Chapitre 11 : Vladimir [corrigé]

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Du sang coule à flot. Des rires m'agressent les oreilles. Trois sources de lumière, une verte, une bleue et une rouge, surgissent. Des voix sévères retentissent. Et une douleur lancinante me fait hurler. Je pose une main sur mon cœur, serre les doigts le plus fort que je peux sur mes vêtements dans le but d'endiguer cette souffrance. En vain. Elle est toujours présente et ne donne pas l'impression de vouloir s'arrêter.

Je lève un regard affligé. Les trois lumières ont disparu et il ne reste que des corps traversés de spasmes étendus sur le sol. De l'écume dégouline des lèvres entrouvertes de mon frère et les yeux clairs de la princesse de Shuarachas fixent le vide. Tous deux sont vautrés sur l'autel où ils ont commis l'irréparable.

Un hurlement s'échappe de ma bouche alors que j'ai l'impression d'avoir du poison dans les veines. Je sens mon sang entrer en ébullition, ma gorge s'assécher et mon cœur ralentir. Ma fin est proche.

La lumière disparait petit à petit au profit des ténèbres. Bientôt, je ne maîtrise plus mon corps et m'écoule comme une masse sur le sol dallé. Je meurs !

*

*

*

Je me réveille en sursaut, la respiration haletante et la peau couverte d'une fine pellicule de transpiration. J'ai chaud et froid à la fois. Mon regard tombe sur mes draps de soie, les meubles de ma chambre et le paravent richement décoré. Je pousse un soupir de soulagement en comprenant où je suis.

— Encore ce cauchemar..., murmuré-je en enfonçant ma tête dans mes mains.

Mes longs cheveux blond platine, que j'ai lâchés avant d'aller me coucher, sont collés à mon dos et me dérangent.

— Impossible de me rendormir...

Je prends une grande inspiration pour me donner du courage et supprimer de ma mémoire ce mauvais rêve que je fais en alternance avec un autre. Une fois certain d'être en pleine possession de mes moyens, je me lève, me douche pour chasser tous les sentiments négatifs apportés par ce réveil et m'habille. En revenant dans ma chambre, je tire les rideaux de velours bordeaux et observe le paysage qui se déroule par-delà ma fenêtre. Tout est blanc, immaculé et parfait. Pas un endroit n'est dépourvu de neige et aucun animal n'est venu déposer ses empreintes dans le manteau qui recouvre le sol. Le soleil dépasse à peine la cime des hauts sapins qui entourent le manoir et je me surprends à esquisser un petit alors qu'il va bientôt être l'heure pour moi de préparer le petit-déjeuner d'EO15. C'est fou comme simplement penser à tout ce qu'elle m'a raconté la veille sur son passé, quand elle était libre et encore innocente, et au fait de prendre soin d'elle suffit à chasser mes visions d'horreur.

Je me détourne de la fenêtre et quitte ma suite après un dernier regard à la forêt de conifères. Je traverse le long couloir qui dessert les chambres de mes amis et la mienne, arrive sur le palier et descends les escaliers monumentaux qui mènent au hall. Une fois dans la cuisine, j'aperçois un bout de papier griffonné à côté d'un plat richement garni posé sur la table. Je m'en empare, suspectant déjà son auteur, et le lis.

« Je pense que tu n'as aucune idée de ce que ta petite protégée pourrait manger. Heureusement que je suis là... Apporte-lui ce que je lui ai préparé (ce sont les restes de notre repas d'hier soir avec Thomas) avec une grande carafe d'eau. N'oublie pas le verre...

PS : Je te rappelle comment on réchauffe les aliments sur le feu puisque tu ne le fais jamais. Tu prends une poêle, tu mets la nourriture dedans et tu utilises la chaleur résiduelle des braises. Une fois que c'est chaud, tu transvases tout dans l'assiette et le tour est joué. Fais attention à ne pas te brûler ! Pareil pour le repas : quand c'est cramé, c'est dégueulasse.

PS 2 : Pense à baiser mes pieds et à m'appeler « mon roi » la prochaine fois qu'on se verra.

Andreas »

Je ne peux m'empêcher de pouffer en avisant tout ce que mon second colocataire a réussi à faire tenir sur un bout de papier aussi petit. Son écriture, habituellement ronde, est minuscule comme des pattes de mouche. Combien de fois a-t-il dû recommencer pour que tout rentre ? Je me dirige vers la poubelle, l'ouvre et explose de rire en voyant la tonne de feuilles qui s'y trouve. Une fois remis de mes émotions, je remercie mentalement Andreas pour sa prévoyance et m'attelle à réchauffer les restes de la veille pour les apporter à EO15. Je sais qu'Andreas a fait exprès de cuisiner en trop pour elle et cela me touche beaucoup.

Une fois que les aliments me semblent être à une température correcte, je prends tout ce qu'il me faut, retourne sur mes pas et m'arrête devant la chambre d'EO15. J'inspire un grand coup, priant Sofia pour qu'EO15 accepte que je vienne à ses côtés et qu'elle ne se soit pas renfermée sur elle-même, avant de toquer à la porte.

— Oui ?

Un sourire ravi étire mes lèvres malgré moi quand sa voix me parvient. Elle est faible, mais beaucoup moins qu'hier. Je m'annonce et elle me donne la permission d'entrer. Je hausse les sourcils en apercevant sa silhouette se dessiner devant la fenêtre.

— Bonjour, EO15, la salué-je en m'approchant d'elle, plateau en main. Vous avez bien dormi ?

— Bonjour, maître, me répond-elle en se tournant vers moi et en s'inclinant. Oui, la chambre est on ne peut plus confortable.

— Pas de ça entre nous..., tiqué-je face au titre qu'elle m'octroie.

Un silence de plomb tombe entre nous et je grimace en pensant que j'aurais pu être plus délicat dans ma manière de m'exprimer. Pour m'empêcher de commettre une nouvelle bourde, je me contente de déposer son repas sur la table ronde en chêne qui se trouve proche de l'armoire. Quand je me tourne à nouveau vers EO15, l'une de ses mains tient son bras opposé et elle a baissé les yeux pour esquiver mon regard. Un peu comme si elle voulait éviter à tout prix que je ne m'énerve contre elle.

— Vous devriez manger avant que ça ne refroidisse, reprends-je alors qu'elle restait muette, sans doute dans l'attente d'un mot de ma part.

Elle acquiesce, toujours sans mot dire, et me rejoint. Je lui tire la chaise, l'invite à s'asseoir sous son air médusé, et méfiant, et l'aide à s'installer devant son plat. D'abord hésitante, elle cherche dans mes yeux une quelconque trace de supercherie avant de s'emparer de sa fourchette.

— Hm ! s'exclame-t-elle dès la première bouchée. C'est super bon !

J'étouffe un petit rire alors que son regard brille de mille feux et qu'elle reprend son repas.

— Je transmettrai au cuisinier !

— Vous en avez un ?

Son ton est méfiant et je m'empresse de rétablir la vérité.

— C'est Andreas qui se charge des fourneaux. Il adore ça !


Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant