Chapitre 12 : Olympe [corrigé]

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Je soupire sans bruit alors que mon maître me détrompe de manière indirecte. Je suis soulagée que ce ne soit pas un esclave qui se soit chargé de faire à manger. J'aurais été dégoûtée de manger un repas fait en exploitant un humain.

Je lève la tête vers Vladimir et m'aperçois que la morosité qui lui collait à la peau quand il est entré dans ma chambre s'envole au fur et à mesure qu'il me parle de son ami. Je souris discrètement alors qu'il s'emporte et me raconte toutes sortes d'anecdotes sur ses deux colocataires. Ça fait chaud au cœur d'entendre qu'une grande complicité semble les lier. Pourtant, j'en ressens une certaine jalousie. Moi aussi, j'aimerais avoir ce genre de relation avec quelqu'un. C'était le cas jusqu'à ma fuite de l'empire Zacharo...

— Vous avez fini ?

La voix douce de Vladimir me fait sursauter et je m'aperçois, qu'en effet, mon assiette est vide. Je ne me suis même pas rendue compte que j'avais tout englouti. Je n'ai pas pu déguster ce que l'on m'avait servi correctement... J'espère pouvoir manger un autre repas de la sorte. Peut-être que j'en demande trop ?

En proie à des sentiments négatifs, je me contente de hocher la tête et Vladimir me tend sa main. J'y dépose la mienne et il me guide jusqu'à une porte dérobée, derrière un paravent aux motifs floraux. Je hausse un sourcil, pas trop sûre de ses intentions.

— Il y a une salle d'eau, dit-il alors que je me crispe. Je me suis dit que vous voudriez sans doute prendre un bain...

Son ton prudent me fait comprendre qu'il a perçu l'angoisse qui commençait à m'étreindre et je le remercie intérieurement d'être autant à l'écoute avec moi. Surtout qu'il a raison : je ne me suis pas lavée depuis un bon moment et ma peau me gratte de partout ! Vladimir pousse le battant dont la sobriété et la couleur blanche se rapportent si bien à la décoration de la chambre qu'il en devient invisible.

— Ta dam ! s'écrit-il en alors que la pièce se dévoile et que je reste bouche bée face à sa magnificence. Vous serez la seule à l'utiliser puisque chaque suite possède ses propres sanitaires. Vous avez une baignoire dissimulée par le paravent, juste en face. Là, une armoire avec quelques vêtements basiques – des chandails, des pantalons, des pulls et du linge de corps –, ainsi que des serviettes. Ici, un lavabo avec des rangements où vous pourrez y trouver tout ce qu'il vous faut pour faire votre toilette et vous laver. Et, enfin, cachées derrière ce muret, il y a les latrines.

Il pointe chaque élément qu'il me désigne avant de me dévisager, comme s'il attendait un assentiment quant à cette pièce. Comme s'il voulait être sûr qu'elle me convienne...

— Cette salle de bain est splendide ! le rassuré-je en m'avançant pour l'explorer. Et tout est si grand ! C'est impressionnant ! Où se situe le puits, d'ailleurs ? Et la cuisine ?

Il fronce les sourcils, décontenancé par ma question.

— Le puits ? Et pourquoi la cuisine ?

— Pour que j'aille chercher de l'eau pour me laver et que je la fasse chauffer, lui réponds-je, la gorge nouée par la nervosité.

— Ah ! C'est inutile : vous avez juste à tourner le robinet comme ça, dit-il en me rejoignant derrière le paravent, puis à dévisser cet endroit et vous aurez de l'eau aussi chaude que vous désirez. Pensez à boucher le trou ici pour que la baignoire se remplisse.

— C'est relié directement à une source ? m'émerveillé-je en reproduisant les mouvements qu'il venait de faire.

— Pas tout à fait. On a construit un système avec les gars pour récupérer la neige, la faire fondre et la mettre à la température voulue.

— C'est super pratique ! m'exclamé-je, impressionnée par l'ingéniosité de ce système. Ça vous éviter de sortir par ce mauvais temps et vous faire mal au dos.

— Exact ! acquiesce-t-il tout sourire. Bon, je vais vous laisser. Je reste dans votre chambre au cas où vous auriez besoin de quelque chose.

Sur ces mots, il tourne les talons et quitte la pièce en fermant la porte derrière lui. Désormais seule, je m'autorise à souffler un grand coup. Je fais couler un peu d'eau dans la baignoire en respectant toutes les indications que m'a données Vladimir. Quand j'estime qu'elle est suffisamment remplie, je laisse tomber mon vêtement d'esclave au sol et entre dans mon bain. Je suis encore épatée par toute la place que j'ai : le bac chez mes parents était trois fois plus petit. Là, je pourrais m'allonger sans toucher les bords !

Mes deux vies d'esclaves sont vraiment très, très différentes... Zacharo n'aurait jamais fait ça pour nous, pas même pour les femmes de son harem ! Là, j'ai l'impression d'être... humaine. Que Vladimir me traite sur un pied d'égalité. Il me vouvoie, agit comme une personne civilisée et ne m'ordonne rien. Il me laisse libre de mes mouvements et de mes choix.

J'inspire profondément, un peu déboussolée face à tant de prévenance, et décide de me concentrer sur l'instant présent. Je m'empare d'un bloc qui sent la lavande et que je devine être du savon. Je souris en repensant à mes aïeuls quand ils en fabriquaient. Les dires de Vladimir me reviennent en mémoire et je me surprends à aspirer à les revoir un jour. Mon cœur bat la chamade rien qu'à cette idée !

Je secoue la tête pour chasser l'espoir qui commence à prendre racine en moi. Je ne dois pas escompter à ce genre de choses... Si mon maître vient à ne pas tenir sa promesse alors que je me suis mise à y croire, j'en serais ravagée ! Mieux vaut vivre au jour le jour, sans rien attendre du lendemain.

Une fois que mon corps est dépouillé de toute la saleté qui s'y est accumulée, je m'attaque à mes cheveux. Mes boucles sont si sèches que j'ai l'impression de toucher de la paille... Je m'immerge en me recroquevillant sur moi-même. Une fois sûre qu'ils sont bien trempés, je sépare chaque mèche et les frotte du mieux que je le peux avec du savon pour enlever les tonnes de terre qui s'y sont incrustées.

Du bruit dans ma chambre me tire de mes pensées. Je redresse la tête et tends l'oreille.

— EO15 ? retentit la voix de Vladimir après qu'il ait toqué. Tout va bien ?

Je soupire de soulagement. Pendant un instant, j'ai eu peur qu'il ouvre la porte...

— O... oui, maître ! Je lave mes cheveux. Comme il y a beaucoup de terre, ça prend du temps. Désolée pour l'attente.

Son rire me chatouille les oreilles.

— Pas de souci, ne vous en faites pas. J'étais juste inquiet, car vous ne faisiez aucun bruit...

Mes sourcils s'envolent sur mon front et j'écarquille les yeux. Je n'imaginais pas qu'il ferait autant attention à ce que je faisais... Est-ce qu'il a craint que je me suicide ? Il est définitivement différent de Zacharo. Lui, au moins, me considère vraiment comme un humain !

— Mais si tout va bien, reprend-il, alors je n'ai pas à m'en faire. Je vous attends dans votre chambre avec une surprise.

Je suis coite face à ses propos. Et à son comportement qui m'intrigue de plus en plus. De quoi peut-il s'agir ? Et pourquoi souhaite-t-il m'en faire une ?

Après ce qui me semble être une éternité, mes cheveux sont enfin propres. Par contre, l'eau dans la baignoire est si sale que j'ai dû enlever le bouchon qui la retenait et en tirer de la nouvelle pour me rincer. Une fois sèche et habillée d'un pantalon de lin et d'un pull dans une matière qui m'est inconnue, je retourne dans ma chambre, contourne le paravent et aperçois Vladimir assis sur le lit.

Je plisse les yeux, soudain suspicieuse quant à ce qu'il me réserve, et m'arrête à une bonne distance de lui. Il relève la tête, me sourit de toutes ses dents et me tend la main pour m'inviter à le rejoindre. Je me fige, pas tout à fait certaine de la suite des évènements. Comme je ne bouge pas d'un pouce, il hausse un sourcil et se rend compte de la raison de ma paralysie.

— Désolé, EO15, rit-il de lui-même en s'asseyant sur le tapis. Allez, venez ! Il faut absolument que je partage avec vous ce que j'ai trouvé dans la bibliothèque ! Je n'ai pas eu l'occasion de vous le montrer hier...

Il agite un manuscrit à la couverture en cuir tanné à hauteur de son visage, tout sourire. Rassurée, et très touchée par sa manière d'agir, je le rejoins et m'installe à ses côtés.


Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant