CHAPITRE 5 - Constance, des années plus tôt

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— Arrête de faire l'enfant ! S'exclame-t-il. Fais face au problème, au lieu de fuir !

Je fais les cent pas dans la cuisine, sans poser une seule fois le regard sur lui. Je suis tellement sur les nerfs qu'il en vient à me répugner. Je ne supporte plus sa voix, son regard, son corps, ses demandes de communication. Rien. Je ne supporte plus rien. Alors, dans un élan de courage, je serre les poings et m'adresse encore une fois à lui :

— C'est toi, l'enfant !!! PUTAIN ! Gueulé-je.

Mon compagnon se masse les tempes, après de longues minutes passées à se maintenir le crâne en agrippant ses cheveux, comme s'il allait exploser. À un moment, j'ai presque cru qu'il allait s'arracher lui-même les cheveux, un peu plus tôt dans notre conversation. Je sais que je le fais sortir de ses gonds, mais j'ai mes raisons. J'en ai assez qu'il fasse la sourde-oreille. Je mérite beaucoup mieux que ça. À mon âge, je mérite un homme que je vois, le soir, en rentrant de la Fac. Pas un fantôme.

— Constance, putain... Essayons de discuter calmement, s'il te plait. Tu ne penses pas que c'est déjà allé trop loin, cette histoire ?

— Non.

— Tu ne vois pas qu'un s'engueule pour des futilités, là ?

— Non ! Réitéré-je à la volée.

— Mais quelle entêtée, c'est pas vrai ! M'envoie-t-il sans le moindre scrupule.

Nous marquons une pause. Mon compagnon pose les paumes sur les rebords de la table à manger, en regardant dans le vide. Il a l'air complètement déboussolé, mais dans l'histoire, c'est moi, la victime. On me traite d'enfant, de folle, de demeurée, très bien. Aujourd'hui, je vais lui prouver que je suis tout le contraire. Alors, je lui lance :

— Ça ne fonctionne pas, Arthur.

Mon ton est sec. Ma voix, calme et posée. Je donne l'impression d'être plus sûre de moi que je ne l'ai jamais été.

— Attends... Comment ça, ça ne fonctionne pas ?! Rugit-il.

— Tu ne m'apportes pas ce dont j'ai besoin... Avoué-je en croisant les bras devant ma poitrine.

Un ange passe dans notre petite cuisine. Je revois, sous l'écran de mes paupières, toutes ces années à passer de longues journées à l'université, pour finalement le retrouver mort de fatigue, affalé sur le canapé, après sa journée de travail. Je veux de l'amour, de l'attention. De la reconnaissance. Je ne suis pas un meuble. Je suis jeune, j'ai droit au bonheur. J'ai le droit de vouloir faire du shopping, de vouloir sortir avec mes amies, de vouloir passer du bon temps au Spa comme ces milliers de filles de riches à l'université, qui affichent fièrement leurs sacs Gucci et leurs baskets Dolce & Gabbana. Oui, je veux ce luxe. Mon compagnon attend une explication de ma part. Ses grands yeux verts sont les reflets de son âme : ils n'expriment que la douleur.

— Je... Hésité-je, avant de me lancer. J'ai besoin de réfléchir.

— Attends !!! Quoi ?! Mais enfin, bordel de merde !

Arthur fonce sur moi, et l'espace d'un instant, j'ai peur qu'il me frappe. Il saisit mes épaules, et me bloque contre un des pans de mur. Bien qu'il ne soit pas très grand, ni très musclé, je ne parviens pas à me dégager. Je suis forcée d'écouter ses sottises.

— J'ai vingt-deux ans, Constance. VINGT-DEUX ANS.

— Et alors ?!

— Putain ! J'ai arrêté mes études pour bosser et te payer la maison dont tu rêvais ! Je te laisse continuer les tiennes pour que tu puisses avoir un métier décent plus tard ! Et toi, tu as besoin de RÉFLÉCHIR ?! TU TE FOUS DE MA GUEULE ?!

DADDY'S GIRL - TOME 2 - The GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant