Scandal | Ghost

Quatrième virage

Quatrième virage.

Ghost se réveilla particulièrement en forme – si on omettait l'état de son bras qui le faisait toujours souffrir un peu –. Il ne se souvenait pas la dernière fois où il avait dormi si bien. Peut-être parce qu'il avait été épargné de gémissements et de coups frappés dans le mur de la chambre voisine ? Il en avait presque oublié là où il se trouvait.... jusqu'à ce que son regard se pose sur la silhouette de Danger debout au centre de la pièce.

Tout ne pouvait pas être parfait...

— Ah. Tu es réveillé ? fit remarquer l'homme en lui jetant un regard.

Ghost grimaça. Il avait soudain envie de se cacher sous la couette pour disparaître et échapper à cette situation.

— Bien vu, Sherlock, répliqua-t-il avec ironie.

Danger l'ignora et dit plutôt :

— J'ai parlé à Monster.

Le lieutenant des Skull tressaillit et fut tout de suite plus attentif.

— Comment vont Scandal et Lord ? demanda-t-il tout de suite.

Quand il avait fui à moto, il avait seulement entendu le bruit de l'explosion au loin et vu la fumée noire dans le ciel. Il avait craint le pire... mais avec Scandal qui lui avait tiré dessus et Revenge à ses trousses, il n'avait pas pu faire demi-tour au risque de se mettre en danger.

— Ils vont bien.

Un énorme soulagement l'envahit. Comme si un poids avait disparu de ses épaules. Scandal et Lord pouvaient le haïr de tout leur soul – et ils auraient raison de le faire – et ils pouvaient lui tirer dessus autant qu'ils le voulaient... ce n'était pas pour autant que Ghost leur souhaitait du mal. Bien au contraire. C'était lui le plus âgé et le lieutenant des Skull's Head, c'était à lui de les protéger. Et concernant Lord... il avait failli à son devoir.

Il leur avait caché la vérité en pensant que cela les protégerait. Il n'avait jamais rien voulu d'autre.

Les choses n'avaient jamais été aussi compliquées que maintenant.

— Et toi ? lui lança Danger. Comment va ton bras ?

Ghost se dit que rien ne servait de mentir. Danger l'avait soigné après tout, alors il ne pourrait pas lui cacher sa blessure.

— Ça fait encore mal, avoua-t-il avec une légère grimace.

— Encore heureux que cette balle ne t'ait qu'érafler alors.

— J'ai déjà pris des vraies balles. Quand j'étais à l'armée. J'ai été déployé, tu sais. En Afghanistan.

Danger n'était pas franchement étonné.

— J'ai remarqué les cicatrices sur ton torse et ton dos, dit-il en le désignant de la main. Il faut y prêter attention sous les tatouages, mais quand on y regarde bien, on peut les voir. Et j'ai eu beaucoup de temps pour regarder de très près... tu dormais comme un rocher.

Une rougeur non-désirée s'empara de façon fugace des joues de Ghost. La couleur de ses yeux et maintenant... ça. Danger était beaucoup trop observateur à son goût. Il avait bien multiples cicatrices sur son corps, toutes héritées de ses années dans l'armées ou de ses missions d'assassin pour les Skull's Head. Mais chaque cicatrice avait été l'excuse d'un nouveau tatouage pour la camoufler sous une couche d'encre noire.

— Espèce de pervers, murmura-t-il en détournant la tête. C'est creepy de regarder les gens dormir...

Danger s'esclaffa.

— C'est toi qui as accepté de dormir dans mon lit.

Et il était plus étonnant encore qu'il ne se soit pas réveillé. Dû à son expérience militaire, Ghost avait tendance à avoir le sommeil léger.

— Je n'ai pas eu le choix ! répliqua-t-il du tac au tac.

Soit il dormait là, soit il prenait la chance de tomber sur un couple en pleine baise dans l'autre chambre. Ce n'était pas ce qu'il appelait « avoir le choix ».

— On a toujours le choix.

Danger marqua une pause avant de reprendre :

— Mais sinon... tu penses passer la journée au lit ou bien... ? Quand tu seras prêt, je te ferai visiter la base et te présenterai à deux ou trois gars, histoire de leur expliquer ce que tu fais là avant qu'on me pose trop de questions.

Car il n'était pas banal que le chef d'un gang passe la nuit avec le lieutenant de la bande ennemie.

— J'arrive..., soupira Ghost en repoussant les couettes.

Il allait devoir s'adapter à cet endroit et à ces nouvelles personnes... au moins pour un temps. Ghost n'était pas fou non plus, il savait être pragmatique. En ce moment, il était conscient que Danger était peut-être le seul à pouvoir encore ériger une barrière entre lui et Revenge.

Une fois assis sur le rebord du lit, ses sourcils se froncèrent.

— Hum... tu as découpé mon haut hier, fit-il remarquer avec agacement.

Et il n'était pas question que Danger le parade torse nu dans tout le QG.

— Ah, oui, c'est vrai. Autant j'aime t'admirer ainsi, autant je préfère te garder que pour moi. Tu peux prendre un de mes T-shirt dans la commode juste là.

Ghost se leva et ouvrit un des tiroirs avec son bras valide pour attraper un T-shirt noir. En serrant les dents, il essaya d'enfiler le vêtement, mais ce n'était pas évident de le faire avec un bras à peine amovible.

— Besoin d'aide ? demanda spontanément Danger en le regardant galérer.

— Sans façon...

Il avançait peut-être millimètre par millimètre, mais il finirait par réussir à s'habiller tout seul (tout de même !).

Après quelques instants à regarder Ghost lutter avec son T-shirt – sans pouvoir deviner qui de lui ou du vêtement était en train de gagner – Danger s'approcha et déposa son veston en cuir sur ses épaules, manqua de faire sursauter l'autre homme.

— Qu'est-ce que ?

— C'est plus facile à enfiler qu'un T-shirt avec ton bras blessé. Et tu n'es pas obligé d'enfiler les deux manches si tu ne veux pas.

Danger marquait un point.

— Mais autant que je mette mon veston de cuir alors.

— Avec le logo des Skull ? Crois-moi, tu seras plus discret et moins reconnaissable en portant le mien.

Revenge ne chercherait pas un logo des Gun. Ghost fut obligé d'abdiquer devant cette logique implacable. Avec l'aide de Danger, il fut capable de remonter la manche du veston de cuir le long de son bras blessé en faisant attention de ne pas toucher le bandage, puis d'y glisser son autre bras ensuite. Ça lui faisait bizarre de porter un autre logo que celui de son club. Comme s'il ne se sentait pas tout à fait lui-même.

— Ça te va bien, le complimenta Danger avec un sourire en coin.

Ghost détourna les yeux.

— Pfff...

Comment un veston de cuir pourrait-il mieux lui aller qu'un autre ? C'était absurde. Sans l'écouter, Ghost remonta la fermeture éclair du veston sur son torse nu et se fit la réflexion que le manteau portait l'odeur de Danger. La même que ses draps.

— Bon, tu es prêt ? Je vais t'amener manger et faire un petit tour du propriétaire.

Ghost enfouit ses mains dans les poches du veston et hocha la tête. Il était prêt à découvrir sa nouvelle « maison ».