Chapitre XV : Sous le plaid.

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Ce vendredi, Adrian Cadran m'a annoncé qu'il partait à l'étranger durant le week-end et qu'il ne reviendrait que mardi. J'ignore si c'était simplement pour m'informer qu'il ne serait pas là jusqu'à la fin de semaine parce que je suis son employé, ou bien s'il avait une autre idée derrière la tête. Je penche plutôt pour la deuxième solution. C'était sa façon de me dire qu'il ne viendrait pas à L'Illusion. Je garde ma déception pour moi. En soi ce n'est pas si mal. Ces derniers temps il s'est créé comme une distance entre Ivan et moi, et je vais profiter de ce week-end pour qu'on puisse parler un peu plus. Samedi après-midi j'ai aussi prévu de revoir Alice.

À 14h ce samedi donc, je suis ravi de me diriger vers le café devant l'école, celui où nous avons pris l'habitude de nous retrouver entre les cours. J'ai tellement hâte qu'elle me raconte comment les choses se passent pour elle. Son entretien était très mystérieux. Je suis le premier arrivé sur les lieux, je l'attends debout devant la vitrine du café, sautillant presque d'impatience.

Quand je l'aperçois enfin, je lui adresse de grands signes de la main. Elle me fait un petit sourire mais quand elle se rapproche, je ne peux m'empêcher de remarquer les immenses cernes sous ses yeux. Si ma première semaine a été difficile, la sienne semble avoir été titanesque.

Une fois nos boissons commandées nous nous asseyons à notre table de prédilection. Par chance c'est samedi et l'endroit est presque vide.

— Alors, comment ça se passe pour toi ?

Elle a un regard un peu fuyant et hausse les épaules.

— Pour tout t'avouer Sacha, j'ai dû signer une clause de confidentialité, et je ne peux donc pas trop en dire. Mais ce que je peux te dire, c'est que dans l'ensemble c'est éreintant. Je commence à 07h le matin, je termine à 20h le soir... Je suis une vraie esclave.

Je lui adresse un sourire compatissant.

— Et toi alors ? me demande-t-elle.

— Je n'ai pas trop à me plaindre. Je suis assistant du PDG de la boîte, et il me traite bien. Le boulot est très intéressant. Mes heures sont longues aussi, cette semaine, je suis rentrée deux fois chez moi à plus de 22h.

Comme Alice ne semble pas vouloir m'en dire beaucoup plus sur son travail ou en tout cas qu'elle ne peut pas, c'est surtout moi qui fais la conversation pendant cet après-midi. J'évite de trop parler de M. Cadran, mais je l'assaille d'anecdotes concernant M. Lee, qui me fait beaucoup rire au quotidien. C'est quelqu'un de très gentil, et même si je pense qu'il suffit largement en tant qu'assistant de mon patron, il est suffisamment aimable pour me déléguer une partie de son travail. Ses nombreuses sorties au café m'amusent aussi beaucoup. Je l'ai accompagné une ou deux fois, ce qui m'a aussi permis de faire la connaissance plus poussée de la jeune fille qui tient le café. Elle parle aussi avec beaucoup de familiarité à mon collègue. Je n'ai pas osé demander qui elle était par rapport à M. Cadran mais je reconnais que cela m'intrigue.

Quand j'en arrive là de mon récit, Alice suggère qu'elle est peut-être la petite amie de mon patron. Je retiens une grimace. Cette idée me déplaît beaucoup, pour des raisons évidentes mais que je ne peux pas lui partager. J'ai déjà entendu parler d'hommes mariés et secrètement attirés par les autres hommes, d'ailleurs, pour ainsi dire, j'en rencontre à chacun de mes shifts à L'Illusion. J'envisage un bref instant qu'il est possible que ce soit le cas de M. Cadran, car après tout je ne connais rien de sa vie intime, mais une partie de moi, et pas uniquement celle contrôlée par la jalousie, me laisse penser que ça n'est pas leur relation. En tout cas M. Lee n'a rien dit à ce sujet.

Il est presque 17h quand je dois rentrer à la maison. Je prends mes affaires et repart au travail.

Pendant la soirée je passe pas mal de temps avec Ivan. Comme je lui ai dit que je serais tranquille ce week-end, que je resterai en salle, il s'est réservé un maximum de temps. Je crois que le magicien n'était pas très content de voir le peu de clients avec qui il aurait rendez-vous ce soir mais il n'a rien dit. En soi Ivan est l'une des têtes d'affiche de L'illusion. Il est beau, il a un sourire à tomber par terre, les clients l'adorent donc forcément. Et je dois reconnaître que même si j'ai dit ça un peu par hasard, le blond platine lui va très bien. Il était très fier de me montrer ses nouveaux cheveux en tout cas.

— Demain tu veux dormir à la maison ?

— Dormir à la maison ?

— Oui tu sais, comme ta grand-mère est toujours à l'hôpital, je me suis dit que ça te ferait du bien d'avoir un peu de compagnie. Et ça fait tellement longtemps qu'on n'a pas fait de pyjama party ! Soirée jeux vidéo ou film, ou n'importe quoi d'autre. Ce qui te plaira.

— Allez ça marche. Mais à quelle heure est-ce que tu finis ?

— Je vais demander de partir à la même heure que toi. Ça fait longtemps que je n'ai pas pris de congés, le magicien ne me le refusera pas.

Je lui adresse un grand sourire et retourne vaquer à mes occupations alors que le bar commence à se remplir. Ivan reste avec moi presque toute la soirée, nous inventons de nombreux nouveaux cocktails, nous passons un bon moment. En tout cas ça faisait longtemps que je n'avais pas vu Ivan de si bonne humeur.


***


Le dimanche soir, il est déjà minuit quand nous quittons L'Illusion. Je me dis que je vais être dans un sale état le lendemain, mais j'ai passé un excellent week-end, je sens qu'on s'est rapprochés avec Ivan et ça me fait du bien. Je dormirai peu cette nuit mais j'y suis habituée de toute manière.

Après avoir préparé des snacks divers et reproduit le meilleur des cocktails que nous avons inventés cette semaine, on se pose sur le canapé, sous un plaid.

À la moitié du film, je réalise que j'ai bu plus que de raison. Notre cocktail est traître. On dirait du jus de fruits et je l'ai bu comme ça. Ivan à l'air un peu pompette lui aussi. D'un coup il se rapproche de moi et pose la tête sur mon épaule. D'un geste à demi conscient, je passe un bras autour de lui pour qu'il soit bien installé. Mais à peine ai-je entouré ses épaules qu'il lève la tête vers mon visage et braque son regard dans le mien. Je lui adresse un sourire, un peu surpris par le changement de son expression. Mais je n'ai le temps de rien faire d'autre, avant qu'il ne se dresse un peu et vienne plaquer ses lèvres contre les miennes. Sous le coup de la surprise, je reste d'abord parfaitement immobile. Puis quand je sens sa langue venir effleurer la mienne, la panique me saisit. Sûrement trop brutalement, je le repousse et mon cocktail se déverse sur le sol. Je me lève à la hâte. Lui aussi.

— Sacha...

J'ai du mal à respirer. Il me regarde avec une expression que je n'avais jamais vue.

— Sacha tout va bien... Tu...

Il fait un pas dans ma direction et moi je recule de trois. Puis sans réfléchir, je cours vers la porte de son appartement et déferle dans la rue. Mon cœur cogne fort dans ma poitrine. Mais qu'est-ce qu'il lui a pris ? L'image d'Adrian Cadran me vient soudainement en tête. Je me sens terriblement coupable. Je cours alors dans la rue en direction de chez moi. J'essaye de ne pas y penser. J'essaye d'oublier.

Heureusement qu'il ne rentre que mardi.

Il va me falloir du temps pour réfléchir à ce qui vient de se produire.

Tu seras mien --- M/M 🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant