Chapitre 4 : Olympe [corrigé]

57 5 10
                                    


Après avoir avoué mon crime, mon bourreau ordonne à ses collègues de m'enfermer dans la charrette avec laquelle ils sont venus. Ils interrogent ensuite mes compagnons d'infortune. Le tissu qui recouvre l'armature en arceaux du véhicule est troué par endroit et cela me permet d'observer et d'écouter. Beaucoup témoignent en ma faveur – dont les femmes du harem –, disant que j'étais toujours prête à rendre service aux champs ou même à les soigner quand ils en avaient besoin. Certains refusent de parler, car ils ne me connaissent pas assez. Pour le reste, une minorité, ils ont inventé des mensonges pour m'enfoncer encore plus.

Une fois qu'ils ont tout pris en note, les militaires font signe aux marchands d'esclaves que mes compagnons peuvent être emportés, puis ils reviennent vers le véhicule. Je me rassieds correctement et l'un d'eux, celui qui m'a interrogée, me rejoint.

— Grâce à toi, me dit-il en me regardant de haut, nous allons toucher une jolie somme d'argent. Je n'ai pas besoin de t'expliquer pourquoi.

Puis il s'assure que mes liens sont solides, redescend de la charrette et trouve ses comparses installés à l'avant. Ils fouettent leur cheval et le véhicule se met en route.

Non, je n'ai pas la nécessité qu'il me fasse un dessin quant à la raison de leur promotion exceptionnelle. J'étais consciente des risques que je prenais en avortant. Après tout, la loi est la même pour nous toutes. Si une femme perd son bébé à cause d'une fausse couche, elle encourt un minimum de huit ans de prison. Dans le cas d'une interruption volontaire, l'accusation se transforme en homicide aggravé et la peine augmente à trente ans dans le meilleur.

Et, ce qui me fait le plus enrager, c'est que cette loi est valable même si nous avons été violées, que nous sommes trop faibles pour la grossesse ou encore que cette dernière soit issue d'une relation incestueuse ! Nous n'avons aucun mot à dire sur notre corps. Nous n'avons pas le droit de décider de ce qui est le mieux pour nous ou pour l'enfant à naître.

J'ouvre les paupières au moment où la charrette s'arrête. Le cheval hennit et je perçois des ombres derrière le tissu qui sert de toiture à mon véhicule. Je serre les dents face à mon insouciance. Comment ai-je pu m'endormir alors que la situation est aussi critique !

Où sommes-nous ? Le brouhaha qui m'entoure est insupportable et m'agresse les oreilles. Je me penche vers un des trous qui percent la toile et reste bouche bée face à ce que je peux apercevoir. De hautes maisons blanches aux toitures recouvertes de tuiles en ardoises. Un sol paré de dalles égales et une multitude de soldats qui patrouille.

Je suis aux abords de Calpa ! Je n'en reviens pas. J'ai toujours voulu voir la capitale : mes parents l'ont décrite comme magnifique et rayonnante. Mais la première, et sans doute la seule fois, que j'y vais, c'est pour être jugée ! Je ris jaune à cette pensée, car je sais pertinemment que je ne garderai pas un très bon souvenir de la ville la plus importante de Shuarachas.

L'arrière du véhicule s'ouvre brusquement et je me dépêche de me remettre en place. J'aperçois l'un de mes bourreaux accompagné d'un homme de haute stature et d'une jeune femme d'une beauté que les mots ne pourraient définir. Elle est vêtue d'une robe blanche en dentelle qui dénude ses épaules recouvertes d'éphélides. Ses longs cheveux roux tombent en une cascade de boucles dans son dos et, malgré l'obscurité, je parviens à lire au fond de ses yeux bleus comme le ciel toute la gentillesse qui l'habite.

Les deux hommes discutent pendant quelques instants et le nouveau venu fait signe à la femme de monter dans le véhicule. À son accoutrement, je doute qu'elle soit prisonnière. Alors qu'elle s'approche de moi, sa silhouette se fait plus nette et je peux voir qu'elle a un plateau plein de victuailles dans les bras.

Blood & Flowers 1 - Olympe & VladimirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant