Scandal | Ghost

Trente-septième virage

Trente-septième virage.

Quelques dizaines de minutes après avoir déposé Virus et Knife chez ce dernier Ils furent de retour au QG des Gun. Wolf les salua d'un hochement de tête silencieux avant de regagner ses propres quartiers. Ça faisait bizarre de ne plus voir tout le matos informatique de Virus au milieu du salon.

— Tu viens ? lui demanda Danger en lui faisant signe de le suivre.

Sans réfléchir, il suivit l'homme et se retrouva à nouveau dans la chambre de Danger. La pièce lui était familière à présent. Il s'y sentait étrangement bien... et en sécurité. Il n'avait même pas pensé à exiger une chambre individuelle. De toute façon, le chef des Gun aurait sûrement encore trouvé une excuse pour la lui refuser.

Comme il allait se déshabiller pour la nuit (car il n'avait même plus assez d'énergie pour se doucher), Ghost se rendit compte qu'il portait toujours la veste de cuir de Danger. Il était remarquable que les membres de son gang ne l'aient pas davantage charrié à ce sujet par ailleurs. Seul Scandal avait osé lui faire un commentaire. Les autres étaient peut-être trop préoccupés par le reste de leurs problèmes.

— Oh. Même si ma moto n'était pas ici et même si Gideon n'avait pas décidé d'être un connard, j'aurais dû revenir de toute façon : j'ai encore ta veste.

Il retira le vêtement – maintenant que son bras ne le faisait plus souffrir – et le plia pour le redonner à Danger.

— Tiens.

Le chef des Gun secoua la tête et repoussa la veste contre son torse nu.

— Nan, tu peux le garder. Elle t'allait bien.

Ghost le regarda avec un air effaré.

— Mais... ! argumenta-t-il. Virus a dit que tu ne t'en séparais jamais !

Cette réaction ne faisait aucun sens et ne collait pas du tout avec ce qu'on lui avait dit au sujet de la relation qu'entretenait Danger avec cette veste.

— Il a raison, mais dans les derniers jours, je me suis rendu compte que je préférais la regarder quand c'est toi qui la portes... même si je préfère bien évidemment ce qu'il y a en-dessous... Alors, garde-la, s'il te plaît.

Le lieutenant des Skull hésita, mais finit par abdiquer. Il savait qu'il ne gagnerait pas face à Danger. L'homme était bien capable de foutre à son insu la veste dans la petite valise de sa moto avant qu'il parte s'il ne la prenait pas maintenant.

— Ah... par contre, je devrais peut-être te rendre ça, ajouta son interlocuteur en sortant les plaques militaires de son T-shirt.

Ghost écarquilla les yeux en les voyant. C'était... étrange. Ces plaques représentaient son seul lien avec le passé. Elles le liaient à son ancienne identité, à ses années dans l'armée comme sniper d'élite et... à Ricky. Pendant longtemps, il avait tenu à ces plaques comme à sa propre vie.

Pourtant, il n'avait même pas pensé à demander à Danger de les lui rendre quand ils étaient à la clinique plus tôt.

Il sentit ses yeux se mettre à brûler en comprenant que cet oubli marquait un nouveau tournant dans sa vie. Une bonne fois pour toute, il pouvait enterrer son passé sans regarder derrière. Et une part de lui avait du mal à l'accepter. Rick, ces plaques... tout. Ça avait été tellement important à un moment dans sa vie qu'il culpabilisait de les avoir oubliées au cou de Danger. Comment avait-il pu ?

— Hé... je ne voulais pas te faire pleurer.

— Je ne pleure pas ! se défendit-il aussitôt, son égo prenant le dessus.

Danger souleva un sourcil volontairement perplexe. Il s'approcha et glissa son pouce sous l'œil de Ghost pour essuyer une larme solitaire.

Le chef des Gun roula les yeux :

— Jure...

Ghost détourna la tête, cherchant à camoufler ses émotions.

— Une poussière dans l'œil... Je suis fatigué.

Mais sa voix montait dans les aigus comme sa gorge se serrait.

— Alors, viens dormir... je te promets de ne rien faire... juste de te serrer dans mes bras jusqu'à ce que tu arrêtes de pleurer.

— Je ne pleure pas je te dis ! réitéra Ghost.

— Peu importe. Je veux juste te tenir dans mes bras. Alors, tu viens ?

Sans protester, il laissa Danger le tirer doucement vers le lit. L'homme retira son T-shirt avant de l'attirer contre lui.

— Attention à tes bandages... !

Danger se blottit davantage contre lui, son torse pressé contre son dos et ses bras autour de sa taille. Il emmêla ses jambes aux siennes.

— Hum... je m'en fiche, murmura-t-il à son oreille.

Au départ, Ghost resta immobile, un peu mal à l'aise, mais il devint vite évident que Danger allait bel et bien tenir parole. Lui non plus ne bougeait pas. Et même s'il l'avait voulu, il n'était pas certain qu'il aurait pu : le sommeil les guettait tous les deux.

Il sentait seulement le souffle de l'homme sur sa nuque.

Peu à peu, la respiration erratique de Ghost se calma et ses muscles se relâchèrent. Il repensait à ce que Scandal lui avait dit... Oui, il s'en rendait bien compte maintenant : en dépit de toutes ses blagues et de tous ses sous-entendus sexuels douteux, Danger semblait bel et bien vouloir plus qu'un plan cul avec lui.

Mais la mort de Ricky était encore trop fraîche dans son esprit. Commencer une nouvelle relation alors que son ex venait de mourir sous ses yeux – peu importe les horreurs qu'il avait pu commettre – lui semblait précipité. La culpabilité le rongeait.

Alors... il ignorait s'il pouvait offrir à Danger ce qu'il voulait... ou ce qu'il méritait...