Scandal | Ghost

Trente-sixième virage

Trente-sixième virage.

Pourquoi avait-il la désagréable impression d'avoir été victime d'un coup monté ?

Ses pensées allaient dans tous les sens depuis ce que Scandal lui avait dit à l'intérieur de la clinique quelques instants auparavant.

Ghost maugréa silencieusement dans sa barbe jusqu'à ce qu'il arrive à la hauteur de la fenêtre du pick-up côté conducteur. Il frappa gentiment contre la porte jusqu'à ce que Danger abaisse la fenêtre.

— Oui ?

Il avait l'air étonné de le voir là.

Ghost se racla la gorge, un peu gêné :

— Hum... en fait, je peux... rester une nuit de plus ? lui demanda-t-il.

En dépit de tout ce que lui avait dit Danger, en dépit de toutes les allusions... une part de lui était mortifiée à l'idée que le chef des Gun refuse.

— Monte.

Ghost jeta un regard à l'intérieur : le siège passager était libre. Sur la banquette arrière, Virus – une expression mécontente sur le visage – se trouvait coincé entre un Wolf toujours aussi silencieux et un Knife encore sous sédatif. La tête de l'homme endormi était posée sur son épaule et il n'avait nulle part où aller pour le fuir... et ne voulait pas non plus risquer de le réveiller et de devoir affronter sa colère. Bien sûr, Virus aurait préféré s'asseoir entre Wolf et la fenêtre, mais comme il était le plus petit des trois, il avait bien fallu qu'il se mettre au centre.

Ghost contourna la voiture et prit place à l'intérieur. Le chef des Gun fit aussitôt décoller la voiture. Il fallait dire qu'ils étaient tous crevés et empressés de rentrer. Dehors, le jour allait bientôt se lever : ils avaient fait une nuit blanche.

— Ta moto est encore au QG, tu sais, l'informa alors Danger avec un sourire, je comptais la garder pour te forcer à revenir la chercher... mais ce ne sera pas nécessaire.

C'était vrai. Avec tous les événements, Ghost avait presque oublié ce détail.

— Qu'est-ce qui t'a donné envie de passer une dernière nuit avec moi ? ajouta le chef sans lâcher la route du regard.

— Gideon..., murmura-t-il d'une voix dégoûtée. J'ai perdu un pari contre Jack il y a quelques temps et je devais obéir au doc pendant vingt-quatre heures... il m'a demandé de sortir de ma chambre pour la nuit... De toute façon, je n'ai absolument pas envie de l'entendre... faire ses... trucs avec Jack... Et Scandal qui a sa chambre juste à côté... avec Lord dans les parages... plutôt mourir.

Danger rit.

— Avec ces quatre-là des deux côtés de ta chambre, tu aurais eu leurs ébats en qualité stéréo, se moqua-t-il gentiment.

Il entendit même Virus s'esclaffer sur la banquette arrière. Foutue blague de geek...

— Je passe mon tour, maugréa-t-il.

— Cela dit, je ne te promets pas d'être sage si tu décides de ton plein gré de me rejoindre dans mon lit...

— Pitié, Danger. Je ne suis pas d'humeur. J'ai juste besoin de dormir. Je ne sais pas comment tu fais pour tenir encore debout après cette nuit de dingue...

L'adrénaline, sans doute, mais même... Danger devait être encore plus crevé que lui vue comment il s'était fait maltraiter par son ravisseur avant qu'ils ne viennent le libérer.

— Ferme les yeux, lui intima l'homme d'une voix plus douce. Je te réveillerai quand on sera arrivés.

Ghost poussa un soupir, mais obéit silencieusement. À la seconde où il ferma les yeux, il se rendit compte à quel point il était fatigué.

Il se réveilla seulement quand la voiture se mit à ralentir. Mais ils n'étaient pas encore au QG. Ils s'étaient éloignés un peu en bordure de la ville, devant ce qui avait l'air d'une petite cabine de chasseur.

— Où on est ? demanda-t-il en ouvrant les yeux.

— Chez Knife, répondit Virus en regardant par la fenêtre.

— Il vit là ?

La maison, tout en bois, était petite et isolée, pas vraiment du genre invitant.

Virus hocha la tête :

— Ouep. Tu as vu comment il était tout à l'heure... non ? C'est mieux pour lui s'il est là plutôt qu'au QG... On ne sait jamais quand la prochaine crise va survenir. De toute façon, c'est un solitaire. Et franchement, plus loin il se trouve de moi, mieux je me porte.

— Bon. Plutôt que de blablater, vous m'aidez à le transporter ? demanda Danger en jetant un œil dans son rétroviseur. Plus vite ce sera fait, plus vite on sera de retour au QG.

Virus grimaça.

— Parle pour toi...

Le hacker n'arrivait toujours pas à croire qu'il allait devoir rester ici – dans cette vieille et minuscule cabane – pour babysitter le dangereux biker... Cette perspective ne l'enchantait guère.

Ghost sortit de la voiture pour aider les trois autres hommes. Ils se servirent de la civière pour sortir Knife de la voiture et le transporter à l'intérieur. Les drogues faisaient encore effet : le biker ne se réveilla à aucun moment durant toute la procédure.

L'intérieur de la petite maison était on ne peut plus modeste. Il y avait une cuisine avec une petite table en bois, une salle de bain avec des toilettes et un lit. Il n'y avait aucune décoration sur les murs. On aurait dit une sorte de bunker pour la fin du monde avec seulement le strict nécessaire pour survivre.

Or, Ghost n'était pas le mieux placé pour critiquer la déco. Lui qui avait longuement évolué dans les forces armées était le premier à s'en tenir au minimum. Sa chambre au QG des Skull était une des plus vides.

En revanche, ce qui le choqua... fut de découvrir deux paires de menottes accrochées aux barreaux du lit quand ils déposèrent Knife sur le matelas. Il se rappela avec une grimace de quand Danger l'avait attaché à son lit... Grâce à Scandal (pas merci à lui), il savait très bien que de telles menottes pouvaient être utilisées pour certains fantasmes... mais il doutait sérieusement que ce soit leur utilité ici, car soyons honnête... qui serait assez fou pour sortir avec un mec comme Knife ?

— Heu... on m'explique ? demanda-t-il en désignant les menottes.

— Somnambulisme, répondit Danger. Avec sa condition, ce serait dangereux s'il pouvait sortir du lit... Il garde la clef dans la table de chevet.

Virus referma une menotte sur le poignet de Knife.

— S'il peut rester enchaîné à ce lit le plus longtemps possible, ça m'arrangerait.

— Est-ce que tu as tout ce qu'il te faut ? demanda Danger en se tournant vers lui. Tu vas être OK pour gérer ?

— Pas le choix de toute façon. J'espère qu'il guérira vite... car je ne supporterai pas de rester ici bien longtemps.

— On va installer ton matériel informatique. Ça te fera passer le temps plus vite.

Comme ils avaient tout laissé dans la voiture, les quatre hommes déchargèrent l'ordinateur et les écrans pour les installer chez Knife de la meilleure façon possible compte tenu de la petitesse de l'espace. Virus était soulagé : il allait pouvoir enchaîner les parties de League of Legends pour tenter d'oublier où il se trouvait.

Ils s'occupèrent ensuite de sortir la moto de Knife (récupérée à l'entrepôt désaffecté comme celles de Danger et Wolf) pour la laisser devant la maison.

Avant de partir, Danger donna ses derniers ordres :

— Bon, Virus, tu m'appelles s'il y a un souci et tu contactes Gideon pour toutes situations médicales urgentes.

— Ouais, compris, boss.

Wolf lui donna une tape encourageante dans le dos. Il aurait aussi voulu rester, mais il n'y avait pas la place pour trois ici et il devait prendre le temps de se reposer.

Laissant Virus et Knife derrière, le trio composé de Ghost, Danger et Wolf rejoignirent à nouveau la voiture pour prendre la direction du QG des Gun.