EPILOGUE

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— Alors, on est subjuguée par ma beauté ? S'amuse mon frère en continuant de sourire bêtement à ma femme, qui ne parvient presque plus à respirer.

Cette dernière agrippe mon bras, et enfonce ses ongles dans mon épiderme ensuqué, tandis que je réagis à ce qu'il vient de balancer :

— Arrête ton cinéma... Elle est habituée à voir ta tronche à travers la mienne.

Il est vrai que nous sommes des jumeaux monozygotes ; un phénomène à la fois rare et fascinant pour la science. Aucun d'entre nous n'est plus grand que l'autre. Aucun n'est plus musclé que l'autre. Aucun n'est plus ridé, plus beau, plus laid. Nous sommes parfaitement identiques, du sol au plafond, si réels que ma femme en perd pied. Si similaires que personne ne pourrait être capable de nous distinguer.

À la différence près que l'un est un ange, et l'autre, le démon.

— Je reste néanmoins le plus beau ! Se défend alors mon frère. Il faudra t'y faire, un jour.

— Si tu en es si convaincu...

Depuis le plus jeune âge, nous nous chamaillons. Nous sommes en réalité, à la fois absolument similaires, et foncièrement opposés. Mon cœur est empathe, rempli d'émotions toutes plus puissantes les unes que les autres. Je peux faire preuve d'une gentillesse sans pareille, comme d'une méchanceté sans commune mesure. Mon corps fait preuve d'une chaleur accueillante et incontestable. Je suis humble. Je suis humain. Je suis tout ce qu'il y a de plus normal.

Mon frère, quant à lui, est froid comme la glace. Et je le constate encore aujourd'hui. Parfois, j'en viens à me demander si nous avons été engendrés par les mêmes personnes. Souvent, durant l'enfance, je me suis surpris à imaginer qu'il nous avait été amené par un vaisseau spatial extraterrestre, et qu'on l'avait forcé à prendre mon apparence pour se fondre dans la masse. C'était ainsi que j'expliquais sa singularité. Mais peut-il réellement y avoir une explication ? Je n'en suis pas convaincu. Nous continuons de nous mirer, les yeux dans les yeux, l'âme de l'un lisant dans celle de l'autre comme si nous ne nous étions jamais séparés, quand Constance fait de nouveau irruption :

— Alors là, je suis sur le cul... Mais pourquoi tu m'en as jamais parlé ?! S'offusque cette dernière en se tournant dans ma direction.

— C'est simple.

Un silence de plomb hurle sa présence parmi nous. La bataille qui avait cessé avec mon départ des États-Unis à l'époque, reprend de plus belle.

— Je ne voulais plus qu'il fasse partie de ma vie, terminé-je en continuant de le défier du regard.

En affirmant ces paroles, je fixe mon frère droit dans les yeux tout en lui lançant un sourire en coin, signe que je ne suis pas près de me soumettre à lui encore une fois. Il le comprend aisément. Ses orbes me lancent des éclairs.

— Pourquoi ? Insiste Constance. Il est gentil !

Fous-moi dans une situation encore plus pesante qu'elle ne l'est déjà, va...

Tu ne payes rien pour attendre, de toute façon.

— On est trop différents, annoncé-je sous le regard sans vie de mon frangin, qui n'est rien de moins que l'incarnation de Lucifer lui-même.

Mais ça, elle ne le sait pas encore.

— Mmh... Quelque chose me dit que tu fais fausse route, frangin, se défend-il aussitôt.

Malgré les années, mon frère a toujours autant de charisme. Il provoque un réel chamboulement lorsqu'il entre dans une pièce ou qu'il ouvre la bouche. Cet instant où j'ai entendu sa voix dans le combiné, quelques jours plus tôt, me revient vite. Elle a envahi mes tripes, noyé mes poumons, bloqué ma gorge. Elle a provoqué un tsunami dans mon ventre, un feu dans mon esprit.

DADDY'S GIRL - TOME 2 - The GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant