CHAPITRE 9 - Isadora

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Sous les rayons pâles de la lune, je vois son visage s'éteindre à la vitesse de l'éclair. Il se redresse sans ajouter un seul mot, et s'apprête à me laisser seule, quand je le retiens en saisissant son poignet.

— John, ne me laisse pas... Réponds-moi... Pourquoi est-ce que t...

— Je crois que c'était une mauvaise idée, Isadora, me coupe-t-il.

Sa voix est encore plus grave que d'ordinaire. Je me sens plonger tête la première dans un océan de lave en fusion.

— Attends, de... De quoi tu parles ?

— Nous. C'est... Ça va trop loin !

John souffle profondément. Je peux presque sentir la douleur qui l'envahit à cet instant. Le feu douloureux qui le brûle fait des ravages dans mon propre corps. Quand tout à coup, sentant qu'il s'apprête à s'éloigner encore, je me redresse et fonce sur lui. Il se retourne instantanément et me fait face. J'entoure alors son visage de mes mains fines. Je le maintiens le plus fort possible, et lui, ose à peine me toucher, comme si j'étais soudainement devenue une poupée de porcelaine qu'il pourrait briser d'un seul geste, d'une seule parole.

Et il l'a déjà fait.

— John... Dis-moi que tu plaisantes... JE T'EN SUPPLIE DIS-M.... M-M-M-OI Q-Q-Q...

Je me mets à pleurer toutes les larmes de mon corps sans pouvoir me retenir. Plus aucun mot ne parvient à sortir de ma bouche. Plus aucune syllabe ne se forme dans ma gorge asséchée par la perspective de le perdre, lui. Je deviens hystérique. Mon corps me brûle. Me glace. Me réduit en poussière. Mais avant que mes jambes ne me lâchent, John me retient :

­— Isadora !

Il m'entoure si fort qu'une bouffée énorme d'oxygène parvient jusqu'à mes poumons. Je pousse un hoquet incontrôlable qui me broie l'estomac. Ses mains dans mon dos broient ma colonne vertébrale. Son visage dans le creux de mon cou me tord les cervicales. Je me sens mourir. C'est indescriptible. Ses paroles sont comme un obus qui vient directement s'écraser au creux de mon cœur, là où tout s'éparpille. Je suis anéantie. Déchiquetée. Assassinée par ses mots. Mais soudain, brisant le silence, John fait taire le désespoir qui étale sa peinture obscure dans mon âme meurtrie :

— Oh, pardon... Murmure-t-il au creux de mon oreille. Pardon, mon amour...

— T-t-tu voul-l-l-ais m'aband-d-d-onn...

— Non, non. Non, s'il te plaît... Je te l'ai dit, Isadora... Jamais je ne t'abandonnerai, affirme-t-il, proche de mon oreille. Je t'en supplie, pardonne-moi... Je ne... Sais pas quoi faire...

— Tu l'as... D-d-d-is... Bafouillé-je.

Ce sont bientôt des milliers de poignards me transpercent le ventre. Une pluie battante de lames aiguisées sans la moindre moitié pour mon corps à bout de forces. Une cascade de plomb qui m'écrase et me force à me confondre parmi les débris de mon âme endolorie. Je ne tiens plus sur mes jambes. Alors, je me laisse tomber encore davantage. John me retient toujours de toute sa force, puis m'accompagne dans ma chute et me laisse me coucher dans l'herbe.

— Non, non... Tente-t-il de me rassurer, en vain. Shhhht... Isadora, respire...

Ses paroles, jadis si apaisantes, deviennent des chimères. Des chimères d'apparence douces mais monstrueuses qui dévorent des morceaux de mon muscle cardiaque qui bat beaucoup trop fort. John, planté au-dessus de moi, un genou à terre, me soutient la tête d'une main et de l'autre, caresse mon thorax nu sous ma tunique.

— Respire, mon amour... Je t'en prie, calme-toi...

Je tente de saisir son bras d'une main. Mes ongles s'enfoncent dans sa chair en le faisant saigner. Je tremble comme une feuille. Les secousses qui assaillent mon pauvre corps ne me permettent même plus de réfléchir. Je suis vide. Si vide.

DADDY'S GIRL - TOME 2 - The GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant