J'entremêle mes doigts les uns avec les autres depuis de longues minutes depuis qu'il me l'a annoncé. Mon pauvre cœur s'est fendu en deux en une fraction de seconde. Si on dit que l'amour est une rose, alors ses épines sont en train de paralyser mon corps de leur poison mortel. Je ne peux plus bouger, pétrifiée par la douleur et par la peur.
La peur de ne jamais plus le revoir, cet être qui tient les ficelles de ma vie. La peur de ne pas arriver à remonter la pente suite à ma chute vertigineuse dans la profondeur des abysses. La peur de mourir de l'intérieur s'il ne fait plus partie de ma destinée.
Je relève alors les yeux dans la direction de l'homme que j'aime, dont le visage jadis amoureux s'éteint progressivement pour n'y laisser que des cendres. Et tout à coup, il réitère l'ordre qu'il m'a déjà donné il y a de ça de longues minutes :
— Sors d'ici.
Il est étonnamment calme, les paumes posées sur la table en bois de la cuisine. On croirait à une situation totalement anodine, sans compter sur ses orbes qui ne transparaissent plus que la douleur et la haine. Seule sa respiration irradie les alentours, trop rapide pour paraître serein, trop lente pour sembler à une hystérie. Comme je ne réagis pas, il continue :
— Je t'ai dit de te barrer, fulmine-t-il. Sors de cette baraque !
— Et où veux-tu que j'aille ?!
— C'est pas mon problème.
— Tu ne peux pas me faire ça...
L'air que je respire devient dangereux, presque fatal. Gangréné par sa fureur. Pollué par sa rage. Son regard est de plus en plus vague et blanc comme le crépuscule qui nous guette de son œil avide. Sous le crépitement infernal de la nature endormie, je l'interpelle :
— Réponds-moi !
— Je peux, abdique-t-il. Autant que toi, tu as pu me faire souffrir.
— HORS DE QUESTIO QUE JE T'ABANDONNE ! Répliqué-je aussitôt en haussant encore le ton pour bien me faire comprendre.
— Casse-toi, je t'ai dit ! Répète-t-il encore plus fermement. Je ne le répéterai pas.
— TU NE ME FERAS PAS BOUGER D'ICI !
Sur ces paroles, il se détache du bois lustré de la table et contourne cette dernière pour se retrouver à mon niveau. Sa poitrine monte et descend à une vitesse fulgurante tandis qu'il me surplombe. Puis, il fonce sur moi comme un prédateur sur sa proie. À cet instant, il attrape mon poignet violemment et me tire jusqu'à l'entrée. Je me débats férocement, déterminée à lui faire changer d'avis, mais il déploie toute sa force physique pour m'attirer vers l'extérieur et me faire déserter ce sanctuaire de notre amour. Je tente de m'asseoir par terre, mais il me relève d'un seul geste. Je fais mine de me raccrocher à des meubles lourds, mais mes paumes moites finissent par glisser. Je ne peux rien faire. Je peux seulement subir le sort qui m'était réservé.
— NON !!!!!!!!
— JE TE FERAI DÉGAGER DE CETTE BARAQUE DE GRÉ OU DE FORCE ! Me hurle-t-il alors dessus.
Son souffle violent semblable à un ouragan me transperce de part en part. Mais je continue de frapper dans le vide sans pouvoir l'atteindre, comme si son enveloppe charnelle n'était même plus atteignable. Comme s'il était devenu seulement une ombre projetée de mes pensées.
C'est alors qu'il ouvre la porte d'entrée de notre maison qui abrite tant de souvenirs heureux, puis me pousse à l'extérieur, si fort que je trébuche sur les escaliers. Je manque de me cogner le crâne contre le carrelage d'extérieur et y échappe de justesse. L'homme continue de me regarder sans éprouver la moindre once de compassion.
— Je t'aime...
— Tu ne m'as jamais aimée, rétorque-t-il, les mains dans les poches en me dévisageant comme un chien errant qui ne peut plus être sauvé. Tu n'as fait que me manipuler. Ruiner mon existence. Me détruire jusqu'à l'âme.
— Tu ne penses pas ce que tu dis... Tenté-je, la voix affaiblie par tant de souffrance.
— Je le pense.
Et sans ajouter un mot, il referme cette lourde porte blanche qui jamais plus ne s'ouvrira.
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DADDY'S GIRL - TOME 2 - The Girl
RomanceIsadora et John continuent de vivre leur amour passionnel dans le dos de Constance, en se laissant doucement ronger par les remords de ce secret trop lourd à porter, sans se douter que cette dernière est déjà au courant. Sa vengeance menace de les...