Chapitre 16

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PDV : Maya

Les mois passèrent, et chaque journée semblait se fondre dans la suivante, créant une routine morne et grise. J'observais Hayden, et plus je le faisais, plus un doute insidieux s'installait en moi. Était-ce moi qui perdais la tête ? Peut-être que tout ça n'était qu'une illusion, une construction de mon esprit malade. Mais une petite voix en moi murmurait toujours que c'était lui, que quelque chose n'allait pas. Pourtant, cette conviction s'érodait lentement, jour après jour.

Nous étions assises, Elisa et moi, dans ce petit café que nous fréquentions souvent après les cours. Le décor familier des murs recouverts de photos anciennes, les tables en bois vieilli, tout était censé m'apaiser. Mais cette fois, la chaleur du lieu n'arrivait pas à dissiper le froid qui s'était emparé de moi.

— Maya ! Maya ! Mayaaa !

— Hein ?! Pardon, j'étais dans mes pensées, Elisa... qu'est-ce que tu voulais me dire ?

Elisa me fixa avec un mélange de frustration et de nervosité, triturant une mèche de ses cheveux.

— Ah oui, bah... comment dire... En fait, je crois que je suis amoureuse de Hayden, dit-elle d'une voix tremblante, le rouge lui montant aux joues.

Je clignai des yeux, surprise par cette révélation.

— Quoi ? Tu es sérieuse ?

Elle baissa les yeux, se mordant la lèvre inférieure.

— Je sais que c'est un peu soudain, mais depuis qu'il est arrivé dans notre classe... je n'ai pas pu m'empêcher de ressentir quelque chose pour lui.

Une boule se forma dans ma gorge. Comment pouvais-je lui expliquer ce que je ressentais, ce que je soupçonnais ? Je pris une profonde inspiration avant de plonger dans le sujet qui me hantait depuis des mois.

— Elisa, je comprends tes sentiments, mais je dois te dire que j'ai des doutes à son sujet. Il y a quelque chose qui cloche.

Elisa leva les yeux au ciel, exaspérée.

— Maya, ne recommence pas avec ça... je pensais que tu avais arrêté avec tout ça. Ça va faire des mois maintenant.

Je serrai les poings sous la table, essayant de contenir l'agitation qui grandissait en moi.

— Oui, mais je ne peux pas m'empêcher de penser—

— Maya, tu te fais des films, me coupa-t-elle, visiblement agacée. Tu imagines des choses. Hayden n'a jamais donné de raisons de douter de lui.

— Non, je suis convaincue qu'il y a quelque chose de louche. Tu devrais peut-être être plus attentive. Le jour de la fête foraine, par exemple, pourquoi il a galéré à répondre à une simple question ?

Elisa poussa un soupir exaspéré, croisant les bras.

— Mais Maya, arrête ! Peut-être qu'il était tout simplement gêné ! Je pense plutôt que tu deviens paranoïaque. Hayden est quelqu'un de bien.

Ses mots frappèrent comme une gifle. Paranoïaque ? Était-ce vraiment ainsi qu'elle me voyait ? Mon cœur se serra, mais je ne pouvais pas laisser passer ça.

— Paranoïaque ? Non, mais j'y crois pas... Tu es en train de me traiter de folle ou je rêve ?

— Ce n'est pas ce que j'ai dit, répondit-elle, adoucissant légèrement son ton. C'est juste qu'on pourrait le croire. Est-ce que tu prends encore les médicaments que la psy t'a prescrits ?

Je me raidis, ressentant une montée de colère.

— Tch, arrête avec tes questions bizarres... Amy était aussi ton amie, non ? Sa mort ne t'a jamais intriguée ? Morte dans une ruelle, aucune preuve, tu ne trouves pas ça étrange ? Est-ce que tu ne serais pas tout simplement aveuglée par l'amour que tu lui portes ?

Elisa me fixa avec une intensité qui me fit vaciller. Son expression passa de l'agacement à quelque chose de plus sombre.

— Moi aveuglée ? Elle ricana, mais il n'y avait rien de joyeux dans ce son. Je te rappelle que c'est toi qui as pris un an avant de témoigner, c'est bien pour ça que personne ne t'a jamais cru. Et puis, je ne suis pas celle qui doit voir un psy.

—  Comment peux-tu dire ça ? répliquai-je, la colère montant en moi.

— Amy est morte, Maya. Tu devrais vraiment arrêter de creuser dans le passé. Ça ne t'apportera rien de bon. Et puis rien de ce que tu feras ne la ramènera.

Ses mots résonnèrent comme un coup de marteau, démolissant les dernières bribes de compréhension entre nous. Je restai figée, incapable de répliquer, sentant une vague glaciale m'envahir.

Le silence qui suivit fut plus lourd que n'importe quelle réponse. Elisa me fixa encore un instant, puis, sans un mot de plus, elle se leva et quitta le café, me laissant seule.

 L'ombre du ParapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant