Troisième virage

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Chapitre 3.

Lord n'avait aucune idée d'où il était. Heureusement, il y avait dans le gang de Danger, un mec asiatique un peu loufoque aux cheveux bleus et aux nombreux piercings (en plus de ses tatouages), nommé Virus, qui s'y connaissait bien en informatique. Il fut capable de retracer l'appel téléphonique.

— Eh voilà, j'ai sa localisation exacte à quelques centaines de mètres près, conclu-t-il en balançant ses pieds sur son bureau avec nonchalance, tandis qu'un point rouge clignotait sur son écran.

Scandal avait retenu son souffle.

— Bon travail, le félicita Danger en s'appuyant sur le dossier du fauteuil sur lequel le membre de son groupe bossait pour se pencher sur son écran.

— J'ai mérité mes donuts ?

Les beignes étaient le pêché mignon de Virus. Il pouvait tout faire en échange de la délicieuse pâtisserie.

— Ouais, tiens.

Danger lui tendit une boîte de douze (que Virus n'aurait pas besoin d'aide pour manger en entier). Son interlocuteur rabattit le couvercle et s'exclama avec joie :

— Oh ! Mes préférés ! Ceux fourrés au chocolat et à la crème chantilly !

Insensible à cette effusion de sentiments positifs, Scandal avait déjà enregistré les coordonnés GPS sur son téléphone et marchait en direction de la sortie avec une détermination rare. À mi-chemin, il sentit néanmoins une main se poser sur épaule :

— Hey, qu'est-ce que tu fais ? Tu ne vas pas là tout seul.

Il fit volteface – énervé d'être stoppé dans sa démarche – pour tomber nez à nez avec son chef. Monster le toisait avec sérieux.

— Alors, tu n'as qu'à me suivre. Ce n'est pas comme si je pouvais me permettre que tout le monde soit prêt à partir ! Nous n'avons pas une seule seconde à perdre ! Lord est peut-être sérieusement blessé !

Il n'avait aucune idée dans quel état il retrouverait son ami et ça lui foutait les jetons.

Monster sur ses pas, ils enfourchèrent leur moto et décollèrent sans attendre. Scandal suivait le trajet sur un GPS. Son cœur n'avait jamais battu aussi vite. Il dépassa bon nombre de limitations de vitesse, ne fit aucun stop et doubla des voitures de justesse en route, priant pour ne pas être chopé par la police. Ce serait bien sa veine !

Bientôt, ils ne furent plus qu'à quelques centaines de mètres du point rouge clignotant sur l'écran. Scandal serrait la mâchoire d'angoisse, suppliant pour retrouver Lord en un seul morceau.

Il finit par distinguer une silhouette étendue au sol au milieu d'un brasier. Débarquant de sa moto, le blond ne perdit pas une seconde et courut en direction de la forme allongée.

— Lord ! cria-t-il.

Derrière le jeune homme, l'usine abandonnée dans laquelle il avait été torturé brûlait encore. Des services d'urgence tels que les pompiers et les flics ne tarderaient pas à être alertés par la fumée, alors ils devaient partir rapidement.

Découvrant Lord, à peine conscient, couché dans la poussière, Scandal se laissa à tomber à genoux près de son corps et le gifla avec désespoir et panique. Les nombreuses cicatrices, les plaies ouvertes et le sang séché serrèrent son cœur. Il tuerait celui qui avait fait ça !

— Lord, Lord ! Réponds-moi !

Monster posa une main sur son épaule.

— Hey, arrête de le frapper. Monte avec lui sur ta moto – on reviendra chercher la sienne plus tard si les flics n'ont pas débarqué – et amène-le à la clinique de Gideon : il l'examinera. Je vais retourner prévenir les autres chez Danger.

Lord ouvrit faiblement les yeux et gémit sous la douleur qui faisait trembler ses membres. Néanmoins, remarquant un visage connu au-dessus de lui, il soupira de soulagement : le combat touchait à sa fin pour de bon ; il était en sécurité.

— Scandal..., murmura-t-il la voix éreintée et rauque à force d'avoir crié.

Le blond se retenait pour ne pas verser des larmes. Il ne pouvait pas se le permettre en face de Lord qui avait dû endurer bien pire.

— Ne parle pas, tu vas t'épuiser.

Le plus âgé sentit ses muscles craquer et supplier pour leur libération quand il souleva Lord qui faisait environ son poids et la même taille que lui dans ses bras. Si son cadet avait été en forme, il se serait sans doute moqué de lui. Grognant, il réussit néanmoins à parcourir les quelques mètres qui les séparaient de sa moto. Il hissa Lord sur le banc de cuir, puis se glissa derrière lui, passant ses bras autour de sa taille pour attraper le guidon. Au moins, Lord avait encore un peu de force – ou d'adrénaline – pour ne pas tomber.

— Tiens bon, Gideon va te soigner.

Il fit vrombir le moteur de la Harley entre ses cuisses et quitta le lieu du drame au plus vite. Lord ne lui avait encore rien dit, rien raconté. Avec sa fierté, Scandal ne savait même pas s'il le ferait. Ce qu'il savait déjà, c'était qu'il ne se pardonnerait jamais pour ce qu'il avait laissé arriver à son protégé... Si seulement ce soir-là il n'était pas rentré au manoir bourré et connard, les choses auraient pu être différentes... Lord ne serait jamais partie seul et à l'aveuglette en pleine nuit. Il s'en voulait tellement...

Ravalant ses remords pour se concentrer sur l'état de son passager, Scandal fit de son mieux pour adopter une conduite qui, certes, était rapide, mais qui n'endommagerait pas les blessures du plus jeune. Il faisait son possible pour éviter les nids de poules susceptibles de mettre à l'épreuve non seulement sa suspension, mais la résistance d'un Lord souffrant aux chocs.

— On est bientôt arrivés, promit-il, se voulant le plus rassurant possible, bien que ça n'ait jamais été sa force.

Lord se blottit contre son sauveur, respirant son parfum comme une drogue. Il ne savait pas si c'était les effets de la douleur qui l'aveuglaient et lui faisaient imaginer des choses, mais il était entre les bras de Scandal qui l'avait sauvé, porté et hissé sur sa moto. Il aurait pu être en phase terminale d'un cancer, il aurait tout de même trouvé le moyen de profiter de ce moment-ci. Il laissa ses paupières lourdes se fermer, confiant et épuisé.

— Il ne faut pas que tu dormes, Lord ! exigea Scandal d'une voix assez forte près de son oreille. Ne t'endors pas ! Fais un petit effort, au moins jusqu'à la clinique !

Le blond ne s'y connaissait pas trop en médecine. Il ne savait pas ce qu'avait Lord, mais il avait vu ça dans plein de films : la personne ne devait pas s'endormir avant d'avoir consulté le docteur. Il était effrayé à l'idée que le plus jeune ne se réveille plus jamais s'il le laissait somnoler.

Au prix d'un terrible effort, Lord parvint à obéir et lutta contre le sommeil jusqu'à ce que la moto s'arrête en face de la clinique de Gideon. 

Scandal | GhostOù les histoires vivent. Découvrez maintenant