CHAPITRE 54 - John

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Elle danse.

Elle tournoie, laisse ses bras fins suivre son corps qui, à son tour, marche dans les pas du vent. Elle papillonne comme un oiseau dans l'azur, et brille sous les rayons du soleil tel le reflet d'un ange tout droit descendu du Paradis dans une eau claire. Ornée du diamant qui miroite sous le ciel, sa peau luit sous ses arcs de volupté. Sa longue robe blanche réfléchit la lumière. Mes yeux se plissent pour continuer de l'admirer, cette beauté irréelle. De temps à autre, elle m'envoie un baiser, que j'attrape d'une main et ramène à mes lèvres pour sentir son goût sucré nourrir mes papilles. Les perles qui ornent sa bouche délicieuse me renvoient à la minuscule lumière qui apparaît au creux de son ventre, et qui bientôt, deviendra une boule de feu prête à illuminer nos vies. Dans cet arc-en-ciel qui devient un mirage de plus en plus trouble, je suis le plus heureux des hommes, celui qui touche du doigt le Paradis et dont le responsable n'est plus un Dieu, mais une Déesse...

Ma déesse...

— Hey ! Ça va, John ? M'interrompt ma femme dans mes pensées.

— Hein ?!

Je fais volte-face en maintenant toujours le rideau d'une main. Et tout à coup, je me rends compte que je le serrais dans ma paume, en appuyant sur mes phalanges comme un forcené, prêt à me les briser. La réalité reprend rapidement le dessus en me laissant totalement démuni face à mon jardin intérieur qui n'abrite plus aucune forme de bonheur. Il n'est que désolation.

Elle n'est pas là.

Elle n'est plus.

— Je te demande si ça va ! Répète ma femme.

— Heu... Oui. Oui, ça va.

Je secoue la tête de gauche à droite pour reprendre pleinement conscience. Je suis encore bien dans ma chambre, face à la fenêtre, auprès de Constance, qui prépare nos valises. Quant à moi, j'ai l'impression d'être resté là, à rêvasser, durant des jours et des jours. Après tout, c'est comme ça que je vois dorénavant ma vie : une succession d'aubes et de crépuscules, sans que mon corps ne me réclame plus la faim, ni la soif. Nos valises sont déjà pleines, mais elle s'acharne en en dénichant de nouvelles. Elle y enfourne des dizaines de robes et des chaussures diverses, notamment ses éternels talons hauts qui, à l'époque de notre rencontre, galbaient ses chevilles d'une manière telle que je ne pouvais lui résister.

Tout a changé...

En fait, c'est ça, la différence entre le désir et l'amour. J'ai profondément désiré Constance, dont j'admirais le corps il n'y a pas si longtemps. Cependant, lorsqu'on tombe amoureux, on ne rêve plus que de choyer l'amour de sa vie.

L'amour...

Le désir...

Je n'ai plus ni l'un, ni l'autre.

Je fais face à un monde dans lequel plus aucun rayon de soleil ne perce les nuages, et ce, depuis le réveil. Jusqu'ici, mon deuil n'avait pas encore été entamé car, tout au fond de mon être, je m'attendais encore à voir Isadora rentrer de l'université en fin de journée. Je m'attendais à entendre de nouveau l'eau couler dans la baignoire. Entendre ses rires. Ses pleurs. Sa présence.

Aujourd'hui, je ne me leurre plus.

La veille au soir, après l'épreuve difficile de la cérémonie funéraire et de l'enterrement, je me suis endormi rapidement, pris par les effets de l'alcool qui me faisait voir la vie en rose. Je ne songeais même plus à ce qu'allait devenir mon existence. À comment le vent tournerait. Il n'y avait plus de temps. Plus de saisons. Plus d'aiguilles qui tournaient à l'intérieur de leur immense horloge. Il n'y avait plus rien. Dès notre arrivée dans ma demeure, j'ai commencé à m'enfiler des dizaines et des dizaines de verres remplis à ras-bord sans ressentir les effets de l'alcool. Mon âme se cramponnait à la terre et refusait de s'élever et de me laisser en paix avec mes espérances. Comme Constance s'était rendue chez Florine pour une soirée entre filles, comme si de rien n'était, j'en ai profité pour me laisser crever sans vraiment m'en rendre compte. Puis, une fois la cuve pleine, j'ai fini par m'écrouler sur le canapé. Sans un bruit. Sans un mot. Plongé dans une pénombre qui ne s'éclaircirait plus jamais.

DADDY'S GIRL - TOME 2 - The GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant