CHAPITRE 36 - Isadora

754 30 41
                                    

Plusieurs jours se sont écoulés depuis la dernière fois. Cette fameuse nuit durant laquelle j'ai vu un autre John. Un homme que je n'avais jamais rencontré jusqu'ici et qui, je dois l'avouer, m'a terrorisée. Ses prunelles, jadis remplies d'amour, ne laissaient apparaître que deux trous noirs dénués de toute compassion. Il n'a d'ailleurs pas hésité à me hurler dessus comme si je n'avais plus la moindre once d'importance à ses yeux. Et lorsqu'il s'est enfin tu, juste avant que je ne rebrousse chemin, j'ai aperçu les dizaines de veines carmin qui cisaillent ses orbes.

Ça n'était plus lui.

Ça n'était plus l'homme que j'aime.

J'ai plusieurs fois été habituée à le voir violent durant nos ébats, mais contrairement à cette fois-là, il faisait toujours preuve d'une certaine retenue pour ne pas me blesser, que ce soit physiquement ou psychiquement. La bienveillance a toujours été le maître mot de notre relation, et ce, depuis notre rencontre. Il m'a toujours protégée, d'aussi loin que je me souvienne, mise bien au chaud sous son aile et dans ses bras pour que je me sente écoutée, comprise, protégée. Or, cette nuit-là, j'ai l'impression que quelque chose s'est brisé en lui. Et ça n'est pas faute d'avoir tenté de savoir pourquoi ou de savoir pour quelle raison.

J'ai même tenté d'envoyer un texto à Constance, pour le lui demander. Et lorsque je lis encore sa réponse que je connais maintenant par coeur, plusieurs fois par jour depuis, je ne cesse de verser des larmes :

Constance (texto) :

Ne t'occupe pas de nos histoires. Je te rappelle que jusqu'à preuve du contraire, tu es la responsable de notre malheur à tous les deux.

Je n'ai rien retenté avec elle, depuis. Soit, il y a trois jours. Trois jours à remettre ma vie en question et à me dire que John et Constance auraient été mieux sans moi, finalement. Ça m'aurait évité tout ce mouron, et surtout des heures entières à m'apitoyer sur mon sort après que l'homme que j'aime m'ait refusé étreintes et baisers. Cela dit, une partie de moi n'a pas voulu se laisser abattre. J'ai plusieurs fois essayé de travailler ce dernier au corps : j'ai employé un ton calme, un timbre plus ferme, la violence et la passion, mais rien n'y a jamais fait. Son état ne s'explique pas et rester sans réponse est pour moi le pire des fléaux.

Pourtant, putain, j'ai essayé...

Tellement essayé de partager sa tristesse...

En premier lieu, j'ai voulu écouter leurs cris de ma chambre, en collant mon oreille à la porte en bois. Mais John s'est empressé de la faire débarrasser le plancher, et puis d'ailleurs, mes sanglots étaient trop bruyants à l'intérieur de moi pour que je puisse me concentrer sur autre chose que sur ma propre peine. Après ça, j'ai tenté maintes et maintes fois de tirer les vers du nez à John, mais à chaque fois, il me sermonnait comme un remet en place une gamine qui fourre son nez dans les affaires des autres sans y être invitée.

Regrettable.

(D'autant plus que les lectrices attendent que tu l'apprennes pour voir ta réaction, quoi ! Mais comme l'autrice aime faire souffrir les autres.... Il ne t'a rien dit !)

Quoi qu'il en soit, j'ai passé toute une journée à l'université aujourd'hui. C'est une longue journée où les cours ne se terminent qu'à dix-huit heures trente. Et ce qui est plutôt plaisant avec cette journée somme toute ordinaire, c'est que je n'ai pas prévu de rentrer avant le dîner : Lyse et moi avons prévu de prendre le repas ensemble, ce soir.

Il vaut peut-être mieux.

J'ai tenté tant bien que mal de me concentrer sur mes cours pour ne pas ruminer comme une vieille vache. Ainsi, ce matin, nous avons enchaîné trois heures d'introduction aux sciences de l'information et de la communication, un cours durant lequel nous avons été enfermées dans un amphithéâtre rempli de près de trois cent personnes. Certains retardataires devaient aller jusqu'à s'asseoir par terre et prendre leurs notes comme ils pouvaient. Le professeur était d'une culture impressionnante et nous contait de temps à autre quelques anecdotes sur sa carrière en tant que journaliste. Une fois la leçon achevée, a moment du déjeuner, mon amie et moi sommes allées nous rassasier dans un Burger du coin, avec deux autres filles qui suivent le même cursus, mais que nous ne connaissons que de vue. C'est ce que je déteste à l'université : la sociabilité que l'on nous impose. J'aurais aimé demander des conseils à Lyse sur ma situation actuelle, elle qui est toujours au courant de tout et à plus de conseils à donner qu'une psychologique de carrière, mais je n'ai pas pu leur dévoiler ma vie à des inconnues, surtout que John est un homme d'affaires aussi connu que le loup blanc dans cette ville et ses alentours.

DADDY'S GIRL - TOME 2 - The GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant