Chapitre XII : Guerre froide.

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Alan Cadran dévisageait son fils d'un regard mauvais. Il se râcla la gorge :

- Ce bar que tu affectionnais... Il a été racheté par les Hillstorm dans le plus grand secret il y a de ça environ six mois.

- Je vois.

- Ils avaient donc accès à toutes leurs données. Voilà, comment ils ont su que tu étais client.

- Je n'ai jamais donné mon nom, pourtant.

- Personne n'aurait pu connaître ta vraie identité ?

Adrian Cadran garda le silence. Le regard de son père était glacial.

- Adrian, réponds-moi.

- Si, une personne connaissait mon identité.

- Tu es un idiot. Tu me déçois terriblement. Qu'ai-je donc fait, pour mériter que trois de mes fils soient de tels idiots ? Ne vaux-tu donc pas mieux que tes frères ? Te rends-tu compte que s'il vient aux oreilles de Nautilus que tu as ce genre de... penchants répugnants, jamais, au grand jamais, ils n'accepteront que tu épouses la petite Larosare ?

- Je suis désolé que ça vous répugne, père. Je n'ai pas choisi d'être ainsi.

- Tais-toi. A.C. est couvert de dettes depuis le procès contre les Hillstorm il y a vingt ans. Je ne peux tolérer que la fusion avec Nautilus ne se fasse pas...

- La perte du procès peut difficilement m'être imputée, père.

- Impertinent... Je suis innocent, je n'ai pas causé la mort du vieux Hillstorm.

- Pourtant, A.C. Partnership a été condamnée à réparer les dommages causés à Farmaceutica, non ?

- L'homme qui a fait exploser les bâtiments de la nouvelle usine de Farmaceutica n'était pas à ma solde. Il a agi de son propre gré, c'était un hasard, qu'il soit employé de notre entreprise. Pourquoi aurais-je voulu attenter à la vie du vieux Hillstorm ? À cette époque, A.C. se portait parfaitement bien, ça n'avait aucun intérêt.

- Père, cela ne change rien à la condamnation et au fait que j'ai hérité d'une compagnie ultra endettée.

Alan Cadran jeta un bref coup d'œil à son fils, fulminant.

- Qui est la personne qui connaît ton identité ?

- Pourquoi veux-tu savoir ?

- Parce qu'il me faut me débarrasser de cette personne.

Le cœur d'Adrian battit furieusement. Se débarrasser de Sacha... ?

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? s'enquit-il d'une voix qu'il s'efforçait de maintenir calme.

- Avec de l'argent, on achète n'importe qui. Je dois savoir tout ce qu'ils savent. Je dois récupérer les preuves... Et si l'argent ne suffit pas, j'ai d'autres idées en tête.

- Père, intervint Adrian. Je vais m'en occuper moi-même.

- En es-tu capable?

Adrian hocha lentement la tête, et son père eut une moue hautaine.

- Si tu penses pouvoir t'en occuper... Soit. Mais à la fin du mois, il y a le grand gala de charité, Adrian. Sache-le bien, si jamais tu n'es pas au bras de Mlle Larosare à ce gala, alors tu peux dire au revoir à l'entreprise. Alderick la veut aussi. Il a peut-être une réputation de coureur de jupon, mais au moins, il court les jupons, lui.

Adrian se renfrogna. Il savait que c'était ça, qui répugnait le plus son père, dans cette histoire. Lui, l'enfant parfait, qui n'avait jamais été pris sur le fait de rien, qui avait excellé à l'école, toujours tout compris du monde des affaires... avait aussi le malheur d'être attiré par les hommes. L'unique erreur devenait donc l'erreur de trop.

- Laissez-moi un peu de temps, père, répondit-il. Et je récupèrerai les preuves en possession de Farmaceutica. Celui qui m'a piégé ne sait pas que je suis au courant de sa participation dans cette histoire. Je vous promets que je ne le laisserai pas s'en sortir si facilement.

- Bien. C'est ta dernière chance, Adrian. Mais sache que je fais revenir tes frères en ville. Au moindre faux pas, tu devras déclarer publiquement que tu renonces à l'entreprise en faveur d'un des deux. Je ne sais pas encore lequel... Car vous êtes tous sur la sellette, ici. Mais je ferai un choix, je te le garantis. Est-ce clair ?

Adrian affronta un moment le regard de son père, puis hocha la tête.

Après un dernier regard empli de dégoût pour son fils, Alan Cadran se détourna, et, fulminant, fit résonner le bruit de ses pas sur le marbre du couloir.

Lorsqu'il entendit la porte se refermer sur son père, Adrian laissa tomber sa tête dans ses mains.

Quel enfer.

Si au moins il avait pu régler les choses sans que son père se mêle au problème... Sans compter ses frères qui arriveraient prochainement. C'était un sacré foutoir en perspective.

Il faudrait vraiment qu'il règle la chose le plus vite possible. S'il ne s'en occupait pas lui-même... Alors qu'adviendrait-il de Sacha ?

Pas qu'il ait la moindre bonne raison de s'inquiéter du sort de ce traître...

Mais...

Il fallait au moins l'entendre se justifier de ce qu'il avait fait.

Après tout, Alan Cadran pouvait bien dire ce qu'il voulait, Adrian avait lu les notes du procès survenu vingt ans plus tôt. Il n'avait pas pu être nettement prouvé que l'ancien PDG de A.C. Partnership avait été au courant du projet d'assassinat de Terrence Hillstorm, pourtant, la défense n'avait pas pu non plus présenté de preuves suffisantes de l'innocence de son père.

Et dans son cœur, Adrian ne pouvait être convaincu de cette innocence. Il connaissait trop bien l'homme effrayant qu'était Alan Cadran.

Déjà, à cette époque, les Hillstorm et les Cadran se haïssaient. Voilà qui avait jeté un bon seau d'huile sur le feu.

Après le procès, Alan Cadran était resté aussi loin que possible des médias, jusqu'à ce que, alors âgé de vingt ans, Adrian soit mis sur le devant de la scène et devienne le nouveau visage d'A.C. Partnership. Le nouveau visage et...

La nouvelle cible des Hillstorm, qui avaient de plus enfin découvert sa corde sensible.

À présent, il allait falloir trouver une solution, concernant Sacha.

Son téléphone vibra et il le déverrouilla.

L'intéressé venait de lui répondre.

« Ça s'est très bien passé ! Elles sont toutes très gentilles... Est-ce qu'on pourrait se voir, en fin de journée ? Je suis avec Sylvia, je suis passé prendre un café. J'aimerais qu'on puisse parler de quelque chose, notamment de mon embauche chez A.C. Partnership... J'attends ta réponse, je t'aime. »

La colère envahit Adrian. Son téléphone tremblait entre ses doigts.

« Je t'aime ». Quel affreux petit hypocrite. Comment osait-il... ? Non content de le trahir, il allait en plus jouer avec lui ?

S'il s'était écouté, Adrian aurait immédiatement sauté dans sa voiture pour aller au café et récupérer Sacha. Mais il était avec Sylvia... C'était une mauvaise idée de mêler sa sœur à ça. Adrian avait encore espoir de pouvoir régler les choses discrètement.

Il ramassa la bouteille de whiskey sur la table et en but un quart à même le goulot de la bouteille. Il parcourut son manoir et se rendit au garage. Il ouvrit le coffre de sa voiture préférée et déposa plusieurs ustensiles, qu'il n'aurait jamais imaginer utiliser un jour contre le garçon qui avait tant fait battre son cœur, et en tout cas pas de cette façon. Il allait falloir lui faire peur. S'il croyait qu'il pouvait se moquer de lui... Il n'était pas près pour la surprise qui l'attendait.

Quand tout fut en place, il referma le coffre et pris son téléphone.

« Je t'attendrai au coin de la rue à 20h. Est-ce que c'est bon pour toi ? »

Il n'eut pas même à attendre trente secondes.

« Parfait. À tout à l'heure, j'ai hâte. »

Adrian retint un sombre sourire.

Lui aussi, avait hâte.

Tu seras mien --- M/M 🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant