Chapitre 41

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PDV : Maya

— Tu sais quoi, laisse tomber. On en reparlera ce soir en terminant le projet.

Hayden me regardait avec une étrange lueur dans les yeux. Une lueur de quelque chose que je ne comprenais pas complètement, une sorte de mélange de frustration et de résignation.

— T'es sûr ? lui demandai-je, hésitante.

— Oui, c'est bon. J'y vais !

Sans un mot de plus, Hayden s'éloigna de moi, la tête baissée, ses pas lourds résonnant dans le couloir vide. Un étrange poids se fit sentir sur ma poitrine. Ce garçon, qui la veille encore semblait proche, paraissait aujourd'hui si différent, si distant. J'avais l'impression de perdre pied, mais mon objectif me retenait : ce soir, ce serait ma dernière chance de prouver ce qu'il avait fait à Amy. Chaque seconde comptait, et pourtant je n'avais toujours rien de concret. Si je n'agissais pas maintenant, je risquais de tout perdre.

De retour en classe, j'essayai de me concentrer, mais mon esprit était ailleurs. Une angoisse sourde s'insinuait en moi, s'intensifiant au fil des minutes. L'après-midi s'étirait interminablement, chaque seconde m'étouffant un peu plus sous le poids des regards que je sentais sur moi.

Les murmures commencèrent, plus insistants que d'habitude. Des ricanements perçaient ici et là, et une tension palpable s'installait dans la salle. Les chuchotements s'enroulaient autour de moi comme des serpents prêts à m'étouffer. Quelque chose se tramait, mais je ne savais pas quoi. Une boule d'angoisse naquit dans mon ventre. Respirer devenait difficile sous le poids de ces regards hostiles.

Quand la cloche sonna enfin pour la pause déjeuner, je tentai de disparaître. Je m'isolai dans un coin de la cour, loin des groupes et des regards. Peut-être que, si je restais invisible, les ennuis m'oublieraient. Mais alors que je venais à peine de sortir mon sandwich, je les vis arriver. Sarah marchait en tête, suivie de ses deux complices. Leur démarche assurée, leurs sourires déformés par la moquerie... rien de bon ne pouvait en sortir.

— Hé, Maya ! lança Sarah avec une fausse jovialité. Ça fait quoi d'être la petite protégée d'Hayden, hein ? Tu crois vraiment qu'il t'aide parce qu'il t'aime bien ? Pathétique.

Sarah ne m'avait jamais aimé. Ce n'était pas une simple rivalité adolescente, c'était plus viscéral. Peut-être que je représentais tout ce qu'elle méprisait chez elle-même. Peut-être était-ce la seule manière pour elle de se sentir puissante, en piétinant quelqu'un de plus vulnérable. Dans ce monde de lycée où chacun tente de garder la tête hors de l'eau, j'étais devenue son moyen de rester au sommet.

Je baissai les yeux, espérant qu'elles se lasseraient si je ne réagissais pas. Mais Sarah ne se lassait jamais de me voir souffrir.

— Hayden nous a empêché de nous amuser la dernière fois avec ton sac, ça me rappelle l'histoire du verre d'eau à la cantine, et franchement... tu sais déjà que je n'ai pas apprécié, continua-t-elle avec un sourire cruel. Heureusement, j'ai pu me rattraper aux toilettes. Aujourd'hui aussi j'ai décidée de me rattraper !

Je sentis un frisson me parcourir. Sarah n'avait même pas besoin de savoir s'il y avait quelque chose entre Hayden et moi. Sa seule bienveillance avait suffi à nourrir sa haine.

— Regarde-la, elle fait comme si elle n'entendait rien, ricana la petite brune aux cheveux courts. T'es devenue sourde ou juste encore plus cinglée ?

Leurs rires fusaient autour de moi, tranchants comme des lames. Je serrai les poings, essayant de ne pas trembler.

— Franchement, tu me fais de la peine, Maya, reprit Sarah, s'approchant encore. Pour une folle, tu n'as vraiment pas le style. Et si on arrangeait un peu ça, hein ?

Je voulus reculer, mais mes jambes ne bougeaient plus. Avant même de pouvoir réagir, elle plongea sa main dans son sac et en sortit une paire de ciseaux. L'éclat du métal sous la lumière me glaça le sang. D'un geste brusque, elle attrapa une poignée de mes cheveux.

— Non, laisse-moi ! tentai-je de crier, mais ma voix se brisa.

— Détends-toi, lança-t-elle en tranchant une mèche de cheveux. C'est juste le début.

Le bruit des ciseaux résonna dans l'air, et je vis la mèche coupée tomber à mes pieds. Mes cheveux, mes précieux cheveux, étaient à présent entre ses doigts, tandis que ses amies éclataient de rire.

— Tu devrais nous remercier, Maya. On t'aide à trouver ton vrai look.

Je tentai de m'échapper, mais leurs mains m'enserraient, me poussant violemment contre le mur de la cour. Sarah posa fermement ses mains sur mes épaules.

— Allez, on n'a pas encore fini ! continua-t-elle, excitée par la cruauté de son propre jeu.

Elles m'immobilisèrent complètement. Les coups de ciseaux se succédèrent, rapides, impitoyables. Mes cheveux tombaient par mèches irrégulières, et chaque coup me faisait l'effet d'une trahison supplémentaire. Leurs rires résonnaient, amplifiant l'humiliation.

C'est à ce moment-là que je la vis. Elisa. Elle se tenait là, un peu en retrait. Son visage était figé, ses yeux fixés sur la scène. Pendant un instant, nos regards se croisèrent. Un mince espoir naquit en moi... mais elle ne bougea pas. Elle regardait, simplement spectatrice de ma détresse. Son absence d'action, ce refus de m'aider, me fit plus mal que toutes les humiliations que je subissais. Une partie de moi se brisa en voyant son indifférence.

— Elisa, murmurais-je, presque inaudible. Mais elle tourna la tête.

Sarah continua, insensible à tout. Elle entailla ma chemise, mes vêtements, laissant des lambeaux de tissu pendouiller. L'air froid me mordait la peau, mais la honte, elle, brûlait.

— Maintenant, un souvenir. Tu vas t'en rappeler longtemps, Maya.

Elle appuya sa main sur ma bouche, m'empêchant de crier, et commença à graver des mots sur mes bras avec les ciseaux. « Folle. » « Moche. » « Tarée. » Chaque entaille envoyait une vague de douleur dans mon corps, mais la pire blessure était celle de savoir qu'Elisa n'avait rien fait. Elle était restée là, spectatrice.

Quand elles eurent fini, Sarah se redressa, satisfaite.

— Voilà, maintenant t'es parfaite.

Elles s'éloignèrent, ricanant, me laissant là, au sol, tremblante. Mes bras saignaient, mes vêtements déchirés, mes cheveux en lambeaux. Mais ce qui me faisait le plus mal, c'était ce regard qu'Elisa m'avait lancé. Celui d'une société qui regarde sans intervenir, spectatrice silencieuse de ses propres cruautés.

Je regardai autour de moi, cherchant un visage, un geste, un espoir. Mais il n'y avait rien. Juste le silence.

 L'ombre du ParapluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant