CHAPITRE 53 - Lyse

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La cérémonie a duré plus d'une heure.

Je constate que, finalement, ils ont plutôt bien fait les choses. Du moins, dans l'apparence. Des fleurs aux mille couleurs ornaient l'autel de l'église, sur lequel le cercueil d'Isadora attendait patiemment l'enterrement. Les discours étaient merveilleux, dotés de mots qui provoquaient l'émotion chez la plupart des personnes présentes, qui à ma grande surprise, partageaient notre peine. Cela dit, John et Constance ont continué d'évoquer leurs souvenirs communs avec Isadora, en faisant passer leur relation pour une relation de famille ordinaire.

Or, John et moi savons bien que c'est tout le contraire !

Il est certain que la plupart des personnes présentes, qui les écoutaient parler en buvant leurs paroles, se disaient que des parents si merveilleux n'auraient jamais dû perdre leur unique enfant, et leur unique source de bonheur. Personne n'a été capable de percer leur carapace, de passer en-dessous du masque pour voir leur vrai visage, à part moi.

Fais-moi confiance, Isadora !

Je saurai la vérité !

Elle éclatera au grand jour.

Pour toi.

Bien entendu, tout au long de la cérémonie, ce cher beau-papa s'est bien gardé de dire qu'il couchait avec sa belle-fille, et qu'ils cachaient tous les deux cela à Constance, qui elle, est sans nul doute une sorcière aux pouvoirs maléfiques inimaginables. En fait, ils ont créé une cérémonie digne de celle de la perte d'un enfant qui avait la plus grande place, au sein d'une famille quasiment parfaite. Ils ont exprimé à quel point leur vie avait été embellie grâce à sa présence, et à quel point la jeune femme était merveilleuse. John a même eu le culot de dire que grâce à Isadora, il avait appris ce qu'était la parentalité, et que finalement, il aurait aimé qu'elle grandisse à leurs côtés.

Un ramassis de conneries.

Le bal des faux-culs.

Le summum du culot.

Je ne parviens même pas à y croire.

J'ai ainsi passé de longues minutes, jusqu'à ce que cette épreuve s'achève enfin, les bras croisés et le visage dans les paumes pour éviter de tout faire cafouiller, face à tous ces détails ubuesques qui rendaient la cérémonie grotesque. Pire qu'une caricature des enterrements de la haute aristocratie. La main douce de ma mère a caressé mon dos tout du long pour tenter d'apaiser les tensions et les atomes qui s'entrechoquaient dans mon corps.

Une fois la cérémonie funéraire terminée, nous avons enfin procédé à l'enterrement. Oui, j'ai souffert. Plus que jamais. Mais c'était pour le mieux : il fallait que je dise adieu à mon soutien, à mon amie, à ma confidente, à mon double. Que je laisse s'envoler un ange qui n'a rien à faire au Paradis.

Le cercueil orné de milliers de fleurs d'Isadora a donc été transporté vers le cimetière, situé derrière l'église, suivi par la foule qui ne disait plus un mot. Le silence qui nous envahissait était si grand qu'il transcendait la mort elle-même. Nous marchions tous en rang, les uns derrière les autres, mais liées sur le ventre pour contenir notre rage face à cette injustice. Chacun de notre côté, nous nous répétions dans notre tête que la mort ne devait jamais s'abattre sur une personne si jeune, qui n'avait même pas eu le temps de vivre. J'ai entendu quelques marmonnements, quelques râles de femmes qui disaient « Elle n'a même pas pu connaître le grand amour ».

Elle l'a connu.

Et elle en est décédée.

Finalement, même celles et ceux qui n'ont pas eu la chance de connaître Isadora ont pris part à notre tristesse, versant quelques larmes lorsque le dernier discours a été organisé.

DADDY'S GIRL - TOME 2 - The GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant