur le ventre comme si je venais de lui raconter une blague, et, quand il parvient enfin à reprendre son souffle, il me toise. Je me crispe en avisant la haine qui suinte par tous les pores de sa peau. C'est la même qu'auparavant...

— Tu as trop brillé aux yeux de nos géniteurs, Vladimir. Tu m'as trop fait d'ombre durant notre humanité... Ce monde est trop petit pour que nous y vivions tous les deux !

Un défi.

Une mise à mort.

Voilà ce que désire réellement Marius. Il veut annihiler la dernière famille qui lui reste. Me tuer moi, son frère de sang. Son demi-frère plus exactement. Celui que notre mère a le plus chouchouté et dont elle prenait le plus soin.

Marius n'a qu'un souhait : abattre la figure fraternelle que je représente à côté de laquelle il se sent si misérable et insignifiant. Et ainsi anéantir ce sentiment d'infériorité qu'il a depuis toujours.

Il est prêt à tout pour éteindre cette lumière braquée en permanence sur moi pour qu'elle l'éclaire lui. Lui, et personne d'autre.

Je serre les dents, car je n'ai nullement besoin de ce combat. Moi, je ne demande que cela : quitter la lueur des projecteurs pour sombrer encore et encore dans les ombres de l'anonymat. Mais ce n'est pas de cette manière que Marius voit mon plongeon vers les ténèbres. Pour lui, il n'y a que la mort. Si je ne suis pas abattu, jamais il ne pourra briller comme il le souhaite.

Je suis pareil à la lune dans le firmament. Beau, discret, mais particulièrement flamboyant.

Et lui, il n'est qu'une étoile. Joli, luisant, mais terriblement insignifiant.

L'étoile veut détrôner la lune dans le ciel nocturne pour être reconnue par ses semblables, jusqu'à ce qu'un trou noir l'engloutisse pour mettre un terme à son règne.

Il esquisse une foulée pour se rapprocher d'Olympe et un grondement bas s'échappe des profondeurs de ma gorge. Amusé par le tournant que prend la situation, Marius ne tient pas compte de mon avertissement et s'avance alors d'un autre pas. Puis d'un deuxième. Et comme jamais deux sans trois, il en fait un de plus. Celui de trop pour moi.

Il n'est qu'à quelques centimètres de moi et je me jette sur lui avant qu'il ne puisse en faire un nouveau. Désarçonné par mon soudain esprit de combativité, Marius encaisse mal le coup et s'écrase sur la fenêtre opposée. Elle ne cède pas sous son poids et il s'avachit face contre terre. Il relève la tête, sonné, et me cherche du regard. Ses yeux à présent rouges, de colère et de soif, rencontrent les miens alors que je suis planté devant Olympe, droit comme un I. Il essaye de se remettre debout, mais s'empêtre les pieds dans un tas de feuilles empilées les unes sur les autres. Il reprend son équilibre grâce à quelques bonds maladroits et je m'empresse d'asséner des coups de poing sur son visage quand il arrive à ma hauteur. Je le cueille au ventre par un habile coup de pied, lui coupant la respiration, et l'attrape par le col avant de l'achever avec un direct du droit à la tempe. L'impact le projette à plusieurs mètres de nous et il s'effondre une nouvelle fois au sol, inconscient.

Je grince des dents face à mes actions. User de la violence me débecte, alors le faire contre mon frère... ma propre famille me hérisse d'autant plus les poils. Mais au vu de la menace qu'il représente, c'est un mal nécessaire. Que ce soit pour la sécurité d'Olympe, la mienne ou même celle de mes amis. Je soupire et me tourne vers Olympe, restée silencieuse jusqu'à présent. Je me heurte à ses iris émeraude tandis qu'elle me déshabille du regard. Je déglutis, intimidé d'être ainsi mis à nu. Elle s'approche doucement de moi, comme si elle tentait de ne pas m'effrayer, et tend les mains dans ma direction. Intrigué par son petit manège, je demeure immobile et elle saisit mes poings que j'ai fourrés dans les poches de mon pantalon de lin.

— Tu es blessé, me dit-elle alors que j'allais me dérober, car son contact me brûle. Laisse-moi te soigner.

— Ça aura cicatrisé d'ici une trentaine de minutes, murmuré-je, un brin gêné qu'elle ait remarqué les égratignures et l'entaille qui ornent mes phalanges.

— Tu m'as aidée, souffle-t-elle avec lassitude, je veux en faire de même...

Je soupire, agacé qu'elle insiste alors que mon corps peut se guérir seul.

Surtout que le combat n'est pas encore terminé, achève-t-elle par la pensée.


Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant